À Paris, une soirée en non-mixité a été visée par une attaque aux airs d’attentat masculiniste. La soirée du 31 octobre 2024 a tourné à l’horreur pour des femmes réunies lors d’une soirée organisée par La Bringue.
La Bringue a développé des soirées en non-mixité féminine en 2019. Depuis, elles connaissent un véritable succès et elles s’organisent dans plusieurs villes de France (Paris, Montpellier, Bordeaux, Strasbourg) et même en Belgique. Elles partent d’un constat, rappelé par la DJ Kallmeanee, qui mixait durant la soirée. « Ça m’horrifie de voir qu’on est en sécurité nulle part, et ça confirme pourquoi on ressent le besoin d’organiser des soirées par nous et pour nous ».
Dans la nuit du 31 octobre au 1ᵉʳ novembre 2024, a eu lieu le cauchemar qui aurait pu virer au drame absolu. Des mortiers d’artifices ont été tirés en direction d’une cinquantaine de femmes qui étaient à la terrasse du 211, lieu où se déroulait la soirée de la Bringue ce soir-là. Notre article.
Au soir d’Halloween, une soirée en non-mixité visée par un attentat masculiniste
Yasmine (le prénom a été modifié), présente au moment des faits avec ses amies, raconte qu’elles ont entendu des explosions qui se sont peu à peu rapprochées. Jusqu’à ce que des pétards soient tirés en direction de la zone pour les fumeuses. Elles ont tout d’abord pensé que les tireurs avaient mal visé. Puis un deuxième pétard est arrivé en plein milieu de la zone. Elles comprennent qu’elles sont délibérément visées.
N’ayant plus de doute sur cette attaque misogyne, elles se retrouvent bloquées et ne peuvent pas fuir. Elles se protègent tant bien que mal en attendant que les tirs cessent. Yasmine affirme qu’elles ont dû recevoir trois ou quatre mortiers, mais que le temps leur a paru incroyablement long. Yasmine regrette que la sécurité, celle du Parc de la Villette et celle spécialement mobilisée pour La Bringue, ne soient pas intervenues directement. Heureusement, aucune femme n’a été grièvement blessée.
Cette attaque interroge sur sa nature et son ampleur. Mais aussi sur la volonté de ses auteurs. Les différents témoignages des femmes présentes au moment des faits évoquent la présence de 4 hommes qui ont directement tiré des mortiers d’artifices en les visant.
Pauline Ferrari, journaliste chez Politis, parle d’attentat masculiniste. N’a-t-elle pas raison ? Ne devrait-on pas employer les termes les plus justes, afin de cesser de minoriser ou de banaliser ces attaques sexistes ? Si tous les attentats sont des attaques, toutes les attaques ne sont pas des attentats. Un attentat se différencie d’une attaque en ce qu’il est généralement prémédité et qu’il vise à atteindre un but politique et idéologique en instaurant un climat de peur.
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Ci-dessus, le communiqué publié sur Instagram par la Bringue à la suite de la soirée


L’idéologie masculiniste ne supporte pas la libération et l’épanouissement des femmes
L’attentat implique donc une dimension de terreur motivée par des raisons politiques. Ici, la raison est très probablement la non-mixité des soirées.
Les réseaux masculinistes se déploient de plus en plus en France et partout dans le monde. Les hommes présents dans ces réseaux partagent la même haine des femmes. Ils produisent des discours sexistes et vont jusqu’à parfois organiser des actions ultra-violentes.
Les plus radicaux des hommes masculinistes sont appelés les « involuntary celibates » plus connus sous le nom « d’incels » (ce mot vient des États-Unis). Ces hommes estiment que leur célibat est la faute des femmes. Ils maudissent le féminisme et déploient toute leur énergie pour que les femmes leur soient entièrement soumises. Les incels les plus dangereux commettent des attentats. Ils tuent des femmes uniquement en raison de leur genre.
Dans le cas de l’affaire de La Bringue, les hommes prêts à commettre des attentats masculinistes sont frustrés de voir que des femmes s’amusent très bien sans eux ; qu’elles s’organisent pour passer des soirées qui ont davantage le goût de la liberté. Ils ne le tolèrent pas.
Si aucune blessée grave n’est à déplorer pour cette soirée du 31 octobre à Paris, les dégâts psychiques sont considérables. Yasmine déclare passer des soirées qu’entre filles parce qu’elles sont bienveillantes et parce qu’elle a gardé des séquelles dues à l’insistance d’un homme en boite de nuit lorsqu’elle était plus jeune. Elle témoigne de l’état de choc ressenti par l’ensemble des femmes victimes de cet attentat.
La Bringue a dit sa détermination à poursuivre l’organisation de ses soirées : « cette attaque ne fait que renforcer notre détermination à continuer de faire la fête entre filles, et ça nous rappelle à quel point les espaces en non-mixité sont nécessaires. Il est particulièrement important de ne pas succomber à la peur ou à l’intimidation ». Quand malgré la terreur que les hommes infligent, les femmes continuent de danser, c’est qu’ils ont déjà perdu.
Par Anaëlle Boutault-Mlekuz