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Les services d’urgence vivent à l’heure du saccage. Le CHU de Nantes ne fait pas exception : des patients qui attendent en moyenne 30 heures avant une prise en charge, des décès liés à cette attente anormale, manque de lits et de personnels etc. C’est le résultat des politiques néolibérales menées depuis 40 ans et accentuées par les gouvernements Macron successifs. Notre entretien avec Jérémy Beurel est secrétaire adjoint de FO CHU Nantes.

1/ Quelle est la situation aux urgences adultes du CHU de Nantes
Même si la situation s’est légèrement assainie ces deux derniers jours, pendant 3 semaines au moins ça a été extrêmement compliqué pour tous les collègues des urgences. Ils ont dû faire face à des patients qui sont restés pour certains d’entre eux 70 heures sur des brancards avec une moyenne de 30 heures d’attente avant d’être hospitalisé. Durant ces 3 semaines il y a eu 4 décès dont une personne de 72 ans décédée après 10h d’attente aux urgences. L’infirmière a découvert le décès de manière fortuite : elle a malheureusement cogné dans sa jambe sans le vouloir et se retournant pour s’excuser, elle s’est rendu compte que la patiente était morte. C’est très traumatisant. On sait aussi qu’un autre patient est resté 50 heures aux urgences. Ce dernier a attendu plus de 24 heures pour avoir un scanner et est décédé à cause d’un délai de prise en charge trop long. Notre direction répond qu’il n’y a eu qu’un seul décès alors que nos collègues disent qu’il y en a eu quatre. Elle joue sur les mots. Tout simplement parce qu’elle considère que les patients qui sont décédés au box après 50 heures d’attente sur un brancard ne sont pas des décès en file d’attente…
2/ Comment en est-on arrivé là ? Je crois que vous avez déjà fait un signalement il y a quelques mois pour une situation similaire aux urgences adultes.
Effectivement, en janvier 2024 FO CHU Nantes a réalisé un communiqué de presse qui faisait état de 3 morts en file d’attente. C’est la politique menée depuis 40 ans par les différents gouvernements et qui a été accentuée par les gouvernements Macron successifs. Ils n’ont absolument pas tenu compte des leçons tirées de l’épidémie de COVID. En 2022, 6700 lits d’hospitalisation complète ont été fermés en France pour atteindre près de 30 000 entre 2016 et 2022. Dans la région des Pays de la Loire, il manque 6700 infirmières. D’un point de vue plus général, les premières suppressions de lit ont eu lieu sous le gouvernement Mitterrand. Les ordonnances Juppé de 95 avec la mise en place de l’ONDAM et des enveloppes fermées pour les hôpitaux obligent à toujours plus d’économie et de rigueur budgétaire. Les lois HPST ont mis en place la tarification à l’activité (T2A). Il faut y ajouter les 80 milliards d’exonération de cotisations sociales annuelles. Les 413 milliards alloués à la Défense (augmentation du budget de 40%). Les hôpitaux sont à bout de souffle.
Il faut y ajouter la fermeture des urgences d’Ancenis et de Montaigu la nuit ce qui a comme conséquence directe d’augmenter le flux de patients sur des urgences déjà saturées. Une autre problématique qui se surajoute, c’est la politique de la ville. Les patients qu’on accueille aux urgences sont de plus en plus lourds à cause du manque de médecin traitant qui fait que les gens attendent le dernier moment pour se soigner.
En réponse à ça on nous dit qu’il n’y a pas d’argent. C’est surtout des choix politiques qui sont faits et la santé de nos concitoyens n’est pas du tout la priorité pour Macron et nos gouvernants qui n’a fait que continuer de détruire les hôpitaux. En revanche, pour financer des dîners fastueux pour les JO, là il y a de l’argent.
3/ Qu’est-ce que propose FO CHU Nantes ?
Dans l’immédiat, nous revendiquons l’ouverture immédiate de 120 lits d’hospitalisation. Pourquoi 120 lits ? On estime qu’il y a 40 patients environ par jour à placer en lit. La durée moyenne d’hospitalisation étant de 3 jours, il nous faut 120 lits. C’est la mesure immédiate à prendre en urgence. Puis de rouvrir tous les lits fermés depuis des années sur les hôpitaux afin que tout le monde puisse être soigné correctement de ne plus avoir de retard de prise en charge. L’abrogation de l’ONDAM et des ordonnances Juppé de 1995 qui sont un véritable fléau pour les hôpitaux puisque ça ne permet que la réduction des budgets de la santé depuis plus de 30 ans maintenant. L’abrogation de Parcousup est aussi une nécessité. Depuis sa mise en place, le taux d’abandon en IFSI approche les 25%.
Nous avons également pris connaissance du communiqué du groupement régional FO des Pays de la Loire en date du 9 août qui dresse la liste des services d’urgences fermés sur la région et c’est une catastrophe. Nous allons adresser un courrier au préfet de région et organiser un rassemblement la semaine prochaine, dans l’action commune la plus large, afin d’être entendu.

4/ Nous avons entendu que Xavier Bertrand était pressenti pour devenir premier ministre dans les jours qui viennent qu’en penses-tu ?
Pour moi c’est absolument impensable quand on sait que Xavier Bertrand est celui qui a maintenu le remboursement du Médiator. Médicament tant décrié pour le nombre de morts qu’il a provoqué. On sait également que plusieurs de ses conseillers ont été rémunérés par les laboratoires Servier, laboratoires qui fabriquaient le Médiator. On peut aussi citer dans son palmarès l’élargissement de l’assiette de la CSG aux allocations chômage et l’instauration de la contribution forfaitaire non remboursable d’un euro par acte réalisé par un médecin. Dans la période où il a été ministre de la Santé puis secrétaire d’État à l’Assurance Maladie sous Chirac et Sarkozy, 46500 lits ont été fermés de 2007 à 2012.
Xavier Bertrand n’est qu’un fossoyeur de l’hôpital public. Lui et sa clique rêvent de détruire l’hôpital public pour faire des hôpitaux privés à la mode américaine nourri par des fonds d’investissement et le capital. Peu importe si des patients meurent à cause de ça.
On le voit aujourd’hui au CHU de Nantes avec notre direction qui fait du pied au mécène au CAC 40 pour obtenir des fonds parce que la sécurité sociale n’est plus en mesure de financer à cause de l’ONDAM qui verrouille tout. Xavier Bertrand nous amènerait dans cette direction-là. Nous on est pour la défense de l’hôpital et pour la défense de la sécurité sociale. On ne peut pas concevoir un premier ministre qui serait dans cette ligne-là et puis ça serait un déni démocratique total par rapport aux résultats des dernières élections législatives.