Alexandre Allegret-Pilot. Il faut rendre à Jean-Marie Le Pen ce qui lui appartient : c’est bien lui qui a prononcé cette phrase, « je crois en l’inégalité des races », en 1996. Il poursuit sur sa lancée : « elles n’ont pas le même niveau d’évolution historique ». Le président de Front National (FN) reprend un vieux lieu commun raciste très utilisé lors de la période coloniale, où l’homme blanc s’en allait « civiliser » les populations africaines, asiatiques etc.
En 2002, le psychologue ouvertement racialiste Richard Lynn publie son essai IQ and the wealth of Nations (« le QI et la richesse des Nations »). L’auteur y dresse un lien entre la « race » et l’intelligence mesurée par le Quotient Intellectuel (QI, qui lui-même est largement remis en cause par les psychologues contemporains). Le livre est aujourd’hui rejeté de la communauté scientifique, mais ses effets dans les mentalités d’extrême droite sont durables.
Dans les années 2000 et 2010, une carte dérivée du livre de Lynn prétend dresser une différence de QI conséquente entre pays « Occidentaux », ou « du Nord », et ceux « du Sud ». Le but assumé est de mettre en avant une soi-disant supériorité intellectuelle et raciale entre « l’Occident » et les pays d’Afrique et du Moyen-Orient. C’est pour cela que la carte est beaucoup reprise à l’extrême droite, notamment sur les réseaux sociaux (malgré son manque de fondement scientifique).
C’est la même carte qui est reprise, en décembre 2024, par le député Alexandre Allegret-Pilot, élu dans le Gard. Cet ancien de LR, qui a suivi Eric Ciotti dans son alliance avec le RN aux dernières élections législatives, n’en est pas à son premier « écart » raciste et réactionnaire. Cet élu local savoyard a été parachuté dans le Gard, où il a battu l’Insoumis Michel Sala en juillet dernier. Mais ce qu’il fait de son mandat laisse perplexe. Notre article.
Alexandre Allegret-Pilot, un haut-fonctionnaire au passé trouble
Allegret-Pilot a pourtant tout pour plaire à droite et à l’extrême droite. Dans ses études déjà : élève dans un des lycées les plus bourgeois de Lyon, puis étudiant à l’ESSEC (seulement 20 000 euros par an !), une école de commerce, et diplômé de l’ENA (Ecole Nationale d’Administration).
En 2014-2015, il cofonde 4A, cabinet de conseil, qui délivre « toutes prestations de consulting dans le domaine du management, de l’ingénierie, des investissements de tous types ainsi que toutes activités s’y rapportant. ». Du bla-bla néolibéral, parfait pour ensuite se lancer en politique.
Avant d’être élu député, Alexandre Allegret-Pilot s’était déjà lancé dans la course aux honneurs. Deux jours avant son élection, il était haut-fonctionnaire à Bercy (le ministère de l’Économie). À ce titre, il est pointé par Le Monde pour avoir accordé un prêt de 1,3 million d’euros à une entreprise… qui n’existe pas. Derrière cet étrange prêt, se cache un soupçon d’escroquerie contre Allegret-Pilot.
Ces magouilles n’empêchent pas Allegret-Pilot d’avoir une carrière politique chargée. Au contraire, ses études et son statut bourgeois lui ont permis une ascension facile à droite.
Une ascension politique (presque) sans encombre
En 2020, il est élu conseiller municipal de la commune de Fillière (Haute-Savoie), sur une liste Divers Droite : à cette date, Allegret-Pilot n’est encarté dans aucun parti.
Il n’est pas plus encarté quand il mène, aux élections sénatoriales de 2020, une liste « Divers Droite », dans le même département. Sa liste y récolte 4 % des suffrages, ne remportant aucun sénateur.
Entre deux championnats de course en montagne (dont il est vice-champion de France), il est candidat aux élections départementales de 2021, sur le canton Annecy-3 (Haute-Savoie). Là encore sans succès : il ne recueille que 8,9 % des voix et n’obtient aucun élu.
En 2024, il est finalement parachuté dans le Gard, où il est élu député sous étiquette LR-RN. Il siège aujourd’hui dans le groupe UDR, présidé par Éric Ciotti. Aujourd’hui, dans sa présentation sur Twitter, il se décrit volontiers « en premier ligne face à l’extrême gauche ». Le notable savoyard de seconde zone s’est parfaitement mué en crapule fasciste encostumé.
Pourtant, derrière sa tête de gendre idéal, sa campagne n’a pas été de tout repos… ,sauf pour lui. D’après La Marseillaise, Allegret-Pilot a fait partie de ces nombreux candidats d’extrême droite absents de leur propre campagne. L’intéressé ne s’est montré dans le Gard qu’au moment du premier tour.
Une fois élu, le nouveau député a dû engager des assistants. Il se trouve que l’un d’eux, Nathan Casano, avait été candidat aux élections législatives à Nîmes en 2022. Il a depuis été condamné à l’inéligibilité pendant 3 ans par le Conseil constitutionnel. La raison ? Il n’avait simplement pas déclaré de compte de campagne, comme la loi l’y oblige.
Autre coup dur pour lui : la perte de son compte Twitter pendant les élections. Le nouvel élu plaide que son compte a « sauté » suite à une vague de harcèlement et de signalements. Mais beaucoup y ont vu une manœuvre de… Allegret-Pilot lui-même. Ses publications, rapporte La Marseillaise, regorgent de propos misogynes, transphobes et racistes.
La parité ? « Une régression » ! L’inscription de l’IVG dans la Constitution, initiée par les Insoumis ? « Une mascarade » ! La députée écologiste Sandrine Rousseau dénonce une publication qui la traite de « Salope » ? Allegret-Pilot considère qu’elle exagère et qu’elle réclame « la peine de mort ».
Allegret-Pilot donne aussi dans la transphobie la plus crasse. Sous un article de Mediapart traitant de médecins prenant en charge des enfants, Allegret-Pilot les compare à des « médecins nazis ». Il doit ignorer les nombreux crimes transphobes commis par son propre camp politique, plus proche des nazis qu’il ne semble croire.
Pour aller plus loin : Netanyahu sur CNEWS : Rima Hassan a raison, les médias auront des comptes à rendre
D’autant plus proche que le député du Gard donne aussi dans le racisme et la xénophobie. Il propose notamment à l’eurodéputée Insoumise d’origine palestinienne Rima Hassan un « aller simple ». De la même manière qu’il demande à une journaliste algérienne travaillant en France « que faites-vous en France ? ».
Oui, Alexandre Allegret-Pilot avait bien des choses à dissimuler sur ses réseaux sociaux.
Un homme aux convictions racistes
On pourrait même dire « racialiste », c’est-à-dire qu’il donne un vernis et une justification intellectuelle voire pseudo-scientifique à la hiérarchie des races qu’il dessine. Cette « tradition » racialiste, Allegret-Pilot s’inscrit pleinement dedans en réutilisant la « carte des QI », très répandue à l’extrême droite, comme l’a révélé Mediapart.
Contacté par Mediapart suite à l’utilisation de cette carte, le député UDR se contente de la trouver « intéressante ». Il assume « ne pas s’intéresser » de sa provenance. Il pousse la provocation en prétendant s’intéresser aux chiffres des pays asiatiques, pas à ceux qui décrivent les populations africaines comme « moins intelligentes » que les autres. Doit-on conclure que pour lui, on peut être raciste envers les populations asiatiques ?
Alexandre Allegret-Pilot illustre très bien la radicalisation de sa classe sociale. En regardant le début de sa carrière, on pourrait croire à un modèle de bourgeois qui a parfaitement intégré les dogmes néolibéraux : école de commerce à 20 000 euros l’année, cofonde un « cabinet de conseil » en management, s’est fait la main à quelques élections locales… Il aurait fait un parfait macroniste.
Seulement, depuis quelques mois, le macronisme ne garantit plus une carrière à ces rejetons d’école de commerce. C’est au contraire l’extrême droite qui a le vent en poupe dans cette population, et pas n’importe laquelle. Si le RN se donne encore l’image d’un vernis « social » (qui est déjà un enfumage), l’UDR de Ciotti ne s’encombre pas d’apparence. Ciotti ne cache pas son admiration pour le Président argentin, le libertarien Milei.
Il n’y a en fin de compte rien de surprenant à voir ce jeune homme bien sous tout rapport se fondre dans son environnement naturel : l’extrême droite raciste, réactionnaire et ultra-libérale. Alexandre Allegret-Pilot, c’est la bourgeoisie qui s’ensauvage.
Par Alexis Poyard
