Un dimanche à La Noue : un quartier populaire de Montreuil entre désaffection et résistance

Dimanche dernier, une trentaine d’insoumis de Montreuil ont rejoint les insoumis et les habitants du quartier La Noue de la ville, au vide-grenier et à la fête organisés par les associations et collectifs. La Noue est le plus grand quartier populaire de Montreuil. « Ce vide-grenier est le seul de la ville où les emplacements […]

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Dimanche dernier, une trentaine d’insoumis de Montreuil ont rejoint les insoumis et les habitants du quartier La Noue de la ville, au vide-grenier et à la fête organisés par les associations et collectifs. La Noue est le plus grand quartier populaire de Montreuil. « Ce vide-grenier est le seul de la ville où les emplacements sont gratuits. Les habitants sortent avec une table, un drap où est posé ce dont ils ne veulent plus. C’est une occasion de sortir, de se rencontrer et de faire la fête », nous dit Manolo. Les habitants et les associations s’y rassemblent une fois les tréteaux dressés le temps d’une journée.

Ici, des centaines d’habitants du quartier se promènent, se rencontrent et croisent leurs familles, leurs amis, leurs anciens voisins venus ici des autres quartiers. Cheick, l’un des organisateurs, est celui qui fédère chaque personne dans son quartier. Il nous accompagne dans l’événement. Tout dans ce qu’il fait est dans la générosité et l’écoute. Mais pas seulement. Il a décidé de ne jamais laisser les gens sur le bas-côté.

Ce qui frappe dans ce tour, c’est que personne n’oublie de saluer aucune personne, connue ou inconnue. L’allée semble un vaste bonjour/bonjour. Ce n’est pas de la politesse, c’est l’usage. Ici, tout est amitié et solidarité. On échange un temps sur les générosités. « Ici on donne sans rien attendre en échange, c’est comme ça que dans nos familles nos mères nous ont élevés. » On se rend compte qu’on est bien loin des stigmatisations de BFM TV et de CNEWS. Récit.

Les quartiers populaires doivent compter sur eux-mêmes

Ici, les jeunes se connaissent tous. Nombreux sont ceux qui ont poursuivi des études et ont bac +3, bac +5 et quelquefois bac +2×5. Certains, avec ou sans masters, aident les autres, dans leurs études, dans la vie associative… sans supériorité, en toute complicité, parce que de toute façon, au bout, pour eux, c’est aussi le parcours d’un combattant. Alors entre eux, ils s’organisent et se valorisent, partagent les savoirs, les plans et les solutions.

Ils disent de ceux qui ne vivent pas dans les cités qu’ils font parfois et au mieux des choses pour colmater, mais rarement avec eux. « Ça fait des années que l’on fait ce vide-grenier, c’est drôle c’est la première fois que l’on voit venir les élus. Les municipales à venir peut-être ? »

Une jeune migrée de La Noue à un autre grand quartier populaire à l’autre bout de la ville, Les Grands-Pêchers, nous donne un exemple parmi tant d’autres. « Le Festival des Murs à Pêches, dans la zone « agricole » de notre ville, voit l’arrivée durant 3 jours de gens émerveillés par tant de beauté dans ces ruines – et c’est vrai que c’est beau. Venus de Paris ou du centre-ville, peu voient la cité ruinée de toutes les considérations en face d’eux. Et jamais on ne nous a demandé notre avis sur ce que nous avions envie dans nos murs. »

Tous discutent avec tous. Notre accompagnateur est un passeport pour la parole libre. De suite, on ressent toute la sincérité portée sur chaque sujet. Dans un des espaces, on discute du ras-le-bol. « Nous sommes abandonnés des politiques. C’est la décrépitude autour de nous », nous dit-on. « Il nous faut du concret et de l’espoir. » Sur tous les sujets, il y a à dire.

Le logement ! Une élue de la ville est passée cet hiver pour constater le dysfonctionnement du chauffage. « Mais pourquoi au fond ? Une des solutions pour cette élue – nous dit une habitante en colère – mettre des pulls et se couvrir plus. » Plomberie, fuites, électricité, ascenseur… tout est du même acabit. Depuis, rien n’a changé. Il faut dire qu’il n’y a qu’un seul technicien pour cette cité qui a la taille d’une ville. Mais presque aucun service public ni commerce. La galerie marchande, qui était déjà considérée comme vétuste et dangereuse, a flambé et est fermée depuis plusieurs années. Une ruine dans le quartier.

Manolo raconte son inquiétude de voir disparaître le seul commerçant solidaire au pied de sa tour. « Son bail se termine et il n’a aucune nouvelle. C’est ce commerçant qui fait crédit quand il te manque de l’argent. Celui qui m’offre un thé tout en continuant de servir. Il ne peut pas disparaître et nous laisser seuls face à la galerie commerciale fantôme brûlée. »

Une autre habitante interpelle sur le délaissement des personnes âgées qui n’ont plus accès à aucun loisir parce que la mairie leur a supprimé les aides à domicile – la suppression de ce service est une des économies réalisées par la mairie sur le budget 2025. Solution pour elles : passer par un organisme privé au prix inaccessible. L’humanité qu’elles avaient auparavant avec les aides à domicile de la ville a disparu. Heureusement que la cité prend comme elle peut le relais.

Une mère nous raconte les galères qu’elle rencontre avec son fils en situation de handicap et remercie Cheick et les bénévoles qui démêlent sa situation. Sans eux, elle n’ose imaginer. Pour une autre qui vit en haut d’une tour dont l’ascenseur est en panne depuis des mois, c’est son enfant en fauteuil qui est bloqué.

Les quartiers populaires sont de vastes chantiers avec des énergies internes énormes. Heureusement que la solidarité a pris comme elle peut le relais d’un service public, municipal et national, qui s’efface de plus en plus. Cette solidarité, c’est celle des habitants, celle des associations, celle des groupes d’artistes comme les rappeurs de Cartel 17 qu’on entend se produire sur la scène…

Le chantier va être long. Mais pour que ça marche, il faut construire avec les habitants, apporter et recevoir la solidarité et l’humanité partout. C’est ce que les groupes d’action insoumis de Montreuil tentent en lançant une liste insoumise et citoyenne dont le programme de rupture avec le macronisme et la municipalité actuelle se construit dans neuf groupes thématiques par des rencontres avec les habitants et des auditions de personnalités et d’associations.

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Free Palestine

La journée se clôture sur la performance politique d’Emmanuelle, une chorégraphe, et son collectif insoumis et citoyens. Eux aussi ont décidé de ne pas rester silencieux. Pour Gaza. « La paix est l’urgence. » Ils expriment leur solidarité au peuple palestinien au cœur de la cité. Porter la voix du massacre dans la presque indifférence totale. Une performance qui tourne à Montreuil et dans toute l’Île-de-France.

Bientôt Bruxelles. Ici à La Noue, une centaine de citoyens, de jeunes et d’enfants sont présents pour l’accueillir. Au début, bien sûr, la satisfaction qu’on vienne chez eux pour beaucoup. Mais aussi des sourires interrogateurs. Puis c’est compris, tous entonnent « Free, free Palestine ». Et quand le vent soulève les bâches, ils se baissent pour la maintenir ou mettent un pied pour aider la performance à se poursuivre.

Pour aller plus loin : Génocide à Gaza – À l’Assemblée nationale, Andrée Taurinya (LFI) exige des actes pour que cesse la complicité avec Netanyahu

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https://x.com/L_insoumission/status/1922632482739867820

Leur solidarité généreuse contrebalance l’horreur de la description. Leçon d’humanité en réponse à l’inhumanité. « L’hymne pour la paix des Palestiniens » chanté par deux intervenantes envahit la cité. On y voit beaucoup l’émotion qu’il suscite et les mercis s’entendent et se lisent dans les regards. On pense fort à ce peuple qui ne peut ni avoir le refuge, ni la terre, ni la paix. Vivement un acte d’humanité. Un acte de justice. Sayna, une des co-cheffes de file des Insoumis de Montreuil, qui y a assisté et qui a été touchée, propose que la performance accompagne la campagne des municipales.

La fête a été belle. Populaire et fraternelle. Il y a tant de choses simples à améliorer pour cette cité. Et tant de forces pour le faire. Pourtant tout – et particulièrement les pouvoirs publics – semble à la ramasse et loin des problématiques des habitants. Vivement l’avenir.

Par Olga Papp

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