mercredi 23 avril

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600 000 tonnes de plastique par an, pollution des yachts de milliardaires : les grandes menaces qui planent sur la mer Méditerranée

La mer Méditerranée, une mer exceptionnelle renfermant des trésors de biodiversité est aujourd’hui terriblement menacée. En raison de sa position dans le monde, elle a été toujours été le lieu d’intenses échanges puisqu’elle constitue un point de passage entre l’Asie et l’Amérique avec le canal de Suez et le détroit de Gibraltar. Elle borde 22 […]

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La mer Méditerranée, une mer exceptionnelle renfermant des trésors de biodiversité est aujourd’hui terriblement menacée. En raison de sa position dans le monde, elle a été toujours été le lieu d’intenses échanges puisqu’elle constitue un point de passage entre l’Asie et l’Amérique avec le canal de Suez et le détroit de Gibraltar. Elle borde 22 Etats avec une forte densité de population, accueille 150 millions d’habitants vivant le long du littoral et 360 millions de touristes chaque année soit 27% du tourisme mondial. Il s’agit de la plus vaste mer semi fermée au monde et s’étend sur trois rives caractérisées par un climat chaud et sec. Le fait que cette mer soit quasiment fermée aggrave les concentrations de pollution.

Plus de 87% du bassin méditerranéen renferme des microplastiques, des produits chimiques industriels, des métaux toxiques, et d’autres polluants. Le sur tourisme, un littoral saturé, les excès de l’urbanisme, les déversements d’hydrocarbures, la pollution des milliardaires avec leurs méga-yachts, des taux de bactérie au dessus de la moyenne et 600 000 tonnes de matières plastiques relevé par la WWF… autant de défis écologiques majeurs à relever.

La mer Méditerranée renferme entre 8 et 10% de la biodiversité de l’océan mondial alors même qu’elle ne représente que 0,8% de sa superficie. Une biodiversité utile si l’on prend l’exemple de la posidonie, présente à faible profondeur, qui permet de purifier l’eau. ou bien du coralligène situé à une profondeur plus importante. Les herbiers de posidonies sont une source de nourriture et de protection pour de nombreuses espèces. Les posidonies sont essentielles dans le stockage du carbone atmosphérique, l’oxygénation et l’équilibre général du climat. Notre article.

Une mer à une température de 30 degrés l’été et remplie de 600 000 tonnes de plastique

En Méditerranée, la concentration en plastique est quatre fois plus élevée que sur le 7ème continent, pourtant constitué uniquement… de plastique !

Plus de 87% du bassin méditerranéen renferme des microplastiques, des produits chimiques industriels, des métaux toxiques, et d’autres polluants. Le sur tourisme, un littoral saturé, les excès de l’urbanisme, les déversements d’hydrocarbures, la pollution des milliardaires avec les méga-yachts, des taux de bactérie au dessus de la moyenne et 600 000 tonnes de matières plastiques relevé par la WWF… autant de défis écologiques majeurs à relever.

Les chiffres de la pollution parlent d’eux-mêmes et sont alarmants. « Collectivement les pays méditerranéens rejettent 600 000 tonnes de plastique dans notre mer Méditerranée. La France est responsable de plus de 10 000 tonnes de ces rejets. C’est non seulement inadmissible mais aussi incompréhensible », selon Isabelle Autissier, présidente de WWF France (Rapport de l’UICN – Union Internationale pour la Conservation de la Nature ainsi que le rapport Stoppons le torrent de plastique de la WWF).

Concernant la pollution plastique, certains pays sont plus mauvais élèves que d’autres. Chaque minute dans le monde 20 tonnes de plastique terminent dans les océans et se transforment en microplastiques irrécupérables. Il s’agit principalement de macro déchets qui flottent à la surface de l’eau. Les morceaux de plastiques se décomposent sous l’effet des rayons ultraviolets, de la salinité, du vent et du mouvement des vagues. La libération de ce plastique est de plus en plus problématique car les concentrations de micro plastiques atteignent ensuite des niveaux records : 1,25 milliards de fragments par kilomètre carré.

Entre 8 et 12 millions de tonnes de plastique sont déversées chaque année dans les océans, 20% le sont en raison des activités de pêche et du trafic maritime tandis que 80% le sont du fait du largage par les fleuves et les rivières. La Méditerranée est pourtant le carrefour des civilisations, elle est en train de se transformer en une mer remplie de confettis de plastique. L’eau est un défi commun de l’humanité. 70% de notre planète est recouverte d’eau et l’on est nous-mêmes, êtres humains, composés à 60% d’eau.

Le plastique constitue ainsi 95% des déchets en haute mer et les micro plastiques, c’est-à-dire des fragments plus petits et plus insidieux, atteignent ici des niveaux records. Rien d’étonnant à cela lorsque l’on sait que l’Europe est le deuxième producteur de plastique au monde après la Chine. Ce plastique peut contenir des substances toxiques concentrées jusqu’à un million de fois supérieures à celles présentes naturellement dans l’eau de mer. En Méditerranée, la concentration en plastique est quatre fois plus élevée que sur le 7ème continent, pourtant constitué uniquement… de plastique !

L’odeur du plastique induit en erreur les poissons et les tortues de mer qui choisissent leur proie en fonction de leur vue. Les oiseaux de mer choisissent leur nourriture en fonction de leur odorat. Ils prennent alors le plastique pour de la nourriture à cause des algues et des bactéries. Un véritable empoisonnement silencieux de la faune.

La plupart des matériaux plastiques ne sont pas biodégradables. Les macro déchets en plastique sont principalement les sacs, les mégots de cigarette, les ballons, les bouteilles, les pailles et les cotons tiges. Les sacs et les cotons tiges en plastique sont cependant interdits à la vente dans les supermarchés depuis 2020. Les Français sont les troisièmes consommateurs d’eau en bouteille en Europe.

Le surtourisme aggrave la situation

Le sur tourisme provoque une augmentation de plus de 40 % de la pollution marine pendant l’été. Le bassin Méditerranée concentrant 27 % du tourisme mondial. Ce tourisme y est balnéaire et se concentre donc largement sur le littoral, déjà surchargé. Si l’on prend en France l’exemple de la Cote d’Azur l’accélération du tourisme notamment à partir des années 1950 a entrainé l’artificialisation du littoral. 35 % du littoral du département des Alpes-Maritimes est aujourd’hui artificialisé ce qui provoque une baisse de la biodiversité.

En raison du sur tourisme, il y a évidemment des comportements inciviques sur les plages et en amont un système économique capitaliste qui vit de la surconsommation. Un excédent de marchandises, une tendance consumériste des êtres humains rendus à consommer tout et n’importe quoi pour assurer la survie de ce système économique. Des entreprises créant des besoins artificiels souvent pour le seul profit de quelques multinationales. Certaines de ces entreprises préfèrent le jetable au durable, cherchent à tout prix à renouveler le plus vite possible leur gamme de produits afin que les consommateurs et les consommatrices les rachètent sans arrêt.

Un symbole de ce tourisme polluant est celui des croisières puisqu’un navire de croisière arrêté à quai pendant une heure émet autant de pollution qu’environ 30 000 véhicules roulant à 30 km/h.

Pour aller plus loin : Les insoumis inscrivent la mer à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale

La pollution des milliardaires, le scandale des méga yachts

Il existe près de 9 000 super-yachts en tout dans le monde, immatriculés la plupart du temps dans des paradis fiscaux. L’été, la moitié d’entre naviguent dans la mer Méditerranée.

Selon une étude d’Atmosud réalisée en 2019 dans le port de Nice, un yacht non branché à quai générerait autant de dioxyde d’azote que deux cent cinquante voitures, et autant de particules fines que mille voitures lorsqu’il utilise ses générateurs pour produire l’électricité.

Dès lors, la solution est radicale : il s’agit d’interdire la navigation de ces super-yachts pour des raisons d’impératif écologique.

Pour aller plus loin : Le RN défend les jets privés et les yachts

Le déversement des hydrocarbures

Le droit européen s’était saisi de la question de la pollution du littoral lors de l’affaire du naufrage du pétrolier le Prestige. La directive 2005/35 oblige les États membres de l’UE à se doter de sanctions dissuasives en la matière. Il existe ainsi une compatibilité entre les règles européennes et internationales, les règles internationales étant cependant plus strictes en la matière en raison notamment de la Convention de Montego Bay (Directive 2005/35).

Une conséquence du réchauffement climatique : le cas des inondations

Autrefois appelés épisodes cévenols, les phénomènes de précipitations intenses sont désormais, en raison de leur extension territoriale, de leur fréquence et de leur dangerosité, qualifiés d’épisodes méditerranéens.

Il s’agit d’une manifestation du réchauffement climatique mortelle, 213 personnes en sont mortes en 2024 à Valence en Espagne.

Une autre cause de la pollution des littoraux est directement liée aux inondations. Les conséquences, les impacts et les difficultés posées par la gestion des déchets post inondations sont nombreux. Ainsi, les déchets produits par les inondations ont des impacts directs à plusieurs niveaux : ils représentent tout d’abord un danger pour les vies humaines mais aussi un risque pour la santé et pour la salubrité publique, un risque pour l’environnement notamment en raison du niveau de pollution causé sur le territoire. La rapidité de leur enlèvement est une nécessité. Lorsque surviennent des inondations, les populations se retrouvent désemparées, les fleuves débordent et au minimum des centaines de mètres cubes de déchets doivent être enlevés en urgence.

L’urgence écologique doit être au cœur des projets politiques méditerranéens

Le bassin méditerranéen fait partie des endroits les plus impactés par le réchauffement climatique irréversible. On le constate chaque été avec notamment l’augmentation de la température de l’eau dans le mer Méditerannée, les feux de forets, les épisodes de sécheresse et les restrictions d’eau. Il existe pourtant des solutions.

Le respect du cycle de l’eau

Le droit à l’eau est pourtant reconnu par l’ONU mais n’est malheureusement pas une réalité.

Le niveau de protection de l’environnement qui nous entoure et donc la réduction des dégâts écologiques pourrait être un des critères majeurs à prendre en compte pour définir un indice de progrès humain. L’urgence écologique doit être au cœur des projets politiques méditerranéens. Gérer durablement l’eau notamment par les régies publiques et la dépollution. La problématique des déchets sur les plages, la pollution chimique, la destruction de la biodiversité marine et le changement climatique participent au dérèglement du cycle de l’eau.

Le droit à la mer et à son assainissement doit devenir une réalité sociale et juridique. Cette reconnaissance en tant que droit fondamental effectif passe par une gestion publique et collective.

La gestion des déchets est dans l’intérêt public, non seulement pour protéger des vies et pour des questions de sûreté et de salubrité. La situation politique française et dans de nombreux pays du pourtour méditerranéen risque en revanche de perpétuer celle de l’inaction climatique en raison de l’absence de gouvernements ayant pleinement conscience de l’urgence écologique en cours.

Les aires marines protégées

Une autre solution consiste à créer et multiplier les AMP (les aires marines protégées) et à renforcer leur efficacité par l’augmentation de leur niveau de protection.

Les Aires Marines Protégées sont des lieux en mer et sur le littoral placés sous protection et gérés en raison de leur importance écologique. Elles permettent de lutter la menace de la pêche intensive et ainsi de protéger les mammifères marins. Malheureusement, les AMP ne recouvrent que 6% du bassin méditerranéen mais seulement 0,23 % d’aires marines ayant des niveaux de protection efficace.

On est loin de l’engagement pris à Nagoya en octobre 2010 par la Convention sur la diversité biologique, demandant la protection via les AMP d’au moins 10 % de l’océan mondial. Le réseau méditerranéen des AMP est animé par MedPAN, une organisation non-gouvernementale située à Marseille.

Le plan de dépollution de la mer

La France, de par le littoral qu’elle possède sur tous les continents, se doit de devenir la première puissance mondiale de la recherche et de l’éducation dans le secteur maritime.

La production mondiale de plastique dans le monde a doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes. Si rien n’est fait, elle sera d’un milliard de tonnes par an d’ici 2050. En mer Méditerranée, ils grossissent à vue d’œil et menacent la biodiversité, nuisent à la qualité de la chaîne alimentaire et par conséquent à l’avenir des secteurs économiques dépendants de la mer. Il devient dès lors vital de rompre avec le capitalisme, de porter plusieurs propositions susceptibles de contribuer efficacement à la dépollution de la mer Méditerranée, de sanctuariser les écosystèmes marins et d’arriver à la création d’un droit international de la biodiversité marine.

Un peu partout, des associations fort heureusement se mobilisent pour nettoyer les plages. Le travail bénévole, les initiatives citoyennes si louables soient-elles ne doivent pourtant pas remplacer celui des collectivités, du rôle de l’action publique. La méthode pour en finir avec la pollution des littoraux et de mer est celle du grand plan de dépollution de la Méditerranée, ce qui suppose une réduction collective de la quantité de déchets, la récupération des déchets flottants et une initiative internationale avec les 22 Etats concernés pour lancer une campagne de dépollution de la mer Méditerranée.

Parmi ces propositions, citons l’interdiction du plastique à usage unique ainsi que la création de lieux pédagogiques liés à la mer. Citons également l’encadrement du prélèvement de sable marin pour le secteur de la construction et la lutte contre l’extraction illicite à l’échelle nationale, la dépollution des sites affectés par les rejets toxiques des décharges. Les emballages inutiles pullulent, comme les sachets individuels. On peut prendre exemple des paquets de gâteaux avec des sachets individuels pour chacun des gâteaux contenus dans un paquet.

La mise en place d’une structure commune de lutte contre la pollution et de gestion de la dépollution de l’écosystème de la mer Méditerranée se fera évidemment avec les pays riverains. La lutte contre les exportations illégales de déchets suppose de doter les douanes des moyens nécessaires, le trafic des déchets étant l’un des trafics environnementaux les plus lucratifs. De nombreuses actions peuvent réduire la production des déchets à la source. En utilisant des matériaux durables tels que le bois ou l’osier, en privilégiant des matériaux consignés ou réutilisables, on arrive à cette réduction.

Obliger la commande publique à miser sur l’innovation.

La protection de notre planète, nos mers, nos océans, le respect du cycle de l’eau sont les défis majeurs du XXIème siècle. Chaque achat peut devenir responsable et il faudrait obliger la commande publique à miser sur l’innovation. Le court terme ne marche pas, il faut voir à moyen ou plus long terme. La limitation de la progression de la pollution du bassin méditerranéen à l’horizon 2030, prélude à la dépollution, nécessite de considérer les contraintes géographiques et les situations géopolitiques. Ce bassin est un facteur d’unité, la Méditerranée fait partie des éléments les plus importants de la biodiversité planétaire.

Les collectivités locales sont en principe les premières à être incitées à agir dans le domaine de l’environnement. En 2025, de nombreuses actions visent à éliminer les pollutions dans la bande littorale des 300 mètres pendant la période d’été. La collecte des macro-déchets flottants se réalise à l’aide de bateaux nettoyeurs. Ce dispositif comprend également la surveillance aérienne des bandes côtières. Des dispositifs innovants comprenant des filets de récupération des déchets du pluvial sont également à saluer.

Pour une diplomatie écologique anticapitaliste commune

L’engagement de multiples acteurs locaux, l’éducation populaire et la prise de conscience de la gravité de la situation peuvent nous permettre d’espérer une issue salutaire à cette problématique de pollution du littoral méditerranéen. Il est aujourd’hui impératif que les pouvoirs politiques des 22 Etats concernés s’adaptent à cet enjeu et en fassent une priorité. Il faut pour cela miser sur l’innovation écologique, développer les coopérations écologiques entre ces Etats par une diplomatie écologique universaliste et avoir une vision d’ensemble de long terme.

Il existe une extraordinaire capacité de la vie marine à se restaurer lorsqu’il y’a une réduction des activités polluantes. A travers le cas de la pollution en mer Méditerranée et de sa gravité, on s’aperçoit de la nécessité de mettre en place le plus tôt possible une véritable diplomatie écologique universaliste en rupture totale avec les erreurs capitalistes du passé nous ayant amené à cette situation et d’appliquer la règle bleue pour les mers et les océans.

Par Arthur Abbatucci

Crédits photo : « Bord de mer, bouteille », Kostas Dimopoulos, Pexels, Public Domain, pas de modifications apportées.

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