mercredi 23 avril

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Maltraitance institutionnelle au sein des crèches privées : le grand oubli

Crèches. En février 2025, un journal révélait que dans la crèche privée Bambou de Montrouge avaient lieu des violences répétées contre les enfants accueillis. Claques, coups de balai, mais aussi agressions verbales diverses. Les insoumis sur place, alertés, se sont mobilisés, et en premier lieu les élus, Aurélien Saintoul, député de Montrouge, et Annabelle Huet, […]

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Crèches. En février 2025, un journal révélait que dans la crèche privée Bambou de Montrouge avaient lieu des violences répétées contre les enfants accueillis. Claques, coups de balai, mais aussi agressions verbales diverses. Les insoumis sur place, alertés, se sont mobilisés, et en premier lieu les élus, Aurélien Saintoul, député de Montrouge, et Annabelle Huet, conseillère municipale. Le 24 mars, puis le 31, ils ont participé à plusieurs réunions pour exercer une vigilance citoyenne sur les suites que l’on entendait donner à ce qu’il faut bien appeler un cas de maltraitance institutionnelle.

Maltraitance institutionnelle, car il ne s’agit pas seulement d’un dérapage individuel. En effet, si la principale fautive a été licenciée, son comportement violent était connu et mal évalué par la crèche depuis longtemps, comme l’une de ses collègues a pu le faire remarquer. Ensuite, parce que le réseau privé auquel appartient la crèche, la Maison Bleue, tout en acceptant de rencontrer les élus, n’a pas pu cacher une grande ignorance sur ce qui pouvait se passer dans l’établissement Bambou. Montrant par là une coupable absence de contrôle sur la crèche.

Et puis, évidemment, parce qu’en lisant cela, on est obligés de penser au scandale de maltraitance dans les crèches privées dans son ensemble. Scandale, sur lequel l’insoumis William Martinet, avait mené les investigations, conduisant aux accusations de parjure contre Aurore Bergé.

Le traitement médiatique de l’affaire est doublement notable. D’abord parce qu’il est très faible. Cet article de presse avait été peu relayé, et les développements plus récents ne font guère l’objet que de courts articles dans de petites publications. Ensuite, parce que les médias qui se sont intéressés à l’affaire ne l’ont que peu reliée à la maltraitance institutionnelle. Qui n’intéresse, en général, pas grand monde, malgré son ampleur.

L’étendue du phénomène, c’est ce que à quoi s’intéresse un rapport de ATD Quart Monde paru en septembre 2024, passé inaperçu dans les médias. Il dresse un portrait particulièrement inquiétant de l’état des relations entre les institutions et les citoyens qui auraient besoin de leur aide. Notre article.

Pour éclairer la maltraitance institutionnelle dans les crèches privées, écouter la parole des premiers concernés

D’abord, un point de vocabulaire. La méconnue « Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance », définit comme suit la maltraitance institutionnelle : «  lorsque des situations de maltraitance résultent, au moins en partie, de pratiques managériales, de l’organisation et/ou du mode de gestion d’une institution ou d’un organisme gestionnaire, voire de restrictions ou dysfonctionnements au niveau des autorités de tutelle sur un territoire, on parle de maltraitance institutionnelle. »

Cela posé, ATD Quart Monde rend compte de ses travaux, réalisés avec des premiers concernés, et nous décrit une situation glaçante, à la fois pour les citoyens ayant besoin d’aide et pour les agents censés la dispenser. Il y a cette femme enceinte de deux mois, qu’une travailleuse sociale est forcée de remettre à la rue, de laisser tomber devant un quai de gare, car sa place en lieu d’hébergement n’a pas pu être sécurisée.

Il y a Antonio, qui tente d’aller au service des tutelles récupérer les effets de son père décédé, à qui on préfère mentir et dire qu’il n’y a plus rien à récupérer, car le cas est trop compliqué. Cette mère, encore, à qui l’assistance sociale refuse d’indiquer ses options légales pour voir sa fille, retirée à elle faute de domicile stable, parce que ce serait lui mâcher le travail et que, si elle tient vraiment à revoir sa fille, on attend d’elle qu’elle trouve le moyen de le faire.

Et puis, dans l’ensemble des témoignages, cette peur de l’administration, faite de serveurs vocaux, d’ordres impersonnels, de jugements kafkaïens et d’une déshumanisation permanente. Ces pratiques de « bonne administration » encore, comme ce bénéficiaire du RSA qui a perdu ses droits en une semaine du fait d’une omission administrative, mais qui doit attendre trois mois pour les récupérer. Ce qui relève non pas d’un dysfonctionnement mais de la gestion normale de l’allocation !

Et au-delà des récits, les chiffres. Il en existe peu, car la maltraitance institutionnelle n’est pas franchement le sujet d’étude prioritaire d’étude de l’Etat. Et pour cause, cela reviendrait bien souvent à s’auto-accuser. Tout de même, il y a des indicateurs. Par exemple, en avril 2023, la DREES produisait le chiffre suivant : 17% des Français en 2022 n’avaient pas recours aux aides et dispositifs sociaux par crainte des conséquences négatives contre 8 % en 2016.

Ce qui renvoie immédiatement à de nombreux témoignages recueillis par l’association ATD Quart Monde, comme cette personne en situation de pauvreté qui dit : «  dans ma famille, on a peur parce qu’on sait qu’on ne peut pas demander de l’aide sans être jugé. On a peur qu’ils nous enlèvent nos enfants et c’est ce qui se passe. On ne demande plus rien en fait, c’est plus simple on se débrouille. »

Pour aller plus loin : Victoire – L’Assemblée nationale renvoie Aurore Bergé devant la justice pour « faux témoignage »

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https://x.com/L_insoumission/status/1836433321762427264

Le coût économique de la maltraitance sur les plus démunis

Sans doute faut-il mettre ce chiffre en relation avec d’autres, et notamment ce pourcentage de 50% des personnes éligibles au minimum vieillesse ne le demandant pas, taux qui s’élève à 34% pour le RSA et 30% pour l’assurance chômage. Ou avec le quotidien de ces mamans, qui vivent avec, l’Allocation de Soutien Familial, qui est censée être perçue dans les cas où aucune pension alimentaire n’est versée (30 % des pensions alimentaires dues ne sont pas payées).

Et dans ce dernier cas, vu la faiblesse de ladite allocation, 184 euros en 2025, le célibat est rendu extrêmement difficile et pousse à la remise en couple, quand ce ne sont pas les agents eux-mêmes qui verbalisent cette injonction. De fait, la maltraitance institutionnelle n’est jamais séparable du patriarcat, du racisme (le « syndrome méditerranéen » qui consiste à nier la douleur de personnes racisées hospitalisées, par exemple), et de toutes les autres formes d’oppression.

Cette réalité, pour espérer la comprendre, il faut écouter les premiers concernés. En ce sens, la France Insoumise pourrait donner un mode d’emploi au gouvernement. Encore le 1er février 2025, elle organisait à Toulouse des rencontres nationales des quartiers populaires, où, hélas, les récits de maltraitance institutionnelle étaient omniprésents. Que l’on y écoute l’association Ghett’up, qui mettait en avant les galères de l’éducation dans les quartiers, le collectif Stop démolitions, qui raconte le traumatisme d’habitants dont on détruit le foyer sans solutions de relogement satisfaisantes, ce qui se dessine c’est le panorama d’une France que l’on entend pas, mais qui doit lutter au quotidien.

Une France que l’on entend pas, parce que les maltraitances institutionnelles sont souterraines, prennent rarement des formes tangibles, sont souvent faites de processus administratifs incompréhensibles, de refus de droits, ou même de simples attitudes vexatoires. Souterraines, mais pas invisibles. Pour autant, pour savoir où et qui les institutions maltraitent, il suffit de se poser quelques questions simples. Qui subit les labyrinthes de serveurs vocaux ? Qui vit dans la crainte d’une radiation, ou dans l’espérance d’une décision administrative relative à sa survie ? Qui doit composer le 115 et espérer une place d’hébergement ou supplier de ne pas être mis à la rue ? Qui est à la merci de la moindre virgule d’une circulaire ministérielle sur les aides sociales ?

Les mêmes qui, toute la journée, doivent supporter d’entendre parler d’économies sur le social, de rigueur budgétaire, de sacrifices, d’efforts, et de responsabilités qu’ils ne prendraient pas.

Alors, comme d’habitude, comptons que la France Insoumise sera l’alliée résolue de tous ceux que les institutions maltraitent. Face aux lobbyistes qui spéculent sur le rationnement des enfants en crèche, aux établissements publics qui persécutent, ce sera toujours le rôle du camp social d’aider à porter la parole et de se tenir au service de ceux qui en ont besoin.

Par Nathan Bothereau

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