Mélenchon PABLO I

Le Lawfare en Espagne et en France : mêmes méthodes, mêmes cibles

Lawfare. L’Insoumission et le média espagnol Diario Red s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours en France, en Espagne et en Amérique du Sud. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et de Diario Red.

Pour ce nouvel article, nos deux médias publient une vaste enquête sur la guerre médiatique menée contre Jean-Luc Mélenchon, pour la France insoumise, et Pablo Iglesias, pour Podemos en Espagne. S’inspirant des exemples des droites latino-américaines, l’officialité médiatique a réagi à la popularité de ces formations politiques, inquiétantes pour l’ordre économique établi, en lançant des campagnes de dénigrement médiatique massives, sur la base de fausse nouvelles, en s’appuyant sur une partie des institutions judiciaire et policière.

De l’invention par les médias d’un compte de Pablo Iglesias au paradis fiscal des Ile Grenadines qui aurait été alimenté par Nicolas Maduro jusqu’aux Unes en série du journal Le Monde (et bien d’autres) contre Mélenchon, en passant par les convocations pour apologie de terrorisme des insoumis, quels sont les procédés de dénigrement utilisés par les médias et les institutions contre la gauche de rupture ? Quelles sont les similarités et comment se déploient-ils dans le temps pour que les fausses nouvelles fabriquées à la chaîne atteignent l’objectif de salissure ? Notre enquête.

Le « Lawfare » contre Podemos

Le 4 mai 2021, Pablo Iglesias, à l’issue de la victoire d’Isabel Díaz Ayuso, la candidate de la droite radicale, aux élections autonomiques de la région de Madrid, annonçait son retrait définitif de la vie politique institutionnelle d’Espagne. Dans son dernier discours, il déplorait, ému , « avoir été converti en bouc émissaire de tous ceux qui détestent la démocratie », à l’issue d’une campagne de harcèlement sans limite, associant juges, policiers et médias. Podemos a indéniablement payé les frais de cette stratégie de démolition politique multidimensionnelle, connue sous le nom de « lawfare » : la cote de popularité de ses leaders en a souffert, de même que les résultats électoraux.

Cinq ans plus tôt, en 2016, la coalition Unidos Podemos est aux portes du pouvoir. Face au risque de l’arrivée au pouvoir d’un parti qui prévoit de nettoyer la corruption institutionnelle de la cave au grenier, et de remettre en cause les privilèges des plus riches, la classe dominante s’affole. Elle cherche à détruire la réputation de l’homme politique nouvellement le plus populaire d’Espagne, et à mettre en pièces son parti. Instrumentalisation des divisions internes, attaques personnelles d’une rare violence, invention de fausses affaires de corruption : rien ne sera épargné à la jeune formation antisystème.

Huit ans plus tard, le bipartisme est encore présent, la révolution politique promise par Podemos semble, aux premiers abords, avoir fait choux blancs. Cependant, la campagne de lawfare n’a pas permis de mettre un terme à la progression des idées du parti de Pablo Iglesias, qui a obligé le vieux Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) à prendre en compte certaines revendications populaires, jusqu’à ce que le système ne le rappelle récemment à l’ordre. Comment la classe dominante s’y prend-elle pour détruire des formations politiques progressistes qui promettent de remettre en cause ses intérêts ? Que peut nous apprendre ce coup de force inédit contre Podemos du cas français, où une autre force de rupture, la France Insoumise, est dans le viseur du système ?

Podemos : une croissance fulgurante dans un contexte de décrédibilisation du monde politique

L’affaire remonte à 2014. Podemos, la jeune formation de Pablo Iglesias, vient de susciter la surprise en remportant 8 % des votes aux élections européennes, au terme d’une campagne dépourvue de moyens et de soutien médiatique. Le public espagnol découvre alors un jeune professeur d’université, au look iconoclaste dans un monde politique sans saveur, brillamment dénoncer l’incurie du monde politique et du milieu d’affaire ibérique sur les plateaux de télévision.

L’Espagne est alors un pays ruiné et plongé dans la misère. À l’issue d’une gestion austéritaire désastreuse des gouvernements socialistes de José Luis Rodríguez Zapatero
(2008-2011) et du conservateur Mariano Rajoy (2011-2018), le taux de chômage se rapproche
des 30 %, et même de 70 % pour les jeunes qui ne sont pas partis à l’étranger. Plus de 20 % des Espagnols vivent sans aucun revenu déclaré, ni même une allocation chômage. Le taux de pauvreté explose et un million de personnes sont expulsées de leur logement pour loyers impayés. Le modèle néolibéral espagnol, promu par les deux spectres du monde politique, fondé sur la dérégulation du marché immobilier pour gonfler le secteur de la construction, vient de s’effondrer sous l’effet de la crise des subprimes.

Au même moment, les multiples affaires de corruption, monnaie courante dans le pays lors de cette période faste, sont dévoilées au grand jour. Un riche banquier, ancien haut fonctionnaire du Trésor, comparait piteusement devant le congrès catalan après qu’il ait mis en faillite Bankia, la banque qu’il avait privatisée avant d’en prendre la tête, emportée par la vente de titres frauduleux ayant entraîné la ruine de milliers de retraités. Les trains de vie dispendieux des politiciens des principales villes méditerranéennes, ainsi que de la famille royale espagnole : le peuple découvre qu’ils avaient été alimentés par des processus sophistiqués de détournement de fonds publics aux frais du contribuable.

Comble de l’abjection, la presse diffuse un PowerPoint que le Parti Populaire (PP) de la région valencienne exposait dans ses écoles de formation à destination de ses élus, dans lequel il enseignait comment détourner de l’argent public.

L’Espagne appauvrie est écœurée de sa classe dominante. Elle prête de plus en plus oreille aux discours de ce professeur issu de la classe moyenne, sans pouvoir ni argent, mais qui entend bien, avec une équipe de brillants intellectuels et communicants, mettre à bas un système de plus en plus honni. Prise de panique, la classe dominante improvise et dénonce une bande d’aventuriers prêts à ruiner le pays avec des recettes « communistes » inspirées du Venezuela. Insuffisant pour convaincre au-delà de l’électorat droitier une population déjà appauvrie et écœurée. Pire, ce même peuple soutient massivement les revendications du 15-
M, à 80 % selon divers sondages, en faveur d’une meilleure répartition des richesses et de la fin des privilèges de la classe politique.

Incapable de convaincre, comprenant qu’elle vient de perdre la jeunesse d’Espagne, la classe dominante se réorganise stratégiquement dans une contre-attaque visant à démobiliser ou disperser le potentiel électoral de Podemos. Une stratégie à double tranchant se déploie : tout d’abord, la création d’une fausse force progressiste « jeune » et anti-corruption, mais parfaitement alignée derrière le dogme néolibéral, Ciudadanos d’Albert Rivera, et deuxièmement, la mise en place d’une campagne médiatique bien huilée de harcèlement et de démobilisation.

Objectif : stopper net la croissance de Podemos

La préoccupation qui a poussé les jeunes Espagnols à se mobiliser pour Podemos était essentiellement le dégoût de la corruption des plus riches et de la classe politique, au moment où eux-mêmes étaient appauvris par une crise économique causée par une mauvaise gestion du prétendu « camp de la raison » néolibéral. La corruption politique s’affichait, en 2015, comme la première préoccupation des Espagnols, de loin. Podemos était alors considéré comme le parti le plus à même de répondre à cette préoccupation.

Cela fut compris de la classe dirigeante, qui, à destination de l’électorat qui lui était hostile, présenta la thèse suivante : « Podemos est à l’image de toute la classe politique, corrompu et
profiteur ». Comment corroborer cette affirmation mensongère ? À partir de 2016, les médias
espagnols, de tous bords, multiplièrent les sorties de prétendus cas de « corruption » et de
détournement d’argent public impliquant les leaders du parti. Pour donner plus de crédit à des accusations graves et mensongères, ils eurent recours au soutien de la police et de l’institution judiciaire, dont la collaboration à ce processus de lawfare fut décisive à la démolition du parti de Pablo Iglesias.

Ce processus a également dévoilé une complicité inédite entre des médias de tous types, y compris progressistes, et de nouveaux médias en ligne d’extrême droite, prêts à diffuser des « fake news » salissantes : dans la guerre contre la gauche progressiste, chaque partie prenante joue un rôle défini et précis, et ne saurait être prise indépendamment des autres.

Dès janvier 2015, les sondages indiquaient que Podemos semblait être sérieusement en
mesure de prendre le pouvoir. Les médias de droite, appuyés également par ceux proches du
Parti Socialiste, lancèrent une campagne visant à effrayer l’opinion sur le risque d’une prise
de pouvoir par un parti inspiré par le « castro-chavisme ». Au cours de l’année, ce ne sont pas
moins que des dizaines d’unes et d’heures de télévision et de radio qui furent consacrées à la
situation vénézuélienne.

Cette campagne parvint à remobiliser l’électorat de droite qui avait massivement déserté les urnes et à maintenir le Parti Populaire – sans majorité – au pouvoir, mais n’empêcha pas Podemos de dépasser les 20 % des votes, et échoua donc à démobiliser suffisamment son électorat jeune et populaire.

En 2016, Podemos se coalisa avec la coalition communiste Izquierda Unida pour former Unidos Podemos. La coalition, donnée à presque 30 % dans les sondages, est aux portes du
pouvoir, la classe dominante panique et cherche à trouver une parade pour contrer l’ascension de la jeune coalition de gauche.

L’implication de la police, des juges, mais aussi de la presse dite progressiste dans le Lawfare

Quelques jours après le résultat historique atteint par Podemos aux élections législatives de 2015, et le blocage parlementaire qui s’en suivit, apparurent les premiers scandales politicojudiciaires contre Podemos. Le schéma suivi est assez simple : une dénonciation crapuleuse contre le parti, en général issue d’une personnalité, d’une association ou d’un média d’extrême droite, est relayée par la presse, dans des journaux allant de la droite au centre-gauche.

On apprendra que celle-ci a été fomentée en collaboration avec des policiers corrompus proches de réseaux néofascistes, qui inventent littéralement de fausses preuves afin de corroborer le scandale ! Sur la base de ces informations frauduleuses, la police décide de saisir un juge pour ouvrir une enquête. Le juge en question, membre d’une association judiciaire conservatrice, fait délibérément durer le dossier pour que la presse en fasse ses choux gras. Au moment où l’affaire a suffisamment terni l’image de la victime, celle-ci est
archivée, faute de preuves, dans l’indifférence générale. Pendant ce processus, qui s’étale sur plusieurs années, le parti ciblé est traîné dans la boue de sorte que sa base électorale se démobilise et que ses militants entrent dans une période de doute.

Ces méthodes d’intimidation, connues sous le nom de lawfare, sont bien connues des militants de gauche, qui les subissent quels que soient leurs pays. En France, c’est sur la base de la dénonciation calomnieuse d’une ancienne députée du Front National, Sophie Montel, que le pouvoir lança des perquisitions contre 17 locaux de la France Insoumise afin d’enclencher une campagne médiatique pour salir l’image du mouvement et de son leader. Mais c’est bien de l’autre côté des Pyrénées qu’elles se sont déployées, du moins jusqu’à une période récente, avec la plus grande violence.

Ainsi, moins d’un mois après les élections législatives de décembre 2015, alors que le pays subit un blocage parlementaire et que la convocation très prochaine de nouvelles élections
s’impose comme une évidence, le média d’extrême droite OKDiario dévoile le rapport
P.I.S.A. (Pablo Iglesias Société Anonyme) qui accuse le leader de Podemos de blanchiment d’argent, fraude fiscale et financement illégal de parti politique. Le pseudo-rapport va même
jusqu’à affirmer que le régime iranien a apporté sa contribution au financement de la jeune
formation politique. Loin d’être renvoyée au rang des « fake news » par les fact-checkers professionnels, cette information fait le tour des médias.

Pire, sous ce prétexte, l’unité de lutte contre la criminalité économique et fiscale de la police nationale, uniquement sur la base d’une couverture médiatique mensongèr , déposa deux plaintes contre les dirigeants de la troisième force politique du pays : l’une auprès d’un tribunal réprimant la fraude financière, l’autre auprès de la Cour suprême. En juin 2016, le magistrat Alejandro Abascal, alors juge suppléant au tribunal central d’instruction, affirma dans un arrêt que la succession des faits rapportée dans ce « supposé rapport de police » était dénuée « de toute valeur indicative en tant que commencement de preuve ».

De plus, il concluait que le document n’avait aucune valeur en le décrivant comme « un ensemble désordonné de reproductions d’articles de presse dans lesquels il est attribué aux accusés et à d’autres personnes d’avoir reçu des sommes d’argent provenant de paradis fiscaux ». Trop tard, entre-temps, le Parti Populaire remportait les élections législatives, et Unidos Podemos, handicapé par cette affaire, plafonnait à 21 %.

Il n’était pas difficile, pour le parti, de réagir face à ces informations crapuleuses. Cependant, la réponse devient plus ardue lorsque l’espace médiatique se retrouve saturé par ce genre de fausses informations. Une deuxième « affaire », apparue au même moment, a été particulièrement dévastatrice : celle d’un mensonge médiatique accusant Pablo Iglesias de détenir au nom de sa mère un compte offshore dans un paradis fiscal – les Iles Grenadines.

Le coup porté a été d’autant plus violent qu’il a été relayé par des médias prétendument progressistes, qui n’hésitaient pas à tendre le micro au leader de Podemos du moment que celui-ci ne constituait pas encore une menace sérieuse pour le pouvoir en place. Présentateur star de « Al Rojo Vivo », un programme d’information politique de La Sexta, une chaîne de télévision de centre-gauche, l’influent Antonio García Ferreras a dessiné un programme télévisé « de gauche » de sorte à ce qu’il soit regardé par les électeurs de Podemos, avant d’user de son influence nouvellement acquise pour démolir les leaders du parti, allant jusqu’à recourir aux méthodes le plus immorales.

Alors que le journaliste star, jusqu’en 2015, invitait à son programme Pablo Iglesias et d’autres leaders de Podemos pour débattre avec succès contre des éditorialistes de droite, le changement de ton, lorsque Podemos commençait dépasser les 20 % dans les sondages, fut radical.

Dès 2013, Antonio García Ferreras invite le journaliste conservateur Eduardo Inda à présenter
un éditorial dans le programme de nuit de La Sexta. Une complicité se noue entre les deux
hommes, dépassant largement leurs simples fonctions professionnelles. En 2015, dans le
sillage de la montée de Podemos, Eduardo Inda le média web, OK Diario, destiné à diffuser
des informations douteuses afin de porter atteinte au prestige de Podemos. Une dérive qui
n’empêche pas ce journaliste d’approfondir sa collaboration avec García Ferreras, qui lui
donne même carte blanche pour diffuser ces fausses informations dans son programme
nocturne, à une heure de grande écoute !

Début 2016, OK Diario, puis Eduardo Inda lui-même sur La Sexta, affirment que Pablo Iglesias est titulaire au nom de sa mère d’un compte bancaire dans les Îles Grenadines, en partie alimenté par le président vénézuélien Nicolás Maduro. Une information sans aucun
fondement, ce qui n’empêche pas García Ferreras de diffuser cette « boule puante » dans son propre programme, tout en invitant Pablo Iglesias à se justifier sur ce compte bancaire inventé de toutes pièces ! Mais la manipulation ne s’arrête pas là : une fois de plus, un juge se saisit de ce dossier délirant afin de le corroborer et susciter le doute dans une période de grande tension électorale. Le juge prétend se fonder sur des informations transmises par la police, notamment par le renseignement contre le terrorisme, ce qui semble donner du crédit à son enquête.

Quelques années plus tard, le scandale éclate alors que l’affaire a fait son œuvre pour abîmer la réputation du parti. Un policier bien connu en Espagne pour ses basses œuvres mafieuses et ses liens avec l’oligarchie du pays, le commissaire José Manuel Villarejo, diffuse à des fins de vengeances personnelles à sa sortie de prison des enregistrements où on l’entend conspirer contre Podemos, dans un restaurant, en compagnie du même Antonio García Ferreras et ni plus ni moins que le chef des services de renseignement du pays. Le contenu des enregistrements, où les trois hommes, hilares, ironisent sur le fait qu’« il est très facile de foutre un faux compte bancaire dans les pattes d’Iglesias », ne laisse aucun doute sur leurs intentions : monter de toute pièce un dossier compromettant pour affaiblir Podemos.

Au milieu d’une logorrhée de rires gras, de blagues graveleuses et misogynes, une phrase d’Antonio García Ferreras n’est pas passée inaperçue : « Quand c’est nous qui frappons Podemos, ça leur fait mal aux couilles (cuando les damos una hostia a Podemos, les duele de cojones) ». Cette assertion ne témoigne pas, à priori, d’une pensée politique très élaborée ; elle révèle cependant le rôle bien particulier des médias dits progressistes et toute la complexité du processus de lawfare. Tout d’abord, la collaboration police-justice-média permet de corroborer des accusations contre un parti politique qui paraissent, en premier lieu,
farfelues, mais qui, lorsqu’elles se multiplient, peuvent susciter un doute sérieux sur
l’honnêteté de ses dirigeants, y compris chez son électorat le plus fidèle.

En outre, le rôle d’une presse prétendument de gauche dans ces attaques coordonnées est absolument central, dans la mesure où elle est capable de s’adresser à l’électorat chez qui ces campagnes de désinformation cherchent à semer le doute. Antonio García Ferreras, présentateur réputé « de gauche », ne dit pas autre chose dans son assertion stratégique. S’ensuivent logiquement des pertes en termes de vote, ce qui provoque à son tour un approfondissement du doute au sein de ses dirigeants, jusqu’à des divisions internes pouvant faire éclater le parti. Le lawfare cherche avant tout à démobiliser l’électorat de gauche et à propager la discorde chez ses représentants.

En mettant en cause la probité des représentants de Podemos, le lawfare cherche à montrer, au sein d’un électorat traumatisé par la corruption des gouvernements de droite et sociaux-démocrates, que Podemos reste un parti politique « comme les autres » avec ses affaires sales. Derrière des dossiers qui peuvent paraître grotesques au premier abord, il y
a donc bien une stratégie finement élaborée, impliquant parfois le haut sommet de l’état.
Les affaires ne cessent pas lorsque le parti en question s’éloigne du cœur du pouvoir.

En 2019, alors que Podemos gouvernait en tant que parti minoritaire en coalition avec le Parti Socialiste, la presse de tout bord relaie une nouvelle accusation, portant sur une prétendue surfacturation de campagne électorale auprès d’une agence de conseil en politique, Neurona. Sur la base de révélations dans la presse, un juge proche du Parti Populaire ouvre de nouveau
un dossier qui restera en suspens pendant trois ans, avant d’aboutir à un non-lieu.

Lors de ces trois années, se succèdent les auditions de faux consultants en politique accusant Podemos de surfacturation, tandis que les télévisions multiplient les titres racoleurs en heures de grande écoute, allant jusqu’à accuser Pablo Iglesias de sortir 600 euros d’argent liquide par jour, rappelant dans la forme un scandale qui avait impliqué des politiciens de droite la décennie précédente.

Le cas Neurona a pollué le parti de Pablo Iglesias pendant toutes ses années de présence au gouvernement, écornant encore davantage l’image de ses dirigeants. Au même moment, la presse invitait d’anciens élus associés de Podemos, qui avaient claqué la porte du parti dans ce contexte de campagne de harcèlement médiatique, à témoigner contre leur ancien partenaire politique, donnant l’image d’une formation politique divisée dont tout le monde cherche à échapper.

Le cas Neurona a été archivé en 2023 sans que la presse ne relaie l’information. À ce moment-là, Podemos avait connu un affaiblissement électoral, notamment du fait de son image ternie par les accusations de corruption et les divisions entretenues depuis l’extérieur. Le parti commence cependant un lent redressement : après avoir élu deux parlementaires à Bruxelles en 2024, le parti tente de se réorganiser autour de ses figures historiques.

Les militants d’extrême droite : le bras armé du Lawfare

Dans tout ce processus de dévoilement du lawfare, le rôle particulier de l’extrême droite a bien été mis en évidence. N’est-ce pas un média d’extrême droite, OK Diario, qui diffusait en premier les boules puantes visant à discréditer Podemos ? Les juges et policiers impliqués dans ces opérations mafieuses n’étaient-ils pas liés, pour une grande part, à des organisations d’extrême droite ? Cependant, les méthodes permises par l’État de droit ne suffisent pas à détruire une formation politique.

Dans ces campagnes, le concours de l’extrême droite et de ses méthodes violentes squadristes est nécessaire pour faire plier efficacement l’adversaire politique, avec la bénédiction du système médiatique, et parfois même de la police. En quelque sorte, ces groupes prennent en charge les méthodes d’intimidation extralégales que le système ne peut encore se permettre d’assurer directement.

Le cas paroxysmique de cette collaboration entre miliciens d’extrême droite et logique de lawfare est, en Espagne, celui de Javier Negre. Cet ancien journaliste de El Mundo, un média libéral réputé « respectable », s’est fait une spécialité de lancer des campagnes d’attaques et de menaces personnelles contre les représentants politiques de Podemos, à grand renfort de followers se prêtant à des actes de violence, d’insulte et d’intimidation. L’ancien journaliste d’El Mundo lança, en 2020, un média de désinformation sur YouTube intitulé « Estado de Alarma », avec l’aide financière de municipalités gouvernées par le Parti Populaire et d’oligarques anti-chavistes vénézuéliens.

Bien loin d’informer, l’objectif de ce média était de rameuter et d’organiser des bandes afin de les engager sur la voie du harcèlement politique et de la violence contre des représentants de gauche. La méthode suivait un schéma assez simple : Javier Negre publiait une fausse information, signalant par exemple que Pablo Iglesias était responsable des morts du Covid ou qu’il cherchait à détourner de l’argent public pour payer une assistante maternelle pour ses enfants.

À la suite de cette diffusion d’informations haineuses, Negre incitait ses followers à harceler la famille du leader de Podemos en se rassemblant devant son domicile, ou via réseaux sociaux et par téléphone. Une méthode similaire a été utilisée contre les vendeurs ambulants, des personnalités venant en aide aux réfugiés, mais aussi des professeurs de gauche, dont l’adresse a été diffusée sur les réseaux sociaux par ce même « journaliste ».

Pour ses méfaits, bien que très mollement condamné par la justice, Javier Negre n’a pas été ostracisé médiatiquement. Au contraire, il a bénéficié au même moment de confortables émoluments en tant qu’éditorialiste pour une chaîne publique régionale andalouse et même comme chroniqueur à La Sexta, la chaîne d’Antonio García Ferreras. L’objectif de ces démarches d’intimidation est de forcer les responsables politiques de gauche au silence, voire pire, à abandonner leur engagement, même leur pays, pour des raisons de sécurité.

Elle boucle ainsi la démarche sinistre du lawfare, qui se déplace dans les frontières floues entre l’État de droit et l’état d’exception, et témoigne de l’impossibilité pour un régime
capitaliste d’accepter une opposition qui lui soit réellement critique, et d’user seulement de méthodes démocratiques contre elle.

Jean Luc Mélenchon : un harcèlement qui commence dès la création du Front de Gauche, puis de la France Insoumise

De l’autre côté des Pyrénées, la principale formation de gauche de rupture – La France Insoumise – est aussi victime d’un harcèlement médiatique ultra-violent, qui commence dès l’époque du Front de Gauche en 2010, et s’accélère à partir de 2018, au moment où la justice et la police françaises sont, elles aussi, instrumentalisées pour mettre à bas le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. En France et en Espagne, les deux vagues de harcèlement obéissent à des logiques similaires, avec cependant des spécificités en fonction de chaque culture politique nationale.

Dès la création du Front de Gauche, les journaux « progressistes » Libération et Le Monde tirent à boulets rouges sur Jean-Luc Mélenchon. Au moment où l’affaire Cahuzac – (ndlr : une affaire de fraude fiscale et de mensonge au Parlement impliquant le ministre du budget socialiste) – ébranle la vie politique française et affaiblit le Parti Socialiste, le journal Libération, proche du parti au pouvoir, tire sa une sur les « excès » et la « démagogie » de Jean-Luc Mélenchon. Depuis, les relations avec ce journal – vitrine de la gauche socialdémocrate – resteront toujours tendues.

Dans les deux cas, le harcèlement redouble d’intensité au moment où la force politique s’approche réellement du pouvoir. En 2017, alors que La France Insoumise se rapproche des 20 % dans les sondages, incapable de l’attaquer sur le programme, la classe médiatique lance une offensive sur un sujet bien connu de l’autre côté des Pyrénées : le Venezuela. Le Figaro,
quotidien de droite, lance les hostilités en publiant un article intitulé « Mélenchon, le programme délirant du Chavez français », mais c’est encore dans les médias vus comme « progressistes », capables d’influencer l’électorat de gauche, que les attaques sont plus
insidieuses et coordonnées.

Peu avant le premier tour, Slate voit dans l’expérience vénézuélienne la preuve « de l’échec du mélenchonisme », Libération dénonce « le déni de Mélenchon » sur le Venezuela, tandis que le service public, pourtant garant de l’impartialité de l’information, multiplie les attaques. France Info réalise un dossier sur l’Alliance bolivarienne, que La France Insoumise souhaitait soutenir notamment pour donner accès à plus de ressources à la Guyane française, en affirmant que cela rapprocherait la France de « l’Iran et de la Russie », allant même jusqu’à affirmer que la France « allait quitter l’Union Européenne pour rejoindre l’Alba ». Le jour même de l’élection, France Inter réalise un sujet sur « la répression au Venezuela », envoyant un message subliminal alors que la période de trêve électorale était en cours.

Cependant, la question vénézuélienne, qui intéresse peu l’électorat français, n’a pas suffi à abattre électoralement La France Insoumise, qui termine l’élection avec un excellent 19,5 %, au-dessus de la plupart des prévisions, avec Mélenchon classée comme personnalité politique préférée des Français, y compris par des instituts de sondages hostiles.

Tout comme en Espagne, il s’agit de diaboliser La France Insoumise autour d’un sujet majeur et potentiellement incendiaire dans l’opinion publique. Inspiré de « l’exemple » ibérique, l’Etat invente une fausse affaire de corruption a bien été tentée pour salir La France Insoumise. Le 16 octobre 2018, des juges proches de la droite du Parti Socialiste lancent la police perquisitionner 17 locaux liés à La France Insoumise, y compris des domiciles de militants. Comme en Espagne, la police organise des fuites de fausses informations dans des médias réputés de « gauche » ou de « centre-gauche », tels que Mediapart et France Info, sous couvert de « révélations exclusives » destinées à salir durablement le mouvement.

Mediapart parle « d’argent liquide » retrouvé dans le domicile de Jean-Luc Mélenchon, sans fournir aucuns détails, tandis que France Info dévoile une pseudo-enquête accusant directement La France Insoumise d’avoir surfacturé la campagne de 2017. Le lendemain des perquisitions, Le Monde vole au secours du pouvoir en soulignant, dans un éditorial, que les perquisitions contre La France Insoumise ne sont pas « politiques ». Cependant, à la différence de leurs homologues espagnols, les médias français ne mettent pas au centre la thématique de la « corruption politique » pour salir La France Insoumise, car ce sujet n’est pas
en mesure de susciter une vague de haine équivalente contre le mouvement. La stratégie sera tout autre, mais tout aussi insidieuse.

Le racisme au coeur du Lawfare français

Les préoccupations politiques en France sont différentes. En France, comme en Espagne, le pouvoir d’achat et l’emploi sont des sujets centraux pour l’opinion. Mais il est difficile d’attaquer un programme dont les mesures sont plébiscitées par la majorité des Français, à en croire plusieurs sondages. Cependant, sous l’effet d’un long travail de l’opinion, mené par le Rassemblement National et les médias de masse, l’insécurité, l’immigration et l’islam se sont imposés comme des préoccupations importantes dans une grande partie de l’opinion. Depuis deux décennies, notamment à la suite des émeutes de banlieue de 2005 et des attentats de 2015, la France connaît une flambée de discours islamophobes et racistes, généralement dirigés contre les habitants des quartiers populaires.

Largement issue de la guerre d’indépendance algérienne, l’islamophobie s’est peu à peu implantée dans le débat public, principalement par le biais de polémiques vestimentaires, notamment autour du voile et du « burkini ». Ces campagnes ont été largement entretenues par des médias et des intellectuels de droite, mais aussi par l’aile la plus droitière du Parti Socialiste, notamment autour de l’association « Le Printemps Républicain », impliquée depuis dans un scandale de détournement de fonds publics. Cette tendance s’est accélérée avec la réforme du groupe médiatique Canal+ par l’oligarque Vincent Bolloré, qui, en ouvrant la chaîne d’information en continu CNews en 2017, est parvenu à mettre les discours racistes au centre de l’actualité.

L’objectif de cette stratégie médiatique dévastatrice et redoutablement efficace était de diviser irrémédiablement la société française entre « français européens » et « français issus de l’immigration nord-africaine » en important la théorie du choc des civilisations de Samuel Huntington au sein de la société hexagonale, dont l’idée principale est celle d’un conflit indépassable entre deux blocs culturellement abstraits : « l’Occident » et « l’Islam ». Indéniablement, La France Insoumise est devenue la principale cible de cette stratégie raciste, susceptible de susciter des passions de violence et de haine capables de déstabiliser le mouvement et de faire douter certains de ses militants.

Le 10 novembre 2019, à la suite d’un attentat perpétré par un militant du Rassemblement National contre la mosquée de Bayonne, La France Insoumise s’associe à une marche contre l’islamophobie à l’appel des organisations antiracistes. Cette participation suscite un tollé médiatique et popularise, jusqu’au sein des macronistes et de certains socialistes, l’expression infamante « islamo-gauchiste », incarnation contemporaine du « judéo-bolchevisme », dénonçant un complot délirant associant la mouvance marxiste et le fondamentalisme religieux musulman pour détruire la République française.

La chaîne BFMTV diffuse une couverture particulièrement abjecte de l’événement, en insistant sur le terme « dérapage » pour décrire la marche, allant jusqu’à affirmer que les manifestants « poussaient les cris des terroristes ». Là encore, des médias prétendus par certains comme étant de « gauche », tels que Marianne et Charlie Hebdo, sont mobilisés pour dénoncer le prétendu « rapprochement » entre LFI et l’islamisme politique.

Après le confinement, la machine s’emballe, alors que l’islamophobie devient de plus en plus décomplexée, sous la triple influence nauséabonde de l’empire médiatique Bolloré, de la candidature du polémiste raciste Éric Zemmour à la présidentielle de 2022 mais aussi de la
dérive gouvernementale, lançant un faux débat sur le « séparatisme » afin de cibler explicitement la communauté musulmane.

En 2023, à la suite de l’exécution du jeune Nahel par un policier en service, La France Insoumise refuse de se joindre au concert de condamnations simplistes des révoltes en appelant à la justice et en rappelant que les exactions policières dans les quartiers populaires ne sont jamais condamnées, comme en témoigne la libération rapide du policier tueur, qui a par ailleurs bénéficié d’une cagnotte de 1,5 million d’euros financée par des militants de droite et d’extrême droite.

En conséquence, le mouvement de Mélenchon est visé par un déferlement de haine de la part des médias, de l’extrême droite et du macronisme : le maire de Poissy, et soutien de Macron, Karl Olive, affirme sur CNews que Mélenchon devrait être fiché par les services de renseignement intérieur pour « terrorisme islamiste », Radio France dénonce un Mélenchon « hors sol », et Le Monde insiste sur le fait que cette prise de position divise la gauche récemment rassemblée autour de la NUPES, affirmant même que le leader de LFI faisait le tri entre « les dégradations acceptables et les autres », alors même qu’il appelait les jeunes incendiaires à ne pas s’en prendre « au bien commun ».

De même, des idéologues plus radicaux, gravitant en marge du système, s’activent pour intimider LFI : les députés mélenchonistes se voient ainsi menacés de mort par des influenceurs médiatiques proches du Rassemblement National et du parti fasciste Reconquête, fondé par le polémiste Éric Zemmour. Une collaboration entre l’Etat, les médias et l’extrême droite violente se dessine pour déstabiliser la première force de gauche.

Israël – Palestine : le Lawfare pour préparer le rapprochement Macroniste – RN et criminaliser la gauche

De quoi ce processus de lawfare était-il le nom ? Les campagnes de dénigrement sont
toujours au service d’intérêts et de projets politiques. Dans le cas de l’Espagne, au-delà de la
droite, ses promoteurs étaient des journalistes proches de l’aile la plus centriste du Parti
Socialiste Ouvrier Espagnol, qui souhaitaient mettre en place une grande coalition avec la
droite ou, à minima, réduire autant que possible les capacités d’influence de Podemos sur le
reste de la gauche.

En France, la campagne de harcèlement médiatique a deux objectifs : tout d’abord, faire éclater l’union de la gauche autour de La France Insoumise, mais surtout, réhabiliter le Rassemblement National en diabolisant LFI afin de préparer son accession au pouvoir en collaboration avec les autres forces de droite. Ce double objectif est apparu au grand jour au moment de la campagne sur l’antisémitisme dans le sillage de la reprise du conflit entre Israël et le Hamas.

Pour aller plus loin : Réponse collective à une infamie : sur l’accusation d’antisémitisme portée contre LFI

Tout en condamnant les atrocités du Hamas contre les civils israéliens, La France Insoumise se positionne immédiatement en faveur de la paix, refuse la criminalisation du peuple palestinien et alerte sur les intentions génocidaires du gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahou. S’ensuit un harcèlement médiatique sans précédent, y compris mené par des médias progressistes, afin d’accuser LFI d’antisémitisme et de soutien au fondamentalisme islamiste.

Comme le souligne le philosophe Frédéric Lordon, cette campagne de harcèlement incessante, véritable catharsis totalitaire, a pour but d’isoler politiquement la gauche de rupture pour fonder un arc républicain intégrant le RN afin de préparer son accession au pouvoir. Les termes de cette stratégie sont expliqués de façon claire par les éditorialistes proches du gouvernement. « Le diable a changé de camp », constate Nicolas Beytout dans le quotidien patronal L’Opinion : « L’attaque du Hamas rebat les cartes. Les Insoumis sont plus faciles à haïr, le Rassemblement National plus difficile à combattre. »

Le 12 décembre, le journaliste de France Culture Brice Couturier révèle même dans un tweet le désir inavouable d’une fraction croissante des élites françaises : « Puisqu’il va falloir en passer par un épisode RN (tous les sondages le montrent), pourquoi pas dans le cadre d’une cohabitation ? Dissolution. À l’Élysée, Macron garde la main sur la politique étrangère (pas de rupture avec l’UE et l’OTAN), et il dissout au moment propice en 2026. »

Ainsi, autrefois jugé indigne de gouverner par les classes dirigeantes qui appelaient à « faire barrage » contre lui, le parti fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen s’est trouvé subitement réhabilité et blanchi par son alignement sur les positions du gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou. Sur CNews-Europe 1, la journaliste Sonia Mabrouk en vint même à célébrer en Marine Le Pen « le rempart, la protection, le bouclier pour les Français juifs » (10 octobre 2023), tandis que Le Figaro (5-6 novembre 2023) et BFM TV (12 décembre 2023) alternaient un portrait louangeur de Jordan Bardella et des bandeaux triomphaux : « Bardella à Matignon : 46 % des Français séduits »

Le 12 novembre 2023 marque un moment de rupture majeure dans la vie politique française : la majorité présidentielle accepte de marcher contre l’antisémitisme avec le Rassemblement National, dans une manifestation où les responsables de gauche présents sont admonestés. Il s’agit là d’un point de bascule, signifiant l’intégration de l’extrême droite dans le cadre de la raison et de la respectabilité politique, une première depuis la libération de la France du régime nazi et de ses collaborateurs pétainistes.

Au même moment, la presse progressiste pilonne Jean-Luc Mélenchon dans les termes qu’elle réservait autrefois à Jean-Marie Le Pen : il « accumule les dérapages rances » (L’Obs) à force de déclarations « imprégnées de stéréotypes antisémites » (Mediapart). « Antisémitisme : comment Jean-Luc Mélenchon cultive l’ambiguïté », titre un long article du Monde, qui échoue à produire le moindre propos antisémite.

En trois mois, ce quotidien aura consacré une demi-douzaine d’articles et plusieurs éditoriaux à la tentative d’assassinat symbolique du dirigeant de LFI. Au-delà de préparer l’arrivée au pouvoir du RN, l’objectif de cette presse était de s’adresser à l’électorat de gauche pour y isoler LFI et faire rompre la dynamique d’union.

Ce qui n’a pas manqué de fonctionner : le socialiste Jérôme Guedj tire à boulets rouges sur LFI en accusant le parti « d’être l’idiot utile du Hamas », allant même jusqu’à porter des accusations abjectes, insinuant que Jean-Luc Mélenchon s’en prendrait à la tête de liste du PS aux élections européennes de 2024, Raphaël Glucksmann, parce que juif… Deux jours après les attaques du 7 octobre, les socialistes annoncent suspendre leur participation à la NUPES.

Peu après, le secrétaire général du PCF, Fabien Roussel, demande à Mélenchon de « s’en aller de l’union ». Il aura fallu le risque imminent de prise de pouvoir par un parti néofasciste pour réparer les dégâts de cette mascarade et refonder un Front Populaire Unitaire.

La police se mobilise pour salir les représentants de LFI. Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée, est convoquée par la police pour « apologie du terrorisme », il en va de même pour la juriste franco-palestinienne Rima Hassan, candidate sur la liste LFI aux élections européennes.

Là encore, des groupes s’activent pour intimider directement les militants de La France Insoumise. Des collectifs d’extrême droite lyonnais attaquent au mortier une réunion sur la situation en Palestine à Lyon, notamment animée par des militants LFI. Le collectif proLikoud Nous Vivrons débarque pour intimider et harceler les députés LFI à chacun de leurs déplacements.

D’autres bandes, comme le groupe de femmes racistes Némésis, apostrophent les députés LFI dans la rue en les filmant, smartphone à la main. Au même moment, des numéros de téléphone de députés circulent, les menaces de mort et d’incendie de domiciles se multiplient, forçant certains militants et élus de LFI à déménager.

Une fois de plus, le harcèlement médiatique va de pair avec une stratégie d’intimidation policière et de menaces violentes de la part de groupes d’extrême droite. Ainsi, en France comme en Espagne, le lawfare associe médias, y compris progressistes, institutions policières et judiciaires avec des bandes violentes d’extrême droite pour intimider, menacer et finalement faire taire les voix de gauche.

Quelle réponse au harcèlement médiatique et au Lawfare ?

Quelle réponse au harcèlement médiatique et au lawfare ? Comment éviter de se retrouver détruit politiquement par cette violence ? Interrogé, Pablo Iglesias livre quelques pistes : « Moins l’électorat du parti est fidélisé, moins la base militante est formée, plus le parti sera vulnérable. » La constitution d’un socle électoral, mobilisable y compris dans les élections intermédiaires plus difficiles, est donc absolument nécessaire. « Les médias peuvent être favorables au début, mais ils finissent toujours par se retourner contre toi. » De cette cruelle réalité, l’ancien leader de Podemos, passé de star médiatique à bouc émissaire en quelques années, en sait quelque chose.

À sa sortie du monde politique institutionnel, Pablo Iglesias a fondé le groupe médiatique Red, comprenant une télévision et un journal digital. Le média ambitionne de contrebalancer l’idéologie dominante, de fournir un autre regard sur l’actualité, mais aussi, et surtout, de dénoncer les manipulations des médias des milliardaires. Un sujet sur lequel Canal Red
fournit un travail régulier et reconnu. Est-il suffisant pour contrebalancer le rouleau
compresseur médiatique ?

Pablo Iglesias n’hésite pas à utiliser le terme de « guérilla médiatique » : « Il s’agit, avec des moyens plus faibles, d’exploiter toutes les opportunités, notamment celles qui apparaissent sur les réseaux sociaux. Avec de l’intelligence, nous pouvons réellement contrebalancer la propagande médiatique dominante », conclut-il. Ainsi, l’exemple de Podemos rompt l’idée simpliste qu’une personnalité politique pourrait faire complètement consensus autour de propositions soutenues par l’opinion publique tout en sachant utiliser intelligemment les médias.

Culture politique propre, électorat fidèle, base militante formée, mais aussi médias indépendants : les recettes pour lutter contre le harcèlement médiatique et le lawfare ne seraient-elles pas celles qu’a toujours expérimentées le mouvement ouvrier ?

Par Rafael Karoubi