melenchon sondage eelv
Crédit photo : Stéphane Burlot

2022 : pour son premier meeting en plein air, Jean-Luc Mélenchon choisit un lieu symbolique fort

Tout un symbole. Ce dimanche 16 mai 2021 se tiendra le premier meeting en plein air de la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de loin le mieux placé à gauche dans les sondages a choisi un lieu à forte valeur symbolique pour lancer la séquence sociale de sa campagne présidentielle : la ville d’Aubin. Explications.

6 octobre 1869. Mines et forges d’Aubin dans l’Aveyron. Une cinquantaine de mineurs débrayent. La raison de leur mise en grève ? La qualité du charbon du bassin est médiocre. Conséquence : les salaires des mineurs sont plus bas que dans bien d’autres mines, par exemple par rapport à la mine de Carmaux, à quelques kilomètres de là. Deux ans plus tôt, les mineurs de l’exploitation voisine de Decazeville ont obtenu une augmentation de salaire après s’être mis en grève.

Ce 6 octobre 1869, la cinquantaine de mineurs demandent le renvoie d’un des chefs de poste, M. Imbert, accusé de baisser les salaires. Refus de la direction. Les mineurs bloquent les deux entrées de la mine. Le lendemain, ils sont plus de 400 à aller chercher les ouvriers des forges voisines de la mine pour les rallier à leur cause.

Le 8 octobre, c’est une foule de 1400 personnes : les mineurs, leurs femmes et leurs enfants qui se rendent devant l’usine désormais gardée par l’armée. La tension est à son comble. L’armée ouvre le feu. Bilan : 14 morts, dont un enfant de 7 ans et deux femmes de mineurs, et 22 blessés, dont 3 ne résisteront pas.

Le drame prend dès le lendemain une ampleur nationale. Journalistes et députés d’opposition au Second Empire, dont Jules Ferry et Jules Simon, se rendent sur place. Cet épisode de l’histoire ouvrière est arrivé jusqu’à nous notamment grâce à sa figuration dans Germinal d’Émile Zola, célèbre ouvrage sur la condition ouvrière au XIXème siècle. Il a également inspiré deux poèmes de Victor Hugo. L’un d’eux est partiellement retranscrit sur le monument en hommage aux mineurs qui se trouve sur le plateau d’Aubin où se tiendra le meeting de Jean-Luc Mélenchon. Le voici.

« … Nous avons demandé
Ne croyant pas déplaire,
Un peu moins de travail,
Un peu plus de salaire.
-Et l’on vous a donné quoi?-
Des coups de fusils.
Je m’en souviens,
Le maitre a froncé le sourcil,
Mon père est mort,
Frappé par une balle.
Et ta mère?-Folle-
Et tu n’as plus rien?
-Si, j’ai mon petit frère,
Il est infirme,
Il faut qu’il vive de façon
Que j’ai mendié,
Mais on m’a mise en prison.
Je ne sais pas les lois,
Mais on me les applique…
« 

Jean-Luc Mélenchon a donc choisi Aubin pour le premier meeting en plein air de sa campagne présidentielle qui se déroulera ce dimanche 16 mai 2021. Une marche partira du square du Gua où se trouve une stèle en hommage au grand Ambroise Croizat, le créateur de la Sécurité sociale en France à la Libération. Cette marche montera ensuite sur les plateaux où se trouvaient les forges dans lesquelles travaillaient les ouvriers que les mineurs voulaient rallier à leur cause.

Certains enseignements de la fusillade d’Aubin sont d’une brûlante actualité : il est ainsi intéressant de savoir qu’une des raisons mises en avant pour justifier la baisse des salaires par la mine est la concurrence exacerbée par le traité de commerce franco-britannique de 1860 qui abolit les taxes douanières sur les matières premières. Les ravages des traités de libre échange et de la concurrence sur les conditions sociales d’existence des classes populaires, déjà à l’époque.

Le candidat en tête de la gauche a pour objectif avec ce meeting d’ouvrir une séquence sociale dans le pays. Ce 12 mai les insoumis publient le troisième numéro de leurs Cahiers de l’Avenir en Commun. Après deux premiers numéros sur la 6ème République et la planification écologique, ce nouveau cahier de leur programme est justement consacré à leurs propositions sociales. Las des diversions identitaires imposées à l’agenda médiatique par le duo La République en Marche (LREM) et Le Rassemblement National (RN), les insoumis veulent ramener la question sociale au cœur des débats, à un an de l’élection présidentielle. Ils pouvaient difficilement choisir lieu plus symbolique et chargé d’histoire pour tenter de ramener la lumière sur la crise sociale qui fracasse le pays.

Par Pierre Joigneaux.