Jeudi 4 juin 2020 a lieu la niche parlementaire de La France insoumise. Seul moment de l’année où l’opposition peut être à l’initiative et présenter ses lois en hémicycle à l’Assemblée nationale. Pour ce jour particulier, le groupe parlementaire de La France insoumise pensait initialement déposer 7 propositions de loi. Finalement, il n’y en aura que 4. Explications.
Trois propositions de lois honteusement vidées de leur contenu par La République en Marche
La crise sanitaire que nous avons traversée a révélé les conséquences de l’absence de production publique nationale de médicaments. Durant la crise du coronavirus, des pénuries de médicaments vitaux produits hors du sol national se sont faites ressentir dans nos hôpitaux. Le prix de certaines molécules, découvertes grâce à l’argent public, a explosé. Comble de l’indécence, en cas de découverte d’un vaccin, l’entreprise français Sanofi a annoncé qu’elle privilégierait le marché américain, etc. En 20 ans, le nombre de médicaments produits sur le sol européen est passé de 80 % à 20 %. Face à ce constat, la création d’un pôle public du médicament, pour relocaliser la production de médicaments, semble relever du bon sens. Pourtant, la République en Marche a vidé une proposition de loi de l’aide-soignante et députée insoumise Caroline Fiat sur le sujet. Premier cas.
Des femmes de ménage debout à 4 heures du matin pour aller travailler 3 heures, rentrer chez elles, puis retourner travailler le soir, le tout pour 800 euros par mois… C’est pour lutter contre cette situation indigne que le député insoumis François Ruffin voulait proposer une loi visant à encadrer la sous-traitance, et faire cesser la maltraitance des femmes de ménage. Le texte contenait deux grandes mesures. D’un côté la survalorisation des heures travaillées tôt le matin et tard le soir. De l’autre, des conditions imposées aux donneurs d’ordres pour mettre en place une égalité entre ses salariés et les agents d’entretien. Résultat ? Lors de l’examen du texte en commission, les deux mesures ont été supprimées par La République en Marche. La Présidente de la commission, Brigitte Bourguignon, députée marcheuse réputée pour ses coupures de micro intempestives durant la séquence des retraites, est même allée jusqu’à se moquer de François Ruffin lorsqu’il a expliqué qu’il refusait de voter un texte vidé de son contenu. Une scène qui a provoqué la colère du député de la Somme. Deuxième cas.
Parer à la crise alimentaire et agricole qui menace dans notre pays ? La députée insoumise Bénédicte Taurine comptait elle aussi profiter du moment offert par la niche parlementaire pour proposer une loi sur le sujet. Son objectif était triple : instaurer un chèque alimentaire pour les trois déciles les plus pauvres de notre population pour que même en période de crise tout le monde puisse manger à sa faim, lutter contre l’augmentation des prix alimentaires en les encadrant dans les périodes de crise et assurer un revenu décent à nos agriculteurs en garantissant des prix planchers. En commission là encore, la proposition de loi a totalement été vidée de son contenu. Nos concitoyennes et concitoyens les plus pauvres peuvent continuer à souffrir de la faim et nos agriculteurs à être mal rémunérés pour leur travail : La République en Marche s’en fiche. Troisième cas.
Quatre propositions de loi défendues ce jeudi 4 juin par les insoumis dans l’hémicycle
Heureusement, la République en Marche n’a pas pu vider toutes les propositions de loi des insoumis de leur contenu. Notamment sur deux sujets majeurs pour notre avenir : la bifurcation écologique et la question de l’annulation des dettes publiques. Ces deux propositions de loi sont en réalité « des propositions de résolutions ». Ce que l’on appelle des « PPR » dans le jargon de l’Assemblée. Les propositions de résolutions ne sont pas examinées en commission. Elles passent donc directement en hémicycle, sans que La République en Marche n’ait pu les vider de leur contenu.
Bonne nouvelle, donc ! Nous allons pouvoir assister jeudi 4 juin à un débat en hémicycle sur les propositions des insoumis. La première a passer en hémicycle jeudi matin, est la proposition de résolution pour une bifurcation écologique. Inspirée du Green New Deal porté par Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders aux États-Unis, et à ne pas confondre avec le « Green Deal » rabougri porté par la Commission européenne. Cette proposition de résolution est portée par Danièle Obono et Mathilde Panot. Vous pourrez suivre les débats autour de la bifurcation écologique dès 9h jeudi matin lors d’un live spécial consacré à la niche parlementaire de La France insoumise et diffusé toute la journée sur notre site.
La deuxième proposition de résolution des insoumis propose l’annulation des dettes publiques détenues par la Banque centrale européenne. La question de la dette publique est sans doute la priorité politique du moment comme nous l’expliquions récemment. Tout en découle. Notamment la bifurcation écologique. Depuis plus de 30 ans, les politiques se cachent en effet derrière les dettes publiques pour justifier leurs politiques d’austérité qui ont détruit nos services publics et appauvri les peuples européens. Si on aime l’Europe – comme le prétendent ses thuriféraires -, on ne peut laisser l’Italie, troisième puissance économique du continent, vivre une trajectoire à la grecque. C’est pourtant bien ce qui risque de se passer si on n’annule pas les dettes publiques détenues par la BCE. Cette proposition de résolution sera défendue par Jean-Luc Mélenchon.
Enfin, deux autres propositions de loi seront présentées jeudi à l’Assemblée nationale. Une proposition visant à plafonner les frais bancaires. Présentée dans cet édito d’Alexis Corbière, rapporteur de la loi. Mais aussi une proposition visant à faire reconnaître les pandémies comme catastrophes naturelles présentée par le député insoumis Loïc Prud’homme. Ces différents sujets seront défendus avec la pugnacité qu’on connaît aux députés insoumis. Malheureusement, il est fort probable que comme ils l’ont fait avec les trois lois vidées de leur contenu en commissions, les députés marcheurs tenteront également de barrer la route à ces propositions qui répondent directement à la crise du Covid-19. Ils auront cette fois-ci le déshonneur de devoir le faire en hémicycle, devant la représentation nationale et l’oeil aiguisé des citoyens qui voudront suivre les débats en direct sur notre site.
Par Pierre Joigneaux.