Racisme. “Tu vas faire quoi si je te taze ?” Ces derniers jours, Rima Hassan et Aly Diouara, eurodéputée européenne et député de la France insoumise, ont été victimes de campagnes politiques et médiatiques aux accents de persécution raciste. Du gouvernement au Rassemblement National, de la télévision publique au préfet de Paris, sur les radios et sur les plateaux de télévision, on menace de « tazer » des parlementaires et de les déchoir de leur nationalité.
Des plus hautes sphères de l’État jusqu’aux pieds des grands ensembles, le fond de l’air est brun. Les campagnes médiatico-politiques racistes lancées contre Rima Hassan et Aly Diouara en sont le signal. La marche du 22 mars à l’appel de 220 organisations, dont la France insoumise, en sera la riposte. Notre article.
Des plateaux de télévision au gouvernement, nouvelle cabale médiatico-politique contre Rima Hassan
Le 27 février, la députée européenne de la France insoumise Rima Hassan était invitée au micro de Jean-Jacques Bourdin sur les antennes de Sud Radio. De bout en bout, elle y a rappelé sa position et celle de la France insoumise au sujet du génocide en cour à Gaza : le respect du droit international et l’utilisation de ses termes pour qualifier la situation et ses acteurs.
Mais voilà, le droit international et la remise en perspective historique des évènements en cours au Moyen-Orient constituent une offense intolérable pour Jean-Jacques Bourdin et les soutiens du génocide. Ainsi Jean-Jacques Bourdin a passé son interview à déformer les propos de Rima Hassan et à mettre dans sa bouche des mots qui ne sont pas les siens. Dans un excès peut-être aussi hallucinant que révélateur, il est allé jusqu’à demander à l’eurodéputée insoumise si elle n’appelait pas au « djihad » pour avoir évoqué les quatre générations de Palestiniens sacrifiées depuis la Nakba.
https://twitter.com/L_insoumission/status/1895065063540543903
Après cette interview plus proche d’une inquisition diffamatoire que du plus insignifiant travail journalistique, c’était au tour du reste des médias dominants et de la classe politique de prendre le relai, et d’enclencher une énième campagne d’acharnement raciste contre Rima Hassan, appelant en particulier à sa déchéance de nationalité. Ainsi des diffamations et insultes de Bruno Retailleau, Marion Maréchal-Le Pen, de multiples représentants du Rassemblement National, du ministre François-Noël Buffet appelant lui-même à la déchéance de nationalité de Rima Hassan, et, bien-sûr, du socialiste Jérôme Guedj.
Tous se sont employés à faire croire que Rima Hassan avait justifié l’action du Hamas telle qu’elle s’est déployée en Israël le 7 octobre 2023. Tous ont éhontément menti car c’est en réalité l’exact inverse que la juriste et eurodéputée insoumise a rappelé au micro de Jean-Jacques Bourdin, droit international à l’appui : « Le Hamas a une action légitime si on se réfère aux résolutions des nations unies (résolution 3070 XXVIII de l’ONU).
Par contre, ce n’est pas parce que les résolutions des Nations Unies sont extrêmement claires sur le droit des peuples colonisés à avoir recours à la lutte armée que les procédés de la lutte armée justifient tout […]. Vous n’avez pas le droit de prendre en otage des civils, vous n’avez pas le droit de commettre un certain nombre d’exactions telles qu’elles ont été commises [par le Hamas] ». Voilà la déclaration de Rima Hassan que la réaction politico-médiatique tente de faire passer pour une apologie de terrorisme justifiant une déchéance de nationalité.
Rima Hassan a rappelé avec la plus grande clarté que si la lutte armée est bel et bien un droit pour les peuples colonisés et sous occupation reconnu par le droit international, la légitimité de cette lutte n’implique pas celle de tous les moyens mis à son service, notamment la prise d’otage de civils. Elle déclare même, au début de son intervention, que « Le mode opératoire du Hamas est un mode opératoire terroriste ».
Alors, pour justifier une campagne de diffamation injustifiable, le « journaliste » Lorrain Sénéchal s’est livré sur le plateau de l’émission “CàVous” à un pur exercice de désinformation en allant jusqu’à inverser les séquences de l’intervention de Rima Hassan pour faire croire qu’elle aurait « justifié le mode opératoire » du Hamas, avant de nuancer ses propos. Répétons le encore s’il le faut : dans cette interview et depuis des mois, c’est l’exact inverse qui est défendu par Rima Hassan et la France insoumise.
https://twitter.com/RimaHas/status/1895166713622065237
Plus largement, les menaces de déchéance de nationalité s’accompagnent aujourd’hui d’un vocabulaire absolument débridé et pétainiste des responsables politiques et éditorialistes de la presse réactionnaire, la député macroniste Prisca Thévenot parlant de Rima Hassan comme d’une « ennemi[e] de la France », le plateau de CNEWS comme d’une « ennemie de l’intérieur » qu’il faudrait « destituer de tout mandat public ». Depuis 1945 et la défaite du fascisme, un vocabulaire et des propositions aussi explicitement racistes ne s’était plus emparé de manière aussi débridée des élites bourgeoises.
Au total, Rima Hassan est menacée de déchéance de nationalité et traitée comme une « ennemie de l’intérieur » pour avoir rappelé le droit international, c’est-à-dire parce qu’elle dénonce le génocide du peuple palestinien par un État occidentalisé, et, en dernière analyse, parce qu’elle est elle même franco-palestinienne.
Le député LFI Aly Diouara menacé d’être “tazé” par un policier : sans preuves pour appuyer leur propos, les préfets de Paris et de Seine-Saint-Denis apportent leur soutien aux agents impliqués
En parallèle de la cabale raciste menée contre Rima Hassan depuis le plus haut sommet de l’État, un autre insoumis, le député Aly Diouara, a lui aussi été victime ces derniers jours d’une campagne mêlant racisme et rejet de l’égalité entre les êtres humains.
Ainsi Aly Diouara, député de la Nation, a été menacé par des policiers alors qu’il était témoin de contrôles de police affichant violences et absence de motif apparent. Témoin d’une fouille sans fondement légal et constatant le non-port du numéro d’identification administrative pourtant obligatoire par les agents impliqués (numéro RIO, article R343-15 du Code de la sécurité intérieure), Aly Diouara a exercé son droit d’observation en tant que député.
En sa qualité de parlementaire, il y a exercé ce droit sans interférence. Il a alors été pris à partie par les fonctionnaires de police impliqués, ceux-ci menaçant de faire usage de leur arme à impulsion électrique (Tazer) à son encontre. Une élue, adjointe au maire de La Courneuve, qui l’accompagnait, a fait l’objet d’une interpellation, au motif d’une prétendue injure publique, ce que l’intéressée conteste formellement.
Alors qu’Aly Diouara a dénoncé cette situation par communiqué, le préfet de Paris Laurent Nunez et le préfet de Seine-Saint-Denis ont rapidement apporté leur soutien aux policiers affirmant sans aucune preuve qu’ils ont agi dans le respect du droit des règles de déontologie.
Les réactions du préfet de police de Paris et du préfet de la Seine-Saint-Denis soulèvent des interrogations d’une extrême gravité. Il n’est pas acceptable qu’un préfet de police puisse, en quelques heures à peine, décréter close toute enquête relative à des faits graves dont se seraient rendus responsables des fonctionnaires de police.
Il n’est pas acceptable qu’il énonce sur un réseau social son « plein soutien » aux agents mis en cause, jetant ainsi le doute sur le témoignage du député Aly Diouara et sur sa probité, et cela en se dispensant au passage de rendre public le moindre élément factuel étayant ses affirmations. Il n’est pas acceptable que le préfet de la Seine-Saint-Denis reprenne ces mêmes déclarations publiques, à travers un compte personnel, et ce alors que des vidéos attestant la version d’Aly Diouara sont disponibles.
Alors que la France a été à plusieurs reprises condamnée par des juridictions nationales et internationales pour des pratiques discriminatoires en matière de contrôle d’identité et d’usage excessif de la force par l’institution policière, le comportement des deux préfets participe à la normalisation de ces pratiques contraires aux libertés fondamentales. Ils manquent ce faisant aux devoirs de retenue, de réserve et d’impartialité des agents publics.
La haine raciste dont est victime chaque jour Aly Diouara, député de la Nation, est ainsi relayée et entretenue par les plus hautes autorités administratives de l’État.
https://twitter.com/AlyDiouara/status/1895530270033686596
Manifestation contre le racisme et le fascisme : rendez-vous dans la rue le samedi 22 mars !
Comme le rappelle Jean-Luc Mélenchon, « Les campagnes médiatico-politiques contre Rima Hassan et Aly Diouara sont le signal d’une ère de persécutions racistes officielles de type pétainiste. Après « islamo-gauchiste », « rappel du judéo-bolchevisme », les « Français de papier », voici la « déchéance de la nationalité » contre des députés, sans oublier l’inacceptable violence anti-algérienne. Le tout sous l’autorité d’un Président qui s’est octroyé le pouvoir spécial de nier le résultat des élections. Ceux qui regardent ailleurs ou s’y associent font rouler notre pays à l’abîme désormais proche. »
Le fait que les médias dominants et le élites bourgeoise se permettent aujourd’hui de fabriquer et d’entretenir des campagnes racistes contre des représentants du peuple est d’abord un signal d’alarme sur la réalité vécue par les Françaises et Français qui n’ont pas la bonne religion ou la bonne couleur de peau que voudraient imposer l’extrême droite.
Partout dans le monde, l’extrême droite défend un projet raciste et violent. Dans les sommets internationaux auxquels participe le Rassemblement National, comme dans les discours d’Elon Musk, les saluts nazis sont de retour alors qu’on les croyait disparus à jamais. En France, Le Pen et Bardella surfent sur le racisme pour fracturer l’unité du peuple et assurer la domination des puissants, et des parlementaires sont victimes de campagnes racistes orchestrées par les médias et des responsables politiques débridés.
Leurs idées sont alimentés par le gouvernement Bayrou/Retailleau et s’appuient sur une offensive médiatique impulsée par les médias du groupe Bolloré. La violence de l’extrême droite est impunie. Retailleau multiplie les sorties racistes et xénophobes mais ne dit rien quand des néonazis poignardent un homme en plein Paris. Il participe lui-même à la persécution raciste d’une eurodéputée française.
Nous avons besoin d’une riposte populaire à la hauteur. Le 22 mars, aux côtés de plus de 300 organisations, la France insoumise appelle à manifester partout en France contre le racisme et le fascisme.
Par Eliot Martello-Hillmeyer