« Quand Bayrou prépare un matraquage social en bande organisée » – L’analyse de Manuel Bompard

Dans sa dernière note de blog, Manuel Bompard revient sur les dernières annonces budgétaires du Gouvernement et la nécessité d’utiliser la date du 1er mai comme une réponse populaire massive. 40 à 50 milliards d’euros d’économies, voilà les sommes annoncées par Bayrou et sa clique, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale. Le tout saupoudrée […]

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Dans sa dernière note de blog, Manuel Bompard revient sur les dernières annonces budgétaires du Gouvernement et la nécessité d’utiliser la date du 1er mai comme une réponse populaire massive. 40 à 50 milliards d’euros d’économies, voilà les sommes annoncées par Bayrou et sa clique, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale. Le tout saupoudrée d’un interminable chantage à la dette publique, chargée de 1 000 milliards supplémentaires par Emmanuel Macron. Une énième saignée budgétaire commanditée par le camp présidentiel, préférant continuer la même politique depuis 7 ans, en dépit de piteux résultats économiques : hausse des déficitfs, baisse des salaries moyens, reprise de l’augmentation du chômage, pas de réindustrialisation enclenchée.

Car oui, de telles coupes en vue du budget 2026, iraient dans la lignée de l’ultra-austérité du dernier budget passé par 49.3 par François Bayrou, validé à la fois par le Parti socialiste et le Rassemblement national. Ses conséquences se font déjà sentir, rappelle Manuel Bompard : « 5000 fermetures de classe sont prévues à la rentrée, des centaines de milliers d’autoentrepreneurs et de petits indépendants risquent de mettre la clé sous la porte à cause d’une hausse de taxe, les apprentis gagnant moins que le SMIC ont été taxés et les prix de l’électricité vont exploser l’année prochaine ». L’insoumission publie dans ses colonnes la note de blog du coordinateur national de LFI.

« L’enjeu est de faire reculer le gouvernement Bayrou. Le 1er mai pourrait être en ce sens une première étape de mobilisation populaire contre la guerre sociale. On s’y retrouve ? », Manuel Bompard

C’est reparti. À l’occasion d’une grande messe organisée par François Bayrou avant les vacances, le gouvernement a fait feu de tout bois pour préparer les esprits à un nouveau carnage social pour le budget 2026. Alors même que les effets du budget de cette année (dont l’application a été rendue possible par la non-censure du RN et du PS) commencent à se faire sentir, Lombard, Montchalin et Bayrou ont squatté les antennes pour annoncer que l’année prochaine serait pire encore. Il faut trouver 40 à 50 milliards d’euros pour réduire le déficit nous dit-on, c’est-à-dire faire une coupe équivalente au montant du budget de l’éducation nationale. Le carnage a débuté par des coupes massives en cours d’année, publiées discrètement vendredi dernier, dans l’écologie, l’enseignement supérieur, l’éducation nationale, la justice ou encore l’agriculture. 

À l’appui de cette volonté, les vieilles recettes et les arguments éculés sont de retour. L’objectif dans cette note est donc de contribuer au travail de désenfumage nécessaire pour défendre d’autres choix économiques, refusant le cercle vicieux de l’austérité budgétaire et proposant une alternative s’appuyant sur la satisfaction des besoins fondamentaux du peuple.

Le chantage à la dette

Le premier des arguments gouvernementaux est le fameux chantage à la dette. Il y aurait donc un état d’urgence budgétaire et la France serait au bord de la faillite. Le catastrophisme est au rendez-vous : si on ne réduit pas vite et fort le déficit, la dette publique va s’envoler et le pays va s’effondrer. La pluie de cigales n’est pas très loin.

En vérité, rien n’est plus faux. La dette française est tout à fait maîtrisée. Actuellement, elle représente un peu plus d’une année de richesses produites. Mais l’emprunt court sur plusieurs années, 9 ans en moyenne pour notre dette. Pour avoir une idée de son poids réel, il faut diviser par 9 : cela revient à 12 % du PIB. La dette s’élève donc à 12% de la richesse produite chaque année. C’est tout de suite moins effrayant.

La fable de la montée des taux d’intérêts est tout aussi fausse. La France emprunte aujourd’hui à un peu plus de 3 %. Il faut retrancher l’inflation pour avoir le taux réel. Celui-ci est donc un peu supérieur à 1 %. La charge d’intérêts, c’est-à-dire ce que l’État débourse de sa poche pour payer les intérêts, est près de deux fois inférieure en proportion de PIB à ce qu’on connaissait dans le milieu des années 90. Même dans les projections pessimistes du gouvernement, elle resterait inférieure dans les années à venir à cette proportion. Non, la France n’est pas au bord de la faillite.

Le mythe des dépenses publiques à réduire

Le second message de la propagande gouvernementale est simple. Pour faire face à cette « urgence », il n’y aurait qu’une seule solution : réduire drastiquement les dépenses publiques qui seraient devenues incontrôlables. C’est ici aussi totalement faux. En vérité, les dépenses de fonctionnement de l’État et notamment la masse salariale des fonctionnaires ont, en proportion de PIB, largement baissé depuis les années 80. Elles sont aujourd’hui dans la moyenne européenne. Les dépenses qui ont augmenté sont les dépenses de protection sociale, c’est-à-dire principalement les pensions de retraite et la santé. C’est une évolution assez logique et assez prévisible dans un pays dont la population vieillit. Au total, depuis 2017, les dépenses publiques ont diminué en proportion du PIB, de 0,4 point. Il n’y a donc aucun dérapage des dépenses publiques dans ce pays.

La réalité, c’est que le déficit actuel n’a pas été provoqué par la hausse des dépenses publiques mais par la chute des recettes qui ont diminué bien plus vite que les dépenses. La multiplication des cadeaux fiscaux envers les plus riches et les grandes entreprises a coûté plus de 200 milliards, financés par la dette, sur le premier quinquennat de Macron. Un chiffre est édifiant : si la part des recettes avait été stabilisée depuis 2017, ou autrement dit si Macron n’avait pas arrosé les plus riches et les grandes entreprises, le déficit serait inférieur à la fameuse barre des 3 %. La dette publique, elle, serait à 99 % du PIB seulement, soit 15 points de moins. C’est bien la politique économique de Macron qui a produit de la dette et du déficit.

Le constat vaut en particulier pour les dépenses sociales. La Sécurité sociale est particulièrement stigmatisée et présentée comme un gouffre financier. En vérité, son déficit est entièrement artificiel puisque le montant des exonérations de cotisations non compensées à la Sécurité sociale couvre l’intégralité du prétendu déficit. Sans ces amputations, le montant des cotisations suffirait à financer les dépenses de la Sécurité sociale. Le système est donc théoriquement à l’équilibre et le déficit a été créé de toutes pièces afin de pouvoir remettre en cause un système qui a, pour les libéraux de tout poils, un caractère insupportable, protégeant de la course effrénée au profit un pan entier de l’économie. Au lieu de ce constat simple, on va assister dans les prochaines semaines au concours Lépine des déremboursements de soins, des franchises médicales ou autres mesures de ce type ayant pour résultat au final de réduire la qualité et la facilité de l’accès aux soins pour la population dans son ensemble. C’est aussi selon ce prétexte que les macronistes et l’extrême droite parlent de plus en plus fort de la retraite par capitalisation.

L’austérité permanente est dangereuse

Pour justifier cette focalisation exclusive sur les dépenses, le gouvernement nous sert la petite musique de l’austérité qui a pourtant échoué partout dans le monde. Ainsi, la réduction des dépenses serait le seul moyen de réduire le déficit qui soit anodin pour l’économie et pour les Français. 

Pourtant, les conséquences sociales du budget 2025 sont désastreuses dans tous les domaines. Parmi les nombreux exemples, 5000 fermetures de classe sont prévues à la rentrée, des centaines de milliers d’autoentrepreneurs et de petits indépendants risquent de mettre la clé sous la porte à cause d’une hausse de taxe, les apprentis gagnant moins que le SMIC ont été taxés et les prix de l’électricité vont exploser l’année prochaine. Les pistes évoquées pour 2026 sont au diapason : baisse de l’indemnisation des arrêts maladie, fin de la gratuité des services publics, gel des petites retraites, etc. 

Or, cette austérité permanente est non seulement une horreur sociale, mais c’est aussi un contresens économique. Les dépenses publiques ne s’évaporent pas dans la nature. Elles finissent soit dans les poches de Français, soit sur les comptes des entreprises. Les réduire, en particulier aussi vite, c’est diminuer la consommation populaire et l’investissement des entreprises. C’est donc participer à comprimer l’activité économique. L’OFCE (un organisme de prévision et d’évaluation des politiques publiques) a calculé que le budget Bayrou coûte 0,4 point de croissance au pays. C’est trois fois plus que la guerre commerciale de Trump ! Autre exemple : la multiplication des plans d’austérité en Grèce dans les années 2010. Elle a eu pour conséquence la destruction de la production, avec une chute du PIB de 25 %. 

Dans ces conditions, une telle politique ne peut qu’échouer, y compris vis-à -vis de l’objectif fixé par le gouvernement de réduction du déficit et de la dette. En effet, quand l’activité économique ralentit, ce sont moins de recettes fiscales qui entrent dans les caisses de l’État. Il faut alors couper d’autres dépenses pour compenser ces baisses de recettes. On est typiquement ici dans un cercle vicieux et ce ne sont pas de dangereux économistes marxistes qui le disent. Les dernières publications du Fonds Monétaire International (FMI) montrent que les plans d’austérité ne permettent pas de réduire la dette en proportion du PIB. 

Une autre politique économique est possible

Il est tout à fait possible de mettre en œuvre une autre politique. Elle serait évidemment plus juste socialement, plus efficace d’un point de vue économique et indispensable pour faire face à l’urgence climatique et environnementale. C’est celle que nous proposons à travers le programme l’Avenir en Commun et que nous avons proposé sous forme d’amendements dans le débat budgétaire à l’Assemblée Nationale.

Une telle politique nécessite d’abord des mesures de justice fiscale afin de rétablir les recettes nécessaires au financement d’un budget à la hauteur des besoins populaires. Nous avions par exemple fait voter un amendement pour introduire un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des 147 milliardaires, dont la recette estimée est de 14 milliards d’euros environ. Nous avions réussi à faire adopter la mise en place d’un impôt Zucman permettant d’empêcher l’optimisation fiscale des grands groupes qui gagnent de l’argent en France. Un tel dispositif pourrait rapporter jusqu’à 25 milliards d’euros. À elles deux, ces nouvelles recettes permettraient de combler l’objectif fixé par le gouvernement de 40 milliards d’euros supplémentaires pour réduire le déficit l’année prochaine.

Pour aller plus loin : Sous Macron, les 500 personnes les plus riches de France ont doublé leurs fortunes

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https://x.com/L_insoumission/status/1912098954168111529

Elle doit s’appuyer ensuite sur un plan d’investissement massif de 200 milliards d’euros : pour renforcer et étendre nos services publics, pour mettre en place la planification écologique, pour développer les secteurs économiques indispensables aux défis d’aujourd’hui. À l’inverse de la logique austéritaire, il s’agit ici de relancer l’activité en la concentrant sur les secteurs socialement et écologiquement utiles. Cela produirait à la fois les rentrées fiscales nécessaires mais aussi les créations d’emplois durables nécessaires à un objectif de plein emploi qui s’éloigne chaque mois un peu plus.

Et si le gouvernement veut vraiment poser le problème de la dépense publique, alors peut-être serait-il temps de regarder le prix exorbitant facturé par le capitalisme à la puissance publique. Car s’il y a quelque chose que Bayrou et ses amis ne disent jamais, c’est bien que le contribuable paie chaque année des centaines de milliards de soutiens aux entreprises, sans aucun contrôle et sans aucun résultat. On se souvient comment le MEDEF avait pu arracher le CICE en promettant un million d’emplois qui n’ont jamais vu le jour. On se souvient comment des groupes comme Sanofi ou Michelin ont touché des milliards d’euros d’argent public avant de supprimer des milliers d’emplois. Alors M. Bayrou, chiche, on en parle des dépenses publiques ?

Bref. Cette autre politique économique, nous la porterons évidemment dans les prochaines batailles électorales. Mais d’ici là, l’enjeu est de faire reculer le gouvernement. Le 1er mai pourrait être en ce sens une première étape de mobilisation populaire contre la guerre sociale. On s’y retrouve ?

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