C’est un événement inédit jusqu’ici : sept ordres de professionnels de santé ont publié un communiqué commun le 30 avril pour pointer du doigt le (très grand) nombre de masques bientôt mis en vente par la grande distribution.
Des soignants toujours mal protégés à cause de la pénurie, mais des masques disponibles en grande surface
Dans ce court texte écrit au vitriol, les soignants dénoncent l’inquiétude qu’ils ont eue, mal protégés contre l’épidémie depuis de nombreuses semaines à cause de la pénurie de masques engendrée par les manques du gouvernement. Mais ils reviennent aussi sur le malaise ressenti quand ils devaient l’annoncer à leurs patients : « Tous les professionnels de santé ont dû faire face à l’inquiétude. La leur, de devoir assurer leur mission, au nom de l’idéal de santé publique qu’ils défendent. Celle qu’ils ressentaient intensément pour leur entourage proche avec cette crainte permanente d’être porteur d’une contamination pour ceux qui leur sont chers. Et celles enfin de leurs patients à qui il a fallu expliquer sans relâche qu’on n’avait pas les moyens de les protéger comme il le faudrait, soit le contraire même de ce qui fonde nos métiers. »
Suite aux annonces faites par plusieurs enseignes de la grande distribution de la mise en vente de millions de masques et de protections à compter du lundi 4 mai, pour les professionnels de la santé « la consternation s’allie au dégoût ». Ils s’interrogent : « Où étaient ces masques quand nos médecins, nos infirmiers, nos pharmaciens, nos chirurgiens-dentistes, nos masseurs-kinésithérapeutes, nos pédicures-podologues, nos sages-femmes mais aussi tous nos personnels en prise directe avec la maladie tremblaient et tombaient chaque matin ? ». Ils peinent à cacher leur amertume : « Comment nos patients, notamment les plus fragiles, à qui l’on expliquait jusqu’à hier qu’ils ne pourraient bénéficier d’une protection adaptée, vont-ils comprendre que ce qui n’existait pas hier tombe à profusion aujourd’hui. 100 millions par ici, 50 millions par là. Qui dit mieux ? C’est la surenchère de l’indécence ». Les enseignes assurent qu’il ne s’agit pas de stocks cachés, mais de commandes passées, dont les masques arriveront dans les prochains jours. Le soupçon demeure toutefois et les demandes de publication des factures et bons de commande se multiplient… d’autant que se pose aussi la question du coût d’achat et du prix de vente.
Les masques bientôt obligatoires, un surcoût pour les familles
La gestion des masques et plus largement des stocks de protection par le gouvernement est, depuis le début de l’épidémie, très critiquée. Mais alors que le déconfinement approche, ce n’est plus seulement aux soignants et aux travailleurs encore en activité qu’il faut les fournir, mais désormais à toute la population et notamment aux plus précaires. Le prix des masques devient alors un sujet de tensions. Après avoir refusé dans un premier temps de plafonner le prix des masques pour ne pas « freiner l’innovation », le gouvernement a finalement annoncé le plafonnement à 95 centimes par masque, soit environ 10 fois plus cher qu’avant l’épidémie. Plusieurs médecins, interrogés par LCI, confirment l’augmentation fulgurante des prix depuis le début de la crise, évoquant preuves à l’appui, des masques à 0,07 centime l’unité en février.
Les enseignes, elles, assurent vendre les masques à prix coûtant (environ 60 centimes) mais aucune vérification ne peut être faite et cela reste beaucoup plus cher qu’avant la crise. Pour Lionel Maugain, journaliste à 60 millions de consommateurs et auteur d’une enquête sur le prix des masques, le coût pour une famille pourrait être de 100 à 200 € par mois. Une somme exorbitante dans un contexte où de nombreuses personnes sont au chômage partiel ou sans activité. Une dépense qui s’avérerait obligatoire si le gouvernement met effectivement en place des amendes de 135 € pour non-port du masque dans certaines situations.
Sur ce sujet, les députés de la France insoumise ont déposé une proposition de loi demandant la gratuité des masques, afin de permettre à tout le monde d’être protégé et de freiner l’épidémie. Pour les insoumis, « Même si le coût unitaire du masque peut sembler modique, il ne sera pas à la portée des personnes les plus démunies déjà fortement touchées par la crise sociale. Pour que le port obligatoire du masque soit possible, il faut que personne ne se pose la question de s’en passer. Pour qu’il soit efficace, il faut que personne ne doive économiser les masques par manque d’argent. »
Par Flore Cathala