Richard Ferrand bientôt président du Conseil constitutionnel, pour succéder à Laurent Fabius ? Une proposition signée… Emmanuel Macron lui-même, un très bon ami à lui. Comme tous les trois ans, le chef de l’État et les présidents des deux chambres du Parlement proposent chacun un candidat. La règle : que le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois sans.
Les motivations de cette nomination sont connues : Richard Ferrand est un macroniste zélé de la première heure. Récompenser et recaser des fidèles aux postes-clés est une méthode typique et régulière d’Emmanuel Macron. Surtout lorsque l’un de ses laquais défend, comme Ferrand, la possibilité qu’il effectue un troisième mandat présidentiel.
Sans parler de l’affaire des mutuelles de Bretagne, qui a valu à l’ancien président de l’Assemblée nationale une mise en examen pour prise illégale d’intérêts. Il a seulement échappé à un procès pour cause de prescription, sans que le fond de l’affaire ne soit remis en question. Richard Ferrand est auditionné ce mercredi à 8 heures 30 devant la commission des lois de l’Assemblée, puis à 11 heures devant celle du Sénat. Un blocage de la nomination de Richard Ferrand constituerait un véritable camouflet pour Emmanuel Macron. Une hypothèse tout à fait envisageable, tant le vote s’annonce serré. Notre article.
Richard Ferrand : incompétence, déboires judiciaires et macron-mania
La volonté d’Emmanuel Macron de nommer Richard Ferrand témoigne de sa déconnexion avec l’opinion du pays, de son incapacité profonde à se remettre en question et de sa volonté de s’accrocher au pouvoir, alors que les dernières élections ont donné lieu à des défaites cinglantes successives pour son camp. « Le pire serait que le chef de l’État, par le choix qu’il ferait d’un président trop proche de lui, donne l’impression de vouloir reprendre indirectement la main sur des institutions dont les élections lui ont fait perdre le contrôle », écrit l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel (1997-2007) Jean-Eric Schoettl.
Richard Ferrand est un macroniste de la première heure depuis 2016, un ami du chef de l’État, un de ses plus fidèles parmi les fidèles. « Richard est aujourd’hui celui qui traduit le mieux la pensée du président », selon les mots de François Patriat dans Le Monde, chef de file des sénateurs macronistes. Comment ne pas douter d’une connivence entre lui et Emmanuel Macron ? Comment ne pas douter de son impartialité dans le rendu des décisions des « Sages » ?
En juin 2023, Richard Ferrand fait part de son regret qu’Emmanuel Macron ne puisse pas se représenter en 2017. « La limitation du mandat présidentiel dans le temps, le non-cumul des mandats, etc… Tout cela corsète notre vie publique dans des règles qui limitent le libre choix des citoyens. Ça affaiblit notre vie politique en qualité et en densité, et la rend moins attractive » […] Changeons tout cela ! », déclare-t-il, dévoilant sa volonté de modifier la Constitution pour ce faire
Au niveau des compétences juridiques, Richard Ferrand fait pâle figure, avec deux années de droit en poche, un travail de journalisme et un autre de dirigeant d’une agence de graphisme. En 10 ans à l’Assemblée nationale, il est rapporteur de deux lois, dont l’une n’aboutira jamais. Lorsqu’il préside la chambre basse, un de ses rares faits d’armes et de faire voter un changement de règlement de l’Assemblée visant à… réduire les prérogatives des députés !
Enfin, l’affaire des Mutuelles de Bretagne pour laquelle il a été mis en examen pour prise illégale d’intérêts fait tache, sans conteste. Seule la prescription des faits lui a fait éviter un procès. Faits qui n’ont d’ailleurs jamais été contestés sur le fond. Pour rappel, en 2010, Richard Ferrand est acquéreur d’un bien immobilier pour le compte de sa compagne et locataire de ce même bien au nom des Mutuelles de Bretagne qu’il dirige à ce moment-là. Résultat : « L’argent versé par les adhérents à la Mutuelle, dirigée par Richard Ferrand, servait donc à financer l’acquisition d’un patrimoine privé par sa compagne » (Le Nouvel Obs).
Comble de la connivence et de la tache que constitue cette affaire : si Richard Ferrand est confirmé à ce nouveau poste, il retrouverait parmi les « Sages » du Conseil Véronique Malbec, à la tête du parquet de Brest en 2017. Cette dernière avait classé sans suite l’Affaire des Mutuelles de Bretagne. Elle a d’ailleurs été nommée au Conseil constitutionnel… par Richard Ferrand lui-même.
Pour aller plus loin : McKinsey : vidéo choc d’un homme évacué après avoir osé poser une question à Richard Ferrand
Nominations au Conseil constitutionnel : comment ça marche, quels sont les scénarios possibles ?
Les neuf membres du Conseil constitutionnel se renouvellent par tiers tous les trois ans, sur proposition du président de la République et des présidents des deux chambres du Parlement. Selon l’article 13 de la Constitution, le chef de l’État peut voir une de ses nominations refusée si l’addition des votes négatifs dans chaque commission des lois (Assemblée nationale et Sénat) représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Le total des membres des deux commissions des lois et égal à 122 parlementaires. Ainsi, 74 voix sur ces 122 peuvent bloquer la nomination de Richard Ferrand au Conseil constitutionnel.
Dès lors, trois scenarii se dessinent. Le Parlement peut adouber la candidature de Richard Ferrand et s’incliner devant le caprice du chef de l’État, trouvant normal d’y nommer un de ses plus fidèles soutiens. Ensuite, Richard Ferrand pourrait être « mal-nommé », comme le souligne Public Sénat. Il est possible qu’une majorité de députés et de sénateurs des deux commissions des lois s’opposent à sa candidature, sans que leur nombre atteigne les fameux trois cinquièmes. Sa légitimité politique, déjà bien mince, serait lourdement entachée, l’institution sérieusement décrédibilisée.
Enfin, il est possible que sa candidature soit tout simplement bloquée par le Parlement. À noter que les parlementaires ont déjà refusé des nominations provenant de l’Élysée. En avril 2023, « la nomination du maire LR de Charleville-Mézières, Boris Ravignon, à la tête de l’Agence et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) avait été rejetée par les députés et sénateurs », rappelle Public Sénat.
Quels sont les rapports en force au sein des deux chambres ? Le vote s’annonce serré pour l’ancien président de l’Assemblée nationale. Laurent Wauquiez, chef des députés LR à l’Assemblée nationale, affirme que le profil de « Richard Ferrand pose problème ». En effet, les députés LR voteront contre cette nomination. « Il y a plutôt une hostilité du groupe LR au Sénat », affirme un sénateur Les Républicains au Sénat. « On nous présente un ami intime du Président pour prendre la main sur le Conseil constitutionnel. (…) C’est révoltant ce niveau de déconnexion. C’est la démonstration de la République des copains », dénonce le sénateur LR Henri Leroy.
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« Le réflexe macroniste est de distribuer des faveurs à des candidats déchus pour les récompenser. Nous, insoumis, nous opposerons à cette nomination ! », souligne la députée LFI Gabrielle Cathala. La députée LFI Élisa Martin a lancé une pétition pour s’y opposer. Les groupes socialistes, écologistes et communistes ont déjà annoncé leur opposition à cette nomination. De même pour les députés du Rassemblement national. Richard Ferrand est auditionné ce mercredi à 8 heures 30 devant la commission des lois de l’Assemblée, puis à 11 heures devant celle du Sénat. Affaire à suivre de très près. Un blocage de la nomination de Richard Ferrand constituerait un véritable camouflet pour le chef de l’État.
Par Nadim Février
Crédits photo : ©Thomas Padilla/MAXPPP – 10/09/2019 ; Paris, FRANCE ; SÉANCE DE QUESTIONS AU GOUVERNEMENT DANS L’HÉMICYCLE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE. LE PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE, RICHARD FERRAND. (MaxPPP TagID: maxnewsworldfour915814.jpg) [Photo via MaxPPP], Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0, pas de modifications apportées.