Hapsatou Sy démissionne de Canal+ face à la Zemmourisation de la chaîne

Zemmourisation médiatique. La journaliste Hapsatou Sy, présentatrice depuis 2017 sur Canal+ Afrique et chroniqueuse sur C8, a annoncé démissionner du groupe Canal+ ce mardi 31 août 2021. La raison ? La zemmourisation du groupe, devenu une « caisse de résonance de certaines thèses extrêmes ». Notre article.

Le 18 septembre 2018, le polémiste d’extrême droite, condamné à trois reprises par la justice pour incitation à la haine, avait qualifié le prénom de la chroniqueuse d’« insulte à la France ». Éric Zemmour avait lancé à Hapsatou Sy que sa mère « aurait du l’appeler Corinne ». La chroniqueuse avait alors déposé plainte pour « injure raciste ».

Les faits remontent donc à 2 ans. À l’époque, le groupe Canal+ avait choisi de ne pas diffuser les propos du polémiste. C’était sans compter sur la chroniqueuse qui avait sorti l’extrait censuré sur ses réseaux sociaux, qui avait alors soulevé une vague d’indignation.

Mais depuis, Hapsatou Sy a été lâchée par le groupe : « depuis maintenant 2 ans, je dois affronter des procédures judiciaires contre Eric Zemmour largement soutenu par le groupe qui m’avait pourtant affirmé son soutien ».

La chroniqueuse, qui apportait l’une des plus belles audiences au groupe Canal+ notamment sur le continent africain grâce à son émission « Enquête d’Afrique », pointe la zemmourisation médiatique que dénonce l’insoumission depuis de long mois : « je me rends compte de jour en jour que la chaîne est devenue une caisse de résonance des thèses extrêmes à l’opposé de mes valeurs et de celles de la majorité des français ».

Nouvelle confirmation de la protection toute particulière de Vincent Bolloré en faveur d’Éric Zemmour mais également de Pascal Praud, les deux têtes d’affiches qui boostent tellement les audiences de CNews, que la chaîne d’information du groupe Canal+ vient de rattraper le leader historique BFMTV.

Pour rappel, deux journalistes du groupe, Stéphane Guy et Sébastien Thoen, avaient été licenciés pour avoir osé réaliser un sketch parodiant l’extrême droitisation de l’émission l’«heure des pros» de Pascal Praud.

Autre scandale passé sous les radars médiatiques et révélé par Médiapart, la défense d’Éric Zemmour par la direction du groupe suite à ses propos sur les mineurs isolés («tous des voleurs, des assassins et des violeurs» NDLR). Des propos pourtant condamnés par le CSA, Cnews devant verser 200 000 euros d’amendes.

Pourtant, le 7 octobre dernier, Frank Cadoret, le directeur général du groupe Canal +, est venu voler en défense d’Éric Zemmour. En pleine réunion du comité social et économique (CSE), face à l’indignation des syndicats de journalistes, le n°2 du groupe a notamment affirmé que les propos polémiques de l’éditorialiste sur les mineurs isolés n’étaient « pas racistes » et que le polémiste n’était « pas d’extrême droite ». Ambiance.

Cette démission d’une des têtes d’affiche du groupe Canal+ constitue bien une nouvelle preuve de la zemmourisation du groupe. Vincent Bolloré défend bien un agenda politique à travers Cnews, Canal+, C8 mais également Europe 1, dont la prise de contrôle par le milliardaire a entrainé une longue grève et de nombreuses démissions de journalistes.

Face à la zemmourisation médiatique, la diversion identitaire et sécuritaire qui gangrène le champ médiatique, certains journalistes et médias indépendants résistent encore et toujours, et tentent de ramener la crise écologique et sociale au cœur de l’agenda médiatique. La bataille culturelle s’annonce féroce en 2022.

Par Pierre Joigneaux.