macron le pen RN Assemblée nationale

À l’Assemblée nationale, le RN et les macronistes se renvoient l’ascenseur

À l’Assemblée nationale, la députée Aurélie Trouvé vient d’être élue Présidente de la commission des affaires économiques. Une victoire qui fait échec aux renvois d’ascenseurs entre RN et macronistes à l’Assemblée nationale, lesquels se sont illustrés, une énième fois, la semaine dernière à l’Assemblée Nationale. Mercredi 2 octobre, les députés ont élu la présidence et le bureau de deux commissions (celle aux droits de l’enfant et aux droits des femmes), et le lendemain celles de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Si ces désignations peuvent sembler anodines, leur manque de couverture médiatique ne doit pas cacher un phénomène inquiétant. Un étrange jeu de chaises musicales s’est joué entre le Rassemblement national et macronistes.

En effet, même hors caméra ou loin des scrutins parlementaires au retentissement national, le rapprochement entre les macronistes et l’extrême droite se fait en coulisses, dans les couloirs de l’Assemblée. Non content d’avoir empêché la destitution d’Emmanuel Macron en votant contre la motion en commission des lois, et en ne votant pas hier la motion de censure qui aurait pu renverser le gouvernement, le RN a voté pour les candidats macronistes aux postes des bureaux de ces commissions. Les mêmes macronistes, en bons démocrates, ont renvoyé l’ascenseur au parti lepéniste en votant… pour les candidats de ce même parti pour d’autres postes. Notre brève.

En Délégation des Droits de l’Enfant (DDE), les politesses entre RN et MoDem

Au dernier tour de l’élection de la présidente de la DDE, c’est la députée MoDem Perrine Goulet qui est élue à la tête de la délégation face à l’Insoumise Marianne Maximi. En réalité, l’élection s’est jouée dès le tour précédent : la candidate RN Caroline Parmentier n’a recueilli aucune voix au second tour, même de la part de ses députés.

Trahison du parti lepéniste envers sa candidate ? Pas du tout ! Parmentier et ses députés ont tout simplement fait élire la candidate macroniste. Ainsi Goulet, qui avait reçu 9 voix sur 31 au 1er tour, en a d’un coup reçu 6 de plus au 2e tour (pile le nombre de voix RN au 1er tour…). Une voix en plus au 3e tour a finalement fait élire Goulet, avec les voix du Rassemblement National.

Même procédé pour l’élection de la secrétaire de la DDE, la MoDem Sophie Mette, élue face à LFI grâce aux voix du parti de Marine Le Pen.

Ce genre de faveur appelle évidemment à d’autres faveurs en retour. Le dernier tour de l’élection à la vice-présidente de la DDE opposait encore une fois Marianne Maximi (LFI) et Caroline Parmentier (RN). Comme ils sont bien élevés, les députés macronistes ont renvoyé l’ascenseur qui a permis à l’une des leurs de prendre la présidence de la délégation. Le résultat a été de 13 voix contre 13. Le règlement de l’Assemblée donnant une primauté à la candidate la plus âgée, c’est la candidate RN qui a remporté l’élection…avec les voix des macronistes.

Pour aller plus loin : Sur France 2, Manuel Bompard incarne l’alternative au système Macron Le Pen

L’élection à la délégation droit des femmes (DDF) : le RN vole (encore) au secours des macronistes

Dans cette autre délégation, on a pu voir la même troublante proximité entre ces deux meilleurs ennemis. Au troisième tour de l’élection à la présidence de la DDF, le candidat d’extrême droite, Emmanuel Taché de la Pagerie, a comme par magie retiré sa candidature. Les voix de l’extrême droite se sont alors reportées comme un seul homme sur la candidate macroniste, V. Riotton, qui a donc été élue présidente de la DDF. Le plan se déroule comme prévu, et Taché de la Pagerie attend un retour de faveur en se faisant élire vice-président de la délégation.

Toutefois, c’est l’Insoumise Sarah Legrain qui est élue à ce poste. Elle a en effet bénéficié des voix des élus du NFP, tandis que les macronistes se sont abstenus. Cette défaite n’a pas du tout plu à Taché de la Pagerie. À la présidente et au bureau (féminin) de la délégation, il a souhaité une « bonne partouze » révélant toute la classe (ou crasse…) misogyne dont il est capable. Dans la foulée, V. Riotton a annoncé saisir le bureau de l’Assemblée Nationale en vue de sanctions.

Reste que les voix des macronistes et du RN sont très « nomades » quant à l’élection des bureaux des délégations parlementaires. Mais l’alliance entre les deux saute aux yeux. Un dernier exemple de cette union des droites dans les couloirs de l’Assemblée s’est vu à l’élection du vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Le député Horizons Pierre Henriet a été élu à ce poste… Là encore avec les voix du Rassemblement National !

Ce sont ce genre de petits renoncements par le bloc macroniste qui abîment le cordon sanitaire et participent à l’extrême droitisation du pays. Bien sûr, l’alliance Macron-Le Pen se voit surtout dans les médias ou par des votes importants. Le RN refuse de destituer Macron, refuse de censurer le gouvernement Barnier ce mardi 8 octobre 2024, les macronistes font élire le RN Chenu comme vice-président de l’Assemblée Nationale, la loi immigration votée par toutes les droites… Mais cette alliance passe aussi par de petits arrangements en coulisses comme ceux-là : on se rend service, on fait élire ses copains, on collabore…

Ce cordon sanitaire contre l’extrême droite a déjà été fragilisé (pour ne pas dire brisé) dès 2022/2023, quand Chenu est devenu vice-président de l’Assemblée face à la NUPES, ou quand pour la première fois des députés MoDem ont cosigné un amendement avec le RN. Ainsi ceux qui accusent la gauche de faire monter l’extrême droite par ses « excès » sont les premiers à aller copiner avec le RN, à se partager le gâteau et les postes avec lui. Le pire étant que ces macronistes sont persuadés de faire un bon coup, ils sont peut-être sûrs que leurs petits coups politiciens feront reculer le RN.

En réalité, en s’acoquinant avec le RN, ils se rendent redevables de l’extrême droite, en dépendant d’elle pour décrocher des postes, en la légitimant toujours davantage.

Par Alexis Poyard