Jeux Olympiques : nettoyage social, déréglementation et lutte de classes

L’insoumission et Informations Ouvrières s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières.

Pour ce nouvel article, nos deux médias vous parlent des Jeux Olympiques.

« Un rêve en marche » titre Le Parisien du 22 juillet, quatre jours avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Qui peut encore y croire? Derrière le « rêve », il y a la réalité. Les JO n’y échappent pas et traduisent les rapports de classe. A réveil du « rêve olympique », Paris se retrouve transformé en forteresse, expulse ses sans-abris et impose une fête réservée aux riches. Les artistes et travailleurs protestent contre les inégalités, tandis que les citoyens ordinaires subissent restrictions et prix prohibitifs. Notre article.

« Bunkérisation » de Paris et de sa banlieue

45 000 gendarmes et policiers, 18 000 militaires, près de 3000 policiers venus d’autres pays – dont le Qatar, lui, avec ses blindés – 25 000 agents de sécurité, 45 000 barrières de sécurité (qui ont la hauteur des herses dans les manifestations)… Et aussi un million d’enquêtes administratives dans la population française, près de 5000 personnes mis en rétention administrative.

Au mépris le plus total des libertés démocratiques – à commencer par la liberté de circulation, le gouvernement procède à une véritable « bunkérisation » de Paris et de sa banlieue, à grande échelle. Les JO, une « grande fête » ? Pas pour tout le monde. Pour les détenteurs de billets, bien souvent des fortunés capables de mettre deux SMIC pour une place à la cérémonie d’ouverture… Pour les franciliens, en particulier les plus précaires, qui ne peuvent pas prendre de congés cet été, certainement pas…

Préavis de grève du syndicat des danseurs de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques

Tout un symbole, les danseurs de la cérémonie d’ouverture, le 22 juillet, ont refusé de faire le show et de participer à la dernière répétition.

Ils ont levé le poing pendant dix minutes rappelant ainsi le geste des athlètes américains, Tommie Smith et John Carlos, poing levé ganté de noir sur le podium des Jeux olympiques de Mexico en 1968, qui protestaient contre la ségrégation raciale. Les danseurs dénoncent avec le syndicat SFA-CGT les inégalités de traitement entre les artistes. Certains d’entre eux sont payés, logés, touchent des primes, d’autres n’ont rien.

Un syndicaliste rapporte ces inégalités : « 60 euros pour les intermittents du spectacle à 1 610 euros pour les salariés ayant pu bénéficier d’une négociation collective fructueuse » et résume la situation: « les plus précaires ne touchent rien ». Ils veulent l’alignement par le haut et ont déposé un préavis de grève pour le jour d’ouverture.

Les intermittents du spectacle ne sont pas les seuls à avoir déposé un préavis de grève. Les syndicats des agents de sécurité menacent aussi de faire grève en raison des conditions de travail imposées, comme par exemple, douze jours de travail consécutifs sans aucun jour de repos. Comme pour le déploiement des forces de l’ordre, le pouvoir teste sa capacité à déréglementer le Code du travail.

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Nettoyage social

Les évacuations de sans-domicile fixe (SDF) sont systématiques. Depuis novembre 2023, le nombre d’évacuations de Paris et sa banlieue a été multiplié par trois, en particulier en Seine-Saint-Denis, à L’Ile-Saint-Denis et à Saint-Denis, c’est-à-dire les zones à proximité immédiate des sites olympiques – dont le village olympique inauguré par E. Macron le 22 juillet. Rien que cette partie de Seine-Saint-Denis, plus de 4000 personnes ont été déplacées.

Concrètement, les forces de l’ordre les mettent dans un car, destination une ville de province où ils sont logés pendant trois semaines, puis retour à la rue. Cachez ces pauvres que je ne saurais voir !

Pendant que Macron reçoit les PDG des grands groupes internationaux…

Emmanuel Macron recevra jeudi 25 juillet les patrons de grands groupes internationaux présents pour les JO, afin dixit la communication de L’Élysée de les « rassurer » sur la situation politique et les « inviter à continuer à investir dans notre pays ». Ce sont donc encore une fois les hommes et les femmes les plus riches du monde et choyés par Macron qui seront reçus à la table de Jupiter. Seront notamment présents les PDG des groupes ArcelorMittal, Samsung, Tesla, Alibaba et Coca-Cola.

les salariés de la restauration passent en chômage partiel

Les JO, c’est le retour du QR code comme pendant le Covid. Là, ils sont en couleur. Mais ce n’est pas plus gai. Pour passer d’une zone grise à rouge, il faut le bon QR code. Sans quoi retour derrière les grilles. Impossible de traverser même pour les riverains. Les forces de l’ordre contrôlent mais s’il fait beau, le QR code n’est pas lisible. Devant l’impossibilité de circuler, les cafés et restaurants sont déserts d’autant que des grilles ont été installées devant.

Les restaurateurs indiquent une perte d’activité d’environ 70%. Des serveurs sont d’ores et déjà en chômage partiel. On pourrait penser que les parisiens et les visiteurs peuvent prendre les transports en commun. Erreur ! Le prix du ticket de métro a doublé, passant à quatre euros. Un aller-retour sur quelques stations, c’est huit euros…Pour rappel, les transports devaient être gratuits pour fluidifier les flux et accueillir les touristes. Des dizaines de stations sont fermées et toutes les lignes de bus ont été modifiées.

Dans cette situation, comme pendant le confinement, c’est le retour au télétravail à Paris et sa banlieue avec son cortège de contraintes, de déréglementations et de frais pour les salariés.

« Trêve olympique et politique » … mais pas pour les défenseurs du génocide à Gaza

Selon le président du Comité olympique palestinien, 400 athlètes, bénévoles et employés du monde sportifs ont été tués ou blessés depuis le 7 octobre.

Le coordinateur national de la LFI, Manuel Bompard, dénonce une « campagne de haine […] inacceptable et insupportable » à l’encontre du député LFI, Thomas Portes. Il rappelle que les JO sont « un moyen de pression diplomatique » : « On a le droit en France de considérer qu’un événement comme celui des Jeux olympiques permet d’utiliser un moyen de pression diplomatique à l’égard d’un gouvernement qui mène des actions inacceptables à l’égard de la population palestinienne. Il est légitime de considérer que le comité international olympique pourrait prendre à l’égard de la délégation israélienne les mêmes décisions qu’il a prises à l’égard de la délégation russe », « il ne s’agit pas de dire que les athlètes ne peuvent participer [aux JO] mais qu’ils pourraient participer sous bannière neutre ».

Rappelons quand même que le porte-drapeau d’Israël aux JO, Peter Paltchik, pose sur ses réseaux sociaux avec Benyamin Netanyahou, signe des obus de l’armée israélienne ou encore intimide des manifestants pour le cessez-le-feu avec son kimono …

C’est dans cette situation pour le moins particulière, 15 jours après la déroule électorale subie par le camp présidentiel, qu’Emmanuel Macron, plus rejeté que jamais, a appelé lundi 22 juillet, à une « trêve olympique et politique ». Par cet appel, espère-t-il que les grèves ou autres mobilisations impromptues ne viendront pas perturber l’événement ? Rien n’est moins sûr…

Edith Bouratchik