Contre l’extrême droite, relire Frantz Fanon

Franzt Fanon. Autoritarisme d’État, clichés psychophobes remis au goût du jour au moindre salivaire, suprémacisme occidentalisme avec relent néocolonial… La droite et l’extrême droite, depuis plusieurs années, sont entraînées dans une surenchère raciste et réactionnaire sur ces différents domaines. Ceux-ci constituant ses champs de bataille privilégiés pour sa guerre culturelle, marchepied à son hégémonie politique […]

Frantz Fanon

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Franzt Fanon. Autoritarisme d’État, clichés psychophobes remis au goût du jour au moindre salivaire, suprémacisme occidentalisme avec relent néocolonial… La droite et l’extrême droite, depuis plusieurs années, sont entraînées dans une surenchère raciste et réactionnaire sur ces différents domaines. Ceux-ci constituant ses champs de bataille privilégiés pour sa guerre culturelle, marchepied à son hégémonie politique et médiatique en France. Face à cette menace, il est nécessaire pour la gauche de penser une articulation et une riposte systémique à ces différents éléments, a priori sans lien les uns avec les autres.

Pour cela, la pensée d’un des plus grands philosophes anticolonialistes paraît nécessaire d’être rappelée. Plus que jamais, le livre de Frantz Fanon Les Damnés de la Terre semble d’actualité. Son auteur, tour à tour médecin psychiatre, philosophe, sociologue et militant anticolonialiste (soutien de la guerre d’indépendance de l’Algérie), amène en effet à regarder de façon globale la perspective de la lutte anticoloniale, antiraciste, mais aussi désaliénante (comprendre dans une perspective anti-psychophobe et humaniste). Notre article.

« L’oppression militaire et économique précède la plupart du temps, rend possible, légitime le racisme », Frantz Fanon

À l’heure où le racisme et le colonialisme pourrissaient (et pourrissent toujours) toute la société française ; où les acteurs et actrices de la décolonisation étaient diabolisé·es (et continuent de l’être) par la puissance coloniale ; Fanon dénonce la violence physique mais aussi psychique que la colonisation a fait peser sur les peuples en lutte. La perturbation de l’ordre colonial la banalise, mais ne rend pas cette violence acceptable. Pour citer Fanon : « l’oppression militaire et économique précède la plupart du temps, rend possible, légitime le racisme ».

Celui qui fut par ailleurs médecin-chef d’une division de l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville en Algérie, nous rappelle que la colonisation est en elle-même source de souffrance mentale. Elle entraîne une dépersonnalisation criminelle des peuples colonisés ; cherchant à inculquer aux populations une normalisation toujours plus violente de la situation coloniale, le respect de l’ordre avant tout, jusqu’à la déshumanisation extrême. Plus que jamais, le colonialisme et le racisme sont des crimes contre l’Humanité.

Pour aller plus loin : « Fanon » : un biopic sur un révolutionnaire et le théoricien du Tiers-mondisme

La volonté de Frantz Fanon de désaliénation et de décolonisation du milieu psychiatrique algérien s’oppose de front aux puissances coloniales, élitistes et capitalistes de l’époque. Lui qui fut longtemps censuré par l’État français et reconnu à son juste prestige que très tardivement (en 2019, la ville de Bordeaux renonce à nommer une rue à son nom devant les protestations de l’extrême droite).

L’établissement public de santé mentale (EPSM) de la Sarthe, à Allonnes, est un des rares lieux à avoir donné son nom à une de ses unités), a inspiré de nombreux mouvements de libération à travers le monde. Il inspire encore aujourd’hui les recherches universitaires postcoloniales qu’aux États-Unis l’extrême droite de Donald Trumpcherche à faire taire.

Une société « toute entière tournée vers l’ensemble du peuple, basée sur le principe que l’être humain est le bien le plus précieux »

D’autant plus que Frantz Fanon considérait que la décolonisation n’avait de sens qu’en intégrant les questions sociales. Mélangeant ainsi pleinement indépendance et socialisme dans l’optique d’une société : « tout entière tournée vers l’ensemble du peuple, basée sur le principe que l’être humain est le bien le plus précieux ».

Penser la question de l’oppression mentale et de l’oppression coloniale est ainsi, pour Frantz Fanon, une exigence que toute sa vie militante aura mise en évidence.

Cette jonction des luttes apparaît alors comme un mot d’ordre fédérateur et central pour tous les peuples. Aujourd’hui, hier et demain : libération coloniale, sociale et mentale.

Par Thomas MALECOT MASSE
Médecin gériatre sarthois
Militant anticolonialiste

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