Des États annoncent des mesures sans précédent pour mettre fin au génocide à Gaza lors d’une conférence à Bogota. Retour sur les grandes lignes de la conférence d’urgence du groupe de La Haye qui s’est tenue le 15 et 16 juillet à Bogotá, capitale de la Colombie.
Cette initiative a vu le jour en janvier dernier. Face à l’impunité dont bénéficie toujours l’État israélien, elle réunissait à ce moment-là huit États qui sont à présent une trentaine à s’être réunis à Bogotá. L’objectif de cette initiative est très clair : enfin faire respecter le droit international et obtenir des sanctions juridiques, diplomatiques et économiques contre le régime de Netanyahu.
Plusieurs prises de paroles importantes se sont succédé : tout d’abord, celle de la ministre des Affaires étrangères de Colombie, Rosa Yolanda Villavicencio, également un représentant du ministère des Affaires étrangères sud-africain, Zane Dangor, le représentant de l’État palestinien auprès des Nations unies, Riyad Mansour, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens, Francesca Albanese (récemment sanctionnée par l’administration de Trump pour avoir dénoncé le génocide en cours à Gaza). Enfin, une conclusion par la secrétaire générale du groupe de La Haye, Varsha Gandikota-Nellutla et une importante prise de parole du médecin humanitaire, Thaer Ahmed, revenu de Gaza. L’euro-députée LFI Rima Hassan était également sur place. Notre article.
« À Bogota, le camp du droit international se renforce. 32 États des 5 continents se sont réunis cette semaine à la conférence du Groupe de La Haye pour exiger la fin du génocide à Gaza et l’application immédiate du droit international » – Jean-Luc Mélenchon
Toutes ces interventions ont insisté sur la responsabilité collective des États dans la poursuite du génocide à Gaza. En somme, ce n’est pas le droit international qui a failli, mais la volonté politique des États de le faire respecter. Le groupe de La Haye s’est donc réuni dans l’objectif de changer ce constat.
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Rima Hassan était également présente et est intervenue dans le cadre d’une conférence organisée par le ministère de la Culture de Colombie, où elle a été conviée aux côtés de Francesca Albanese. L’occasion pour l’eurodéputée insoumise d’insister sur la complicité européenne face aux crimes qui sont commis par le régime israélien et qui demeurent impunis.
En effet, ce mardi 15 juillet, l’Union européenne a encore échoué à faire adopter la moindre sanction à l’égard d’Israël alors que la cour pénale internationale de justice vient de rejeter la demande d’Israël d’annuler les mandats d’arrêt émis contre Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, ainsi que de suspendre l’enquête en cours sur les crimes commis dans les territoires palestiniens occupés.
Pour rappel, à ce jour, 58 479 Palestiniens ont été tués par l’armée génocidaire de Netanyahu depuis octobre 2023, on compte plus de 149 000 blessés avec des scènes insoutenables de massacres sous couvert de distribution alimentaire par la très controversée « Fondation humanitaire de Gaza » soutenue par les États-Unis et Israël.
Ci-dessous, le communiqué complet du Groupe de La Haye à la suite de la conclusion des deux jours de la conférence extraordinaire à Bogota
BOGOTÁ, COLOMBIE, 16 JUILLET 2025 — Dans l’action multilatérale la plus ambitieuse depuis le début du génocide à Gaza il y a 21 mois, une coalition d’États de différentes régions réunis à Bogota a convenu de six mesures coordonnées sur les plans diplomatique, juridique et économique pour freiner l’assaut israélien sur les territoires palestiniens occupés et défendre le droit international dans son ensemble.
Convoquée conjointement par les gouvernements de la Colombie et de l’Afrique du Sud en qualité de co-présidents, la Conférence extraordinaire du Groupe de La Haye a réuni 30 États d’Afrique, d’Asie, d’Europe, ainsi que d’Amérique du Nord et du Sud, déterminés à aller au-delà des simples condamnations verbales et à prendre des mesures collectives fondées sur le droit international.
Lors des délibérations à la conférence de Bogota, les 30 États participants ont unanimement affirmé que l’ère de l’impunité devait prendre fin — et que le droit international devait être appliqué sans crainte ni faveur grâce à des politiques et des législations nationales immédiates, ainsi qu’à un appel unifié en faveur d’un cessez-le-feu immédiat.
Pour amorcer ce processus, 12 États à travers le monde — la Bolivie, la Colombie, Cuba, l’Indonésie, l’Irak, la Libye, la Malaisie, la Namibie, le Nicaragua, Oman, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et l’Afrique du Sud — se sont engagés à mettre en œuvre immédiatement ces six mesures au moyen de leurs systèmes juridiques et administratifs nationaux afin de rompre les liens de complicité avec la campagne de dévastation menée par Israël en Palestine. Ils ont fixé la date du 20 septembre, à l’occasion de la 80ᵉ Assemblée générale de l’ONU, pour permettre à d’autres États de les rejoindre. Des consultations sont en cours avec des capitales du monde entier.
« Nous annonçons par la présente les mesures suivantes », déclare la Déclaration conjointe adoptée à la clôture de la Conférence ministérielle extraordinaire sur la Palestine, « qui doivent être adoptées sur la base des cadres juridiques et législatifs nationaux des États » :
1. Empêcher la fourniture ou le transfert d’armes, de munitions, de carburant militaire, de matériel militaire connexe et d’articles à double usage à destination d’Israël.
2. Empêcher le transit, l’accostage et l’entretien de navires dans tous les ports dans les cas où il existe un risque clair que ces navires soient utilisés pour transporter des armes, des munitions, du carburant militaire, du matériel militaire connexe ou des articles à double usage vers Israël.
3. Empêcher le transport d’armes, de munitions, de carburant militaire, de matériel militaire connexe et d’articles à double usage vers Israël sur des navires battant leur pavillon, et garantir la pleine responsabilité, y compris le retrait du pavillon, en cas de non-respect de cette interdiction.
4. Lancer un examen urgent de tous les contrats publics afin d’empêcher les institutions et fonds publics de soutenir l’occupation illégale des territoires palestiniens par Israël et de contribuer à son enracinement illégal.
5. Respecter les obligations visant à garantir la responsabilité pour les crimes les plus graves en vertu du droit international, grâce à des enquêtes et poursuites solides, impartiales et indépendantes au niveau national ou international, afin d’assurer justice pour toutes les victimes et prévenir de futurs crimes.
6. Soutenir les mandats de compétence universelle, là où ils sont applicables dans les cadres juridiques nationaux et les systèmes judiciaires, pour garantir la justice aux victimes de crimes internationaux commis dans les territoires palestiniens occupés.
« Le compte à rebours a commencé pour les autres États — de l’Europe au monde arabe et au-delà — pour les rejoindre. » – Francesca Albanese
« Ces 12 États ont franchi un pas décisif », a déclaré Francesca Albanese, Rapporteure spéciale des Nations unies sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés. « Le compte à rebours a commencé pour les autres États — de l’Europe au monde arabe et au-delà — pour les rejoindre. »
La conférence a convenu de fixer la date limite pour les décisions finales des États à septembre 2025, conformément au délai de 12 mois prévu par la Résolution A/RES/ES-10/24 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 18 septembre 2024. Cette résolution appelle tous les États à prendre des mesures effectives face aux violations du droit international par Israël — notamment des mesures de responsabilité, des sanctions et la cessation du soutien — dans l’année suivant son adoption.
« Nous sommes venus à Bogota pour faire l’Histoire — et nous l’avons fait », a déclaré le président colombien Gustavo Petro. « Ensemble, nous avons commencé à mettre fin à l’ère de l’impunité. Ces mesures montrent que nous ne permettrons plus que le droit international soit traité comme optionnel ni que la vie des Palestiniens soit considérée comme jetable. »
« Ce que nous avons accompli ici est une affirmation collective qu’aucun État n’est au-dessus des lois », a affirmé Ronald Lamola, ministre sud-africain des Relations internationales et de la Coopération. « Le Groupe de La Haye est né pour faire avancer le droit international dans une ère d’impunité. Les mesures adoptées à Bogota montrent notre sérieux et la possibilité d’une action coordonnée des États. »
« Cette conférence marque un tournant — non seulement pour la Palestine, mais pour l’avenir du système international », a déclaré Varsha Gandikota-Nellutla, Secrétaire exécutive du Groupe de La Haye. « Pendant des décennies, les États — en particulier dans le Sud global — ont payé le prix d’un système international brisé. À Bogota, ils se sont réunis pour le reprendre en main — non pas avec des mots, mais avec des actes. »
Par Vincent Umarell