Alors que les manifestations contre les violences policières et le racisme dans la police se multiplient en France, la pression sur le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, s’intensifie. Face aux nombreux cas de violences avérées au sein de la police, celui-ci a dû annoncer le lundi 8 juin la suppression de la clé d’étranglement comme technique d’interpellation. En contrepartie, sous la pression du syndicat Alliance, il devrait généraliser l’usage du pistolet à impulsion électrique (plus communément appelé Taser). Un choix qui questionne.
Castaner veut remplacer la technique de l’étranglement par l’usage de pistolets électriques
Remplacer une technique d’immobilisation létale par une autre ? Cela semble être le chemin emprunté par Christophe Castaner. Acculé par les multiples révélations sur le racisme dans la police et les violences policières et les manifestations d’une ampleur inédite, le ministre de l’Intérieur n’a eu d’autre choix que de lâcher du lest lors d’une conférence de presse organisée en urgence le lundi 8 juin. Racisme, méthodes d’interpellation, Castaner s’est empressé de réclamer « la tolérance zéro » concernant les manquements des forces de l’ordre. Il était temps ! Car jusqu’alors, le silence du ministre interrogeait.
Précisant que « personne ne doit risquer sa vie lors d’une interpellation », Christophe Castaner a donc annoncé la suppression de la clé d’étranglement comme technique d’interpellation. Cette méthode, consistant à serrer le cou de la personne interpellée pour la neutraliser, est régulièrement dénoncée. Elle constitue une pratique à risque, pouvant occasionner pour la victime de graves séquelles, voire la mort. Si cette décision paraît la bienvenue, la réplique de certains syndicats de police comme « Alliance » n’a pas tardé.
Dès le lendemain, Alliance Police Nationale s’attaque à cette interdiction et demande en compensation « la dotation du pistolet à impulsion électrique pour tous les policiers ». En cas de refus de cette demande, le syndicat menace même de relâcher les individus interpellés pour permettre leur fuite, considérant être privé de tout moyen de neutralisation. Selon les dernières informations, Christophe Castaner devrait bien céder à ces menaces et annoncer rapidement l’utilisation à grande échelle de cette arme aussi appelée « Taser ».
Le Taser, une arme largement décriée pour sa dangerosité
Le pistolet à impulsions électriques permet de neutraliser un individu à interpeller à l’aide d’une décharge électrique puissante. Cette arme est officiellement considérée comme non létale et est utilisée depuis 2006 dans certains effectifs de la police et de la gendarmerie. Pourtant, sa dangerosité est régulièrement soulignée par de nombreuses organisations depuis des années. Amnesty international, dans un rapport de 2015, décompte 331 victimes entre 2001 et 2008 aux États-Unis suite à l’utilisation de cette arme et souligne la « douleur extrême lors de l’impact ». Les douleurs sont telles que l’ONU estime en 2017 que cela consiste en « une forme de torture » pouvant « provoquer la mort ».
En France, le Conseil d’État ou encore le défenseur des droits ont déjà fait part de leurs inquiétude concernant l’utilisation du Taser. Au-delà de l’arme en elle-même, la formation des policiers reste très largement insuffisante. En cas de mise en circulation à grande échelle, comme le demande Alliance, l’impossibilité de former tous les agents entraînerait des risques importants pour les personnes interpellées. Malgré tout ces avertissement, Christophe Castaner semble bien disposé à se coucher devant les demandes du syndicat.
Alliance Police : un syndicat habitué aux intimidations en tout genre
Ce n’est pas la première fois que le ministre de l’Intérieur cède aux intimidations du syndicat « Alliance », organisation proche de l’extrême droite. Très influent au sein des forces de l’ordre, le syndicat s’attaque régulièrement aux membres du gouvernement, mais surtout à l’opposition politique et aux journalistes. En effet, Alliance n’hésite pas à prendre directement à partie les personnes ciblées lors de manifestations, dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Plusieurs journalistes en ont fait les frais durant la couverture des mobilisations des Gilets jaunes, ou encore lors de la réforme des retraites.
Une nouvelle limite est franchie en septembre 2019 quand ses membres manifestent devant le siège de La France insoumise, menaçant au passage Jean-Luc Mélenchon, le président du groupe parlementaire insoumis (voir ci-dessous). Des intimidations qui remettent en cause les principes mêmes de la démocratie, de la pluralité d’opinion et de la libre expression. Le volte-face de Christophe Castaner sur les techniques d’interpellations démontre une nouvelle fois qu’en plus de rester impunies, ces menaces parviennent à faire céder le gouvernement à chaque occasion.
Maxime Charpotier