Rouen : dans leur université, les étudiants en lutte contre le racisme

Racisme. Le 12 mars 2025, un étudiant racisé de 29 ans a tenté de se suicider en sautant d’une passerelle du campus Pasteur de l’Université de Rouen. Cette tentative de suicide ferait suite à un harcèlement raciste et xénophobe de la part d’un professeur de master de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE), Pierre-Antoine Sprimont, également […]

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Racisme. Le 12 mars 2025, un étudiant racisé de 29 ans a tenté de se suicider en sautant d’une passerelle du campus Pasteur de l’Université de Rouen. Cette tentative de suicide ferait suite à un harcèlement raciste et xénophobe de la part d’un professeur de master de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE), Pierre-Antoine Sprimont, également conseiller municipal et métropolitain Les Républicains de Rouen.

À un étudiant lors du salon Studyrama au Zénith de Rouen, il aurait déclaré : « On reconnaît une bonne formation au nombre de Noirs et d’Arabes ; s’il y a trop d’étudiants étrangers originaires d’Afrique ou du Maghreb, c’est que la formation n’est pas recherchée. » en plus de nombreuses autres déclarations marquées d’un profond racisme que l’Insoumission vous dévoile.

Suite à cet évènement tragique, les étudiants rouennais ont créé le Collectif Universitaire anti-raciste pour exiger l’exclusion définitive du professeur Sprimont et une transparence totale de l’Université de Rouen sur la gestion de l’affaire. Notre article.

« Tu devrais faire un projet venant de chez toi, venant de la jungle » : racisme et xénophobie dans la bouche d’un professeur

Le professeur Pierre-Antoine Sprimont est accusé de harcèlement raciste et xénophobe envers des étudiants du Master CCA dans lequel il enseigne, mais également envers ses collègues. Ce harcèlement serait à l’origine d’une tentative de suicide d’un étudiant racisé de 29 ans, survenue le 12 mars sur le campus Pasteur de l’Université de Rouen. Les propos racistes et xénophobes de ce professeur seraient connus depuis des années, tant à l’Université de Rouen que dans les conseils municipaux et métropolitains, où il est élu sous l’étiquette Les Républicains. Voici certains propos dont nous avons connaissance.

À un étudiant lors du salon Studyrama au Zénith de Rouen, il aurait déclaré : « On reconnaît une bonne formation au nombre de Noirs et d’Arabes ; s’il y a trop d’étudiants étrangers originaires d’Afrique ou du Maghreb, c’est que la formation n’est pas recherchée. »

Lors d’une présentation de projet de l’étudiant qui a tenté de se suicider : « Tu devrais faire un projet venant de chez toi, venant de la jungle. » À un étudiant après une conférence : « Vous avez froid ? Ah non, c’est normal, vous venez des pays chauds. » À un collègue d’origine malgache lors d’un conseil de PAE : « Tu as un comportement tribal de petit caïd de cité. »

Il est également reproché au professeur d’avoir installé un climat de tension avec ses étudiants et ses collègues. Celui-ci aurait à plusieurs reprises interrompu de manière injustifiée les cours de ses collègues, exclu certains enseignants des décisions pédagogiques et avoir un profond mépris envers la direction de l’IAE. De plus, celui-ci aurait exercé de nombreuses fois des pressions excessives sur les étudiants, notamment avec des moqueries en pleins cours et une surveillance exagérée des étudiants, et un traitement inégal lors des examens oraux avec une durée variable et des digressions hors sujet.

Pour aller plus loin : Zemmour condamné pour racisme : les médias complices par leur silence

L’omerta du côté de la présidence de l’Université de Rouen

C’est après cette tentative de suicide que les étudiants de l’URN ont appris qu’en décembre 2024, la section disciplinaire de l’Université avait sanctionné le professeur Sprimont d’une interdiction d’enseigner au sein du Master CCA pour une durée de 18 mois, sans suspension de salaire. Cette sanction a fortement interrogé et indigné les étudiants, ainsi que des membres du personnel. En effet, pourquoi le professeur raciste est interdit d’enseigner dans ce Master, et pas dans les autres enseignements ? Pourquoi son salaire est-il maintenu ?

Le lundi 24 mars, le Président de l’Université et les autres membres de la présidence ont tenu une conférence devant plus de 600 étudiants et membres du personnel pour donner des explications sur la tentative de suicide de l’étudiant et sur le professeur mis en cause.

Les étudiants présents ont dénoncé une conférence honteuse durant laquelle ils ont essuyé le mépris des membres de la présidence et leurs questions restées sans réponse. Cette séquence a également été le théâtre de révélations sur les agissements de l’Université.

Photo 2 Pancartes

Depuis les premières Assemblées Générales et manifestations étudiantes, la présidence de l’Université de Rouen use de pratiques qui interrogent. Les étudiants et des membres du personnel dénoncent des contrôles excessifs visant selon eux, à « étouffer » ce drame et de faire en sorte « que l’on n’en parle pas ». Lors des journées où se tient une Assemblée Générale, les sacs des étudiants et de certains professeurs sont fouillés par la sécurité, ce qui n’arrive jamais le reste de l’année.

On essaie d’empêcher les étudiants de diffuser des tracts et de mettre des affiches pour appeler à des manifestations, durant lesquelles leurs pancartes peuvent être confisquées. Au-delà des étudiants, les enseignants sont, eux aussi, surveiller. Il a été révélé durant la conférence que l’on demandait aux enseignants de ne pas parler de ce drame entre eux et avec leurs étudiants. Dans certains cas, on leur demandait aussi de laisser leur porte ouverte pour les surveiller.

Le Collectif universitaire anti-raciste : la riposte antiraciste des étudiants

Après le drame survenu le 12 mars sur le campus Pasteur, les étudiants de l’Université se sont réunis en Assemblée Générale et ont créé le Collectif Universitaire anti-raciste (CUAR). Ils exigent l’exclusion immédiate du professeur Pierre-Antoine Sprimont de l’enseignement, mais également de sa fonction d’élu municipal et métropolitain à Rouen. Aussi, le collectif exige une transparence totale de la part de l’Université de Rouen et des moyens concrets pour lutter efficacement contre le racisme et toutes les formes de discriminations, afin que ce genre de drame ne se reproduise plus. Plusieurs actions ont été menées dans ce sens par le collectif.

Le 20 mars, près de 400 étudiants rouennais ont participé à un sit-in et à une manifestation dans l’enceinte du campus Pasteur. Les étudiants qualifient cette manifestation comme un « événement historique » dans l’histoire des mobilisations étudiantes à Rouen, d’autant plus que le campus Pasteur est considéré comme le fief de l’UNI, le syndicat étudiant d’extrême droite, et comme un campus « difficile à mobiliser ».

Deux jours plus tard, le Collectif s’est joint à la grande manifestation contre le racisme et l’extrême droite qui avait lieu partout en France. Près de 2000 personnes ont manifesté dans les rues de Rouen, et le Collectif est venue défendre ses revendications pour éradiquer le racisme à l’Université.

Le 24 mars, à la suite de la conférence du président de l’URN et de son équipe, les étudiants révoltés contre leur mépris et leur inaction ont à nouveau manifesté. Un nouveau record pour cette manifestation qui a réuni plus de 600 étudiants et membres du personnel, qui ont défilé du campus Pasteur jusqu’à l’Hôtel de ville de Rouen. Le vendredi, une nouvelle mobilisation faisant pression sur le Conseil d’Administration leur a permis d’obtenir une dispense d’assiduité deux fois par semaine pour pouvoir mieux organiser les Assemblées Générales et les manifestations.

Ne constatant aucune réaction de la part d’une grande majorité d’élus de la métropole, une délégation d’une quarantaine d’étudiants a pénétré dans le Conseil métropolitain qui se tenait le 31 mars, dans lequel siège Pierre- Antoine Sprimont, qui était absent. Deux membres du collectif se sont adressés aux élus de la métropole et ont dénoncé les propos de l’élu Sprimont, et ont rappelé aux élus que peu d’entre eux avaient réagi sur le drame survenu le 12 mars.

Pour continuer à faire pression, le 3 avril, les étudiants et le CUAR ont à nouveau manifesté du campus Pasteur jusqu’à l’Hôtel de ville où se tenait un Conseil municipal où siège Pierre-Antoine Sprimont. Les étudiants en colère se sont invités dans le Conseil pour dénoncer une nouvelle fois le manque de réaction de la part des élus, et ont directement interpellé le professeur raciste qui était présent, celui-ci ignorant totalement les dizaines d’étudiants derrière lui, une « forme de mépris qui le caractérise » selon une étudiante présente à la manifestation.

Par Ilan Laudrel

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