A69. Ce jeudi 27 février, le Tribunal administratif de Toulouse a enfin annulé l’arrêté préfectoral autorisant la poursuite des travaux de l’A69. Conformément aux arguments apportés par les infatigables opposants à ce tracé autoroutier destructeur, la juridiction a estimé que le projet ne répond à aucune raison impérative d’intérêt public majeur. Une défaite majeure pour les pourfendeurs de l’environnement, la société Atosca et ses soutiens, dont Carole Delga.
Cette victoire, fruit d’une mobilisation populaire et citoyenne, crée un précédent juridique susceptible de porter plus haut encore le combat contre des grands projets inutiles, menés au mépris de l’intérêt général et de l’urgence climatique. Notre article.
Une victoire juridique pour les défenseurs du vivant
En juin 2023, le collectif La Voie est Libre a déposé un recours sur le fond[1] contre le chantier de l’A69. C’est à sa suite que la juridiction administrative a annulé, jeudi 27 février, les arrêtés préfectoraux des 1ers et 2 mars 2023 valant autorisations en vue de la réalisation des travaux de liaison autoroutière entre Verfeil et Castres. C’est donc un coup d’arrêt net porté aux projets d’autoroute A69 et d’élargissement de l’autoroute A680, qui avaient été autorisés par les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn.
La décision est sans équivoque, comme le souligne le communiqué du Tribunal qui accompagne cette décision [2]. « Au vu des bénéfices très limités qu’auront ces projets pour le territoire et ses habitants, il n’est pas possible de déroger aux règles de protection de l’environnement et des espèces protégées. »
En effet, une telle dérogation, qui aurait permis aux travaux de se poursuivre, est conditionnée au maintien des espèces protégées, à l’absence de solution alternative et à la caractérisation d’intérêt public majeur du projet. Or, dans le cas de l’A69, le tribunal administratif estime que les projets ne remplissent pas ces critères et que les bénéfices supposés, qu’ils soient économiques, sociaux ou de sécurité publique qui devaient en résulter sont trop limités pour permettre une telle atteinte.
De plus, le Tribunal juge que la nécessité de « désenclaver » le bassin, pourtant avancée par les préfets, n’est pas avérée.
L’argumentaire des militants enfin reconnu
Le Tribunal a donc suivi les arguments défendus de longue date par les militants et confirmé les recommandations de la rapporteure publique.
L’Insoumission soulignait dès novembre dernier le rôle crucial qu’un tel avis pouvait avoir dans la procédure[3]. Le rôle du rapporteur public est en effet de rendre des conclusions indépendantes, indiquant une solution au litige à la suite d’une expertise appréciant les faits et les circonstances du projet. Son constat était ici sans appel : la rapporteure, soulignant que les gains espérés de la future autoroute n’étaient pas suffisants pour établir une « raison impérative d’intérêt public majeur » justifiant de porter atteinte à l’environnement, recommandait purement et simplement l’arrêt du projet.
Toutefois son avis, aussi éclairé soit-il, est dépourvu de force contraignante. Les défenseurs du vivant se sont donc rendus à l’audience sans aucune garantie que la justice mette fin aux travaux.
Malgré les pressions des puissances économiques avides de voir les travaux se poursuivre, le Tribunal a fait primer l’indépendance de la justice. Il prononce ainsi une décision sans précédent et donne raison à plusieurs années de mobilisation. La conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage est donc bel et bien plus importante que des bénéfices escomptés. Les autorisations préfectorales litigieuses sont annulées et le chantier en cours doit cesser.
Une décision qui rappelle la nécessité d’une justice indépendante et du respect de l’État de droit
Cette décision est saluée par les collectifs, qui soulignent le coup d’arrêt qu’elle porte à un déni institutionnel qui n’avait que trop duré et permet d’éviter une nouvelle catastrophe environnementale[4].
Au-delà du cas de l’A69, cette décision illustre l’importance d’une justice capable de statuer en toute indépendance. Or, la nomination en décembre dernier de Gérald Darmanin place Vendôme ne va pas en ce sens. En tant que ministre de l’Intérieur, il a souvent opposé le respect des procédures à l’intérêt de l’État, suggérant que le droit constituait davantage un frein à l’action de l’exécutif qu’un fondement essentiel à la protection et à l’égalité de traitement des citoyens. Ainsi, sa nomination comme garde des Sceaux et la reconduction de Bruno Retailleau à l’Intérieur annoncent un alignement des politiques de ces deux ministères régaliens, au détriment de l’État de droit et de l’indépendance de la justice.
Cette situation a de quoi inquiéter. Car comme le souligne un communiqué commun des différents collectifs ayant lutté contre le projet, si la joie est aujourd’hui de mise à l’annonce de la décision de justice, cette dernière a un goût amer, un goût de « tout ça pour ça ». Car si le Tribunal donne raison à la lutte, l’injustifiable répression policière et judicaire dont les opposants au projet ont été victimes ne s’arrête pas et près de 70 procès restent programmés jusqu’en novembre 2025. [5]
Les collectifs soulignent ainsi que « Si aujourd’hui c’est le droit qui marque un coup d’arrêt au projet, c’est bien la lutte de chaque instant qui a permis de retarder les travaux suffisamment pour qu’il soit encore permis de rêver d’une remise en état de notre territoire ».
Un précédent juridique porteur d’espoir pour les luttes à venir
Le fondement juridique de la décision est le résultat de toutes les mobilisations qui ont permis de porter cette affaire devant le Tribunal Administratif. Seule la persévérance et la ténacité des militants, sans qui le projet se serait poursuivi dans l’indifférence des pouvoirs publics, ont permis cette victoire.
Et malgré cette magnifique nouvelle pour l’A69, la lutte contre le « tout macadam » mortifère n’est pas gagnée.
Si ce projet ne justifie pas la destruction d’espèces protégées, en sera-t-il de même pour les autres luttes ?
Cette décision du Tribunal, bien que cruciale pour la protection de l’environnement, n’est qu’un premier pas, qui doit désormais être accompagné d’une réponse politique cohérente. Si elle constitue une victoire juridique majeure, elle met en lumière la nécessité d’un changement de cap. Ce changement doit passer par des alternatives concrètes : améliorer le réseau ferroviaire, investir massivement dans les transports collectifs et les services publics associés, autant de solutions portées par La France Insoumise et son programme. Le gouvernement doit tirer les conséquences de l’échec infligé à ses alliés par la justice et assumer ses responsabilités en mettant en œuvre le moratoire sur les projets routiers et autoroutiers destructeurs réclamé par La France Insoumise.
Mazarine Albert
[1] https://www.lvel.fr/post/recours-juridique
[2]https://toulouse.tribunal-administratif.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/a69-le-projet-autoroutier-est-annule-faute-de-necessite-imperieuse-a-le-realiser
[3] https://linsoumission.fr/2024/11/24/a69-arret-projet/
[4] https://www.instagram.com/p/DGk4797NgPe/?img_index=2
[5] https://www.instagram.com/p/DGk_8yjiZqU/?img_index=1