Patrick Hetzel enseignement supérieur

Homophobie, « wokisme » et casse de l’Université – Portrait de Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur

Patrick Hetzel. Âgé de 60 ans, député de la 7ᵉ circonscription du Bas-Rhin depuis 12 ans, investi par l’UMP, UDI, LR et LDR, proche du grand patronat, obsédé par le wokisme et l’islamo-gauchisme, critiqué vivement pour sa réforme néolibérale des universités et ses positions conservatrices sur les questions sociales, Patrick Hetzel a obtenu la direction du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR), au sein du gouvernement Barnier. Une nouvelle inquiétante. Portrait.

De l’UMP à LR, de Sarkozy à Barnier : Hetzel, toujours fidèle à la droite

À la base, rien ne prédestinait l’homme à autre chose que la recherche de profits. Diplômé d’une école de commerce avant d’obtenir un doctorat en sciences de gestion, il devient alors enseignant-chercheur sur les thématiques de la gestion de l’innovation et développement de produits, le marketing et la distribution. Et pourtant… Proche de Fillon, dont il devient l’un des porte-paroles lors de la présidentielle de 2017, il doit à ce dernier une bonne part de son expérience au sein de ce ministère. Fillon, alors ministre de l’Éducation nationale sous Chirac, le nomme recteur d’académie de Limoges de 2005 à 2007.

Puis, devenu premier ministre sous Sarkozy, il en fait son « conseiller éducation, enseignement supérieur et recherche » de 2007 à 2008. Hetzel secondera ensuite Valérie Pécresse jusqu’en 2012 au poste de directeur général pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle au ministère de l’ESR. Une autoroute toute tracée pour en faire le chancre de la privatisation des universités comme nous le verrons plus tard.

Ses quatre mandats de député de 2012 à 2024 seront pour lui l’occasion de monter discrètement quelques échelons au sein de l’UMP puis des Républicains. Proche de Barnier également, il sera un de ses principaux soutiens lors des primaires LR en vue des présidentielles de 2022. En 2024, de la recherche et de l’enseignement, il n’en fait plus depuis longtemps, mais qu’importe, son vieil ami Michel Barnier le nomme ministre de l’ESR en toute connaissance de cause, car ce n’est pas ce qu’on attend de lui.

Afin de mieux comprendre l’homme et sa politique à venir, intéressons-nous à ses travaux et prises de positions durant ses différents mandats.

Pour aller plus loin : Le gouvernement Barnier, une bourgeoisie affairiste et ultra-réactionnaire s’empare des ministères

En 2006, premier coup de canif planté dans les universités

En 2006, il rédige un rapport qui sera à l’origine de la future loi LRU pour Dominique de Villepin. Au travers de cette loi, l’État transfère la responsabilité du budget et des ressources humaines à la direction des établissements universitaires, elle prévoit aussi de les rendre propriétaires de leurs biens immobiliers et d’en assurer la maintenance. Elle est très largement critiquée par la plupart des organisations étudiantes, les enseignant·es, ainsi que par les président·es d’université.

Bilan des courses ? Malgré ce qu’affirme une communication enthousiaste et teintée d’aveuglement idéologique sur son bilan par le Sénat 5 ans plus tard[1], de nombreuses universités seront mises en difficulté, menacées de fermeture en raison de budgets intenables et du sous-financement chronique engendrant la mise sous tutelle rectorale de plusieurs d’entre elles. Le manque d’investissement financier obligera les universités à geler des postes, fermer des filières, augmenter les frais d’inscription, réduire les heures de cours des étudiant·es ou cesser les investissements dans la recherche notamment.

La communauté universitaire se montrera unanime et dénoncera que le transfert de charges de l’autonomie a été supérieur aux moyens accordés par l’État. S’en suit inévitablement une perte d’indépendance et c’est là l’autre effet pervers de la réforme: la dépendance aux financements privés conduisant à proposer des formations sur mesure à des étudiant·es corvéables à merci par les entreprises.

« Même les plus favorables à l’autonomie dénoncent aujourd’hui l’investissement financier insuffisant », écrivait ainsi Anne Fraïsse, présidente de Montpellier 3. [2] Seize ans plus tard, loin de s’adapter comme le suggérait le rapport sénatorial, rien n’a changé, les président·es d’universités, affirment qu’ « en 2022, 15 universités étaient en déficit sur leurs comptes financiers. En 2023, il y en avait 30. Pour 2024, il y en a 60 sur 74 qui ont voté un budget initial en déficit ». [*] Un modèle de réussite comme on en voit peu !

Homophobie, opposition à la PMA et à la constitutionnalisation de l’IVG

En 2013, membre de « L’entente parlementaire pour la famille », groupe informel constitué de 150 élu·es de la droite la plus réactionnaire, il s’oppose au mariage pour tous [3]. En 2016, il préside le colloque d’une association d’extrême droite, SOS Éducation, portant sur « l’autonomie des écoles » sa grande marotte.[4][5] Le 15 mars 2021, il coécrit une tribune dans Le Figaro avec plusieurs député·es LR pour justifier leur vote et le refus d’inscrire le principe de préservation de l’environnement, de la diversité biologique et de lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution. [9]

Il s’oppose aussi à la PMA (procréation médicalement assistée) qui représente de « multiples franchissements de lignes rouges éthiques » en 2021. Idem pour la constitutionnalisation de l’IVG et l’allongement du délai légal d’avortement [10]. En avril 2021, il est accusé d’obstruction parlementaire avec d’autres député·es LR pour avoir déposé un nombre effarant d’amendements à la proposition de loi sur la fin de vie qui fait pourtant consensus[11]. Plus de 500 sur les 2300 déposés par les députés LR sont de lui. La loi sera rejetée par le Sénat.

Hetzel contre les étudiants et le « wokisme » à l’université

En 2023, échec d’une proposition de loi qu’il porte avec d’autres député·es LR à
l’assemblée, visant à faire de l’occupation et/ou du blocage des universités une infraction
pénale[12]. Les contestations étudiantes à venir sont prévenues !

Début 2024, chaussant les patins de l’extrême droite et de l’ex ministre de l’ESRFrédérique Vidal – qui aurait mieux fait de s’occuper de la précarité grandissante des étudiant·es sous son mandat[14], toujours plus loin dans le prisme réactionnaire, il accuse d’autres député·es d’être « les larbins de l’idéologie du Planning familial », et le garde des Sceaux d’être « sous l’emprise de l’idéologie wokiste ».

Avec la députée LR Michèle Tabarot il propose la création d’une « commission d’enquête relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur » [13]. Du délire total. La même année, il se montre toujours aussi enragé contre le projet de loi sur la fin de vie relancé en avril par le gouvernement, recourant au dépôt massif de 549 amendements pour ralentir l’examen du texte, finalement abandonné en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Désormais ministre, en marche pour continuer la destruction de l’enseignement supérieur

Lors de sa prise de fonction, Hetzel indique qu’il s’attachera à la réforme de la formation initiale des enseignant·es, à la régulation de l’enseignement supérieur privé, à l’acte 2 de l’autonomie des universités ou encore à la réforme des bourses.

Il faut s’y attendre donc, vu son pedigree, outre son rapport à la science plus que contestable, l’homme va chercher à poursuivre la casse de l’université. Intolérant aux idées progressistes en bon conservateur réactionnaire, les étudiant·es qui se mobiliseront contre les réformes à venir, et contre leur précarité toujours croissante feront l’objet d’une répression probablement des plus virulentes.

Les sciences humaines en horreur parce qu’elles remettent en doute sa conception rétrograde d’un monde asservi par le marché n’auront pas plus la part belle que la recherche qui échappe encore à son contrôle. Sans surprise, Patrick Hetzel est Macron-compatible, il n’a voté aucune des motions de censure contre ses gouvernements, tout autant que RN compatible dont les idées homophobes, sexistes ou xénophobes sont très proches.

Mais après tout, entre la Macronie, LR et le RN… L’union des droites est consommée, mieux vaut Hitler que le Front Populaire ! Son expérience, son prisme de lecture politique réactionnaire et son aveuglement idéologique en font le champion idéal pour conduire au nom d’un gouvernement qui insulte la démocratie française par sa seule existence, sous le regard bienveillant du RN, l’accélération de la casse des services publics.

L’homme providentiel pour continuer de réduire l’autonomie et les moyens dont disposent les derniers espaces de formation à l’esprit critique d’une idéologie néolibérale de plus en plus autoritaire, en lutte afin de conserver les intérêts des classes dominantes désavoués par le peuple lors des dernières élections.

Par A.G.

[1] https://www.senat.fr/rap/r12-446/r12-446-syn.pdf

[2] https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/bilan-du-quinquennat-sarkozy-la-loi-lru-sur-lautonomie-des-universites-1.html

[*]https://www.sudouest.fr/politique/education/60-universites-francaises-en-deficitbudgetaire-cette-annee-l-inquietude-grandit-chez-les-presidents21467454.php?csnt=19230a6bea3

[3] https://etudiant.lefigaro.fr/article/etudes/patrick-hetzel-un-ministre-de-l-enseignement-superieurentre-dialogue-et-tradition-20240921/

[4]https://www.liberation.fr/societe/2006/11/06/sos-education-en-croisade-pour-le-retour-a-l-ecole-dantan_56429/

[5]https://www.liberation.fr/societe/2003/04/01/sos-education-attention-danger_460300/

[6]https://politique.pappers.fr/amendement/n000104-loi-financement-securite-sociale-2019-
AMANR5L15PO717460B1408P0D1N000104

[7] https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/25/covid-19-la-chloroquine-a-t-elle-eteutilisee-pour-soigner-les-malades-en-chine_1782990/

[8]https://factuel.afp.com/doc.afp.com.32WG98T

[9]https://www.lefigaro.fr/vox/societe/inscrire-la-protection-de-l-environnement-dans-la-constitutionpourquoi-nous-disons-non-20210315

[10]https://www.patrick-hetzel.fr/constitutionnalisation-du-droit-livg-le-4-mars-2024

[11]https://www.la-croix.com/France/Euthanasie-3-000-amendements-deposes-deputes-LR-misentlobstruction-2021-04-04-1201149293

[12]https://www.liberation.fr/politique/patrick-hetzel-a-lenseignement-superieur-unconservateur-chantre-de-lautonomie-de-luniversite20240922_2EC7KTUQB5DHHNZK4F7IVF4VKQ/

[13]https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2528_proposition-resolution

[14]10 choses à savoir sur Frédérique Vidal, la ministre qui a lancé la polémique sur « l’islamogauchisme » (nouvelobs.com)