OTAN. En France, oser toute critique des attitudes militaristes revient à être assimilé à un relai de la « propagande russe », comme en témoigne l’attaque de l’eurodéputée macroniste Nathalie Loiseau à l’égard de Jean-Luc Mélenchon, après que ce dernier ait rappelé des faits historiques sur l’expansion de l’OTAN. Pourtant, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord a un lourd historique que les chaînes d’info en continu se gardent bien de dévoiler. Un historique à l’image de celui des États-Unis, fait d’opérations militaires permanentes pour assurer une domination politique et militaire sur le reste du monde, coûte que coûte. Notre article.
Le nerf de la guerre, l’extension de l’OTAN
L’histoire de la confrontation entre la Russie et l’OTAN ne commence pas en 2022. Pour comprendre la situation actuelle, il faut revenir aux promesses faites entre les forces atlantistes et soviétiques.
En 1989/90, alors que la guerre froide touche à sa fin, l’OTAN souhaite intégrer l’Allemagne réunifiée. Elle assure alors qu’elle n’attendra pas son rayon d’action, notamment en raison du Pacte de Varsovie (alliance militaire des pays soviétiques) qui ne sera dissous qu’en 1991. La promesse orale de ce non-élargissement est un fait historique, attestée par des acteurs de plusieurs statuts.
L’ancien secrétaire d’État américain Antony Blinken sous Biden, et l’ambassadeur américain à Moscou à l’époque de la chute de l’URSS Jack Matlock, confirment cette promesse de non-extension de l’OTAN faite aux russes. Des mémos déclassifiés en attestent également. Plusieurs dirigeants occidentaux auraient donné à Mikhaïl Gorbatchev l’assurance que l’OTAN ne s’étendrait pas aux anciens pays du bloc soviétique.
L’AFP récapitule bien la portée de ces « mémorandums », entre les Soviétiques et plusieurs interlocuteurs occidentaux de premier plan comme le président américain George H.W. Bush, le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl, le président français François Mitterrand, la Première ministre britannique Margaret Thatcher, ou encore le secrétaire général de l’OTAN Woerner, Leurs échanges sont sans équivoques :
« Je veux que l’OTAN affirme sans équivoque que peu importe ce qu’il adviendra au sein du Pacte de Varsovie, il n’y aura pas d’expansion du territoire de l’OTAN vers l’Est, c’est-à-dire plus près des frontières de l’Union soviétique », aurait par exemple déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher, lors d’un discours prononcé en janvier 1990, selon ces retranscriptions.
L’ex-dirigeant de l’URSS indiquait le 9 février 1990, que le secrétaire d’État américain, James Baker, invité au Kremlin, lui aurait demandé : « En supposant que la réunification ait lieu, qu’est-ce qui est préférable pour vous : une Allemagne unifiée en dehors de l’OTAN, entièrement indépendante, sans troupes américaines, ou bien une Allemagne unie, qui maintient les liens avec l’OTAN, mais avec la garantie que ni la juridiction ni les troupes de l’OTAN ne s’étendront à l’est de la ligne actuelle ? »
Gorbatchev aurait déclaré : « Il est entendu, c’est clair que l’élargissement de la zone de l’OTAN est inacceptable ». Ce à quoi Baker aurait répondu : « Nous sommes d’accord là-dessus ».
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La trahison d’un engagement diplomatique
Ces engagements, bien que verbaux, ont nourri un ressentiment profond du côté russe lorsque, dans les décennies suivantes, l’OTAN a accueilli, au nom de sa politique de la “porte ouverte”, de nouveaux membres issus de l’Est, jusqu’à toucher directement les frontières russes. Il est indéniable que le rapprochement de l’OTAN avec des pays comme l’Ukraine et la Géorgie à partir des années 2005 et 2012, a marqué un nouveau palier dans l’escalade des tensions. L’OTAN a fait pencher la balance internationale en se rapprochant de ces pays qui, par leur positionnement géographique occupent traditionnellement un rôle de zone tampon. En parallèle, d’autres actes de provocation ont contribué à l’escalade guerrière, tels que l’installation de batteries anti-missiles en Pologne en 2013.
Cette analyse est loin d’être isolée. Il est pertinent d’évoquer les positions de John Mearsheimer, professeur de sciences politiques reconnu à l’université de Chicago. Dès le début des années 2010, Mearsheimer a averti que l’élargissement de l’OTAN à des pays comme l’Ukraine et la Géorgie provoquerait une réaction sévère de la part de la Russie. Il soutient que la politique occidentale a contribué à l’escalade des tensions, menant finalement à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.
Selon lui, si l’Ukraine avait adopté une position de neutralité et renoncé à rejoindre l’OTAN, le pays aurait pu éviter le conflit actuel. Mearsheimer insiste sur cette responsabilité occidentale. Pour lui, les États-Unis ont systématiquement sous-estimé les conséquences de leur politique d’expansion de l’OTAN. Dès 2015, il avait prévenu que l’Ukraine se dirigeait vers un conflit majeur en raison de ses aspirations euro-atlantiques. En parallèle, d’autres actes de l’OTAN ont exacerbé les tensions avec la Russie, comme l’installation de batteries anti-missiles en Pologne en 2013.
Quel chemin pour la paix ?
Cette escalade guerrière perpétuelle a malheureusement franchi un nouveau palier avec l’invasion russe. Elle a eu pour effet pour des États comme la Suède et la Finlande, proches des frontières russes, d’alimenter une crainte envers une attaque potentielle. Ces deux pays, pourtant historiquement opposés à l’adhésion à l’OTAN (la Finlande ayant déjà un statut de neutralité durant la Guerre froide), sont depuis devenus membres de l’organisation atlantiste.
Mais comme le soulignait le député insoumis Aurélien Saintoul lors des débats de 2022 relatifs à leur adhésion : « Cette demande d’adhésion a été engagée hâtivement, sous le coup de l’émotion, voire de la peur. Elle nourrit un mécanisme de polarisation extrême des relations internationales qui n’est pas dans l’intérêt de la France, ni de la Suède, ni de la Finlande. Cette dynamique s’inscrit dans une logique de confrontation où chaque camp justifie ses actions par les menaces perçues de l’autre, contribuant ainsi à une spirale de tensions qui a culminé avec l’invasion de l’Ukraine. »
Dans ce contexte, une paix durable ne pourra être obtenue que par une négociation pour la paix fondée sur des garanties de sécurité mutuelles. Plutôt que de pousser la Russie à bout en acceptant l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, il serait plus judicieux d’ouvrir des négociations visant à assurer des garanties de sécurité mutuelles. De la même manière qu’il était inconcevable pour Washington de voir des missiles soviétiques à Cuba en 1962, la Russie ne doit pas être cernée militairement par l’OTAN.
Par Emmanuel P.
Crédits photo : « Stock Vecteur De L’OTAN », Rob Meredith, Vector Portal, CC BY 4.0, pas de modifications apportées.