Kevin Bossuet

Portrait – Kevin Bossuet, le professeur-chroniqueur d’extrême-droite en roue libre sur les plateaux

« Les frappes d’Israël à Gaza ne sont pas indiscriminées et disproportionnées. » Le propos est signé Kevin Bossuet, professeur d’histoire. Il est plus connu pour déverser un flot ininterrompu de contre-vérités réactionnaires en tant que chroniqueur chez CNEWS, Sud Radio ou RMC. Celui-ci y déroule sans contradictions ses inepties et son prosélytisme identitaire, et depuis le 7 octobre, figure parmi les ardents soutiens médiatiques au criminel de guerre Netanyahou. Sous ses airs d’innocent professeur, il est invité pour dire « les trucs qu’on ne peut plus dire ». Kévin Bossuet mélange ainsi mensonges et propos dangereux, ciblant, sans surprise, les progressistes de tous bords et les minorités.

L’éditorialiste est partie prenante de tous les combats passés et actuels de l’extrême-droite française. Durant la campagne présidentielle 2022, Kevin Bossuet relaye sans relâche les idées d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen à travers ses multiples interventions audiovisuelles.

Les éditorialistes de plateaux, très loin de l’objectivité affichée et revendiquée, sont des militants politiques déguisés en journalistes. Chaque jour, ils défendent une idéologie, celle de caste politico-médiatique, en direct aux heures de grandes écoutes. Les éditorialistes sont en première ligne dans la bataille culturelle. Révéler d’où ces acteurs parlent, quels sont leurs parcours, leurs liens avec le capital, les 9 milliardaires qui possèdent 90% des médias du pays, est une œuvre nécessaire pour éclairer le débat démocratique. Fin d’un mythe : non, les éditorialistes ne sont pas des journalistes neutres. Pour qui militent-ils ?

Neuvième épisode de notre série pour démasquer les éditorialistes que vous voyez chaque jour à la télé : Kévin Bossuet. Portrait.

Profession : professeur d’histoire…s

L’une des préoccupations premières de Kevin Bossuet, sans surprise, est la défense de ce qu’il qualifie de « laïcité ». Pierre angulaire de notre République, ce bien très précieux est malheureusement trop souvent détourné de son sens par la droite et l’extrême droite. Dans leur bouche, il devient le moyen pour certains d’exprimer leur détestation des musulmans.

Il fustige les élèves (venant de banlieue, évidemment) qui seraient de plus en plus nombreux à « ne pas comprendre le concept de la laïcité ». « En même temps », il vole au secours des mairies françaises qui exposent des emblèmes religieux au beau milieu d’un temple de la République à l’occasion des fêtes de Noël. Cherchez l’erreur. On l’imagine mal défendre avec autant de vigueur un maire qui souhaiterait installer des symboles musulmans dans sa mairie, quand bien même ce dernier mettrait en avant la « dimension culturelle et artistique » des objets.

Ce manque de rigueur sémantique aux relents d’obscurantisme est d’autant plus honteux venant d’un professeur d’Histoire. Kevin Bossuet n’en est, sans surprise, pas à son coup d’essai en manière de réécriture historique.

Je me dois de vous avouer, avant tout, que l’écriture de ce portrait est paradoxalement aussi facile que difficile. En effet, la production quantitativement impressionnante de notre cher chroniqueur me permettrait de ramasser, en un seul coup de pelle sur Twitter, assez d’inepties pour boucler ce portrait en un temps record. Le souci vient donc du nombre de sujets impressionnants qu’il pollue des antiennes classiques de l’extrême-droite, rendant périlleux le tri et la hiérarchisation de ses propos. Jugez plutôt par vous-même grâce à ce court extrait de son fil Twitter capturé au moment de l’écriture de ces lignes :

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Pour résumer :

Pour aller plus loin : Désintox : les ultra-riches payent 2% d’impôts, les classes populaires et intermédiaires 50%

Des sujets et des prises de positions somme toute assez classiques pour ce fidèle d’Eric Zemmour : défense du néolibéralisme, haine de la contestation sociale et adoration d’une figure monarchique suprême, on retrouve là tous les ingrédients de base des idées fascistes portées par l’extrême-droite en France et ailleurs.

Wokisme et éoliennes : des « armes de destruction massives »

On passera ensuite sans trop s’attarder sur le non-sujet nébuleux qu’est le « wokisme », marotte moderne des conservateurs de tous bords que notre chroniqueur compare le plus sérieusement du monde à une « arme de destruction massive à l’encontre de notre identité et histoire » en s’appuyant d’ailleurs dans ce cas présent sur une fausse information. Au royaume de la post-vérité, après tout, les charlatans sont rois.

Classique aussi est ce fameux sujet de l’assistanat. Dès lors que l’on pointe effectivement du doigt les vrais coupables et non les plus précaires comme il est d’usage à droite, voire carrément « les Français » dans leur ensemble comme a osé le dire Kevin Bossuet lors d’une intervention très remarquée sur CNEWS. Le manque de rigueur et de mesure de cette déclaration, je pense, parle d’elle-même, d’autant plus au regard des crises économiques et sociales actuelles.

Plus grave, plus sérieux, mais tout aussi classique, notre Zorro des zéros s’attaque parfois à l’écologie, ou plutôt aux écologistes. J’avoue d’ailleurs avec honnêteté que le bonhomme m’a, pour cette fois, plutôt surpris : on attendait de lui les habituels relents climatosceptiques auxquels sa famille politique nous habitue normalement, mais que nenni.

Kevin Bossuet nous étonne en se posant en défenseur du climat. En effet, le changement climatique nuit au… « goût du vin, notre identité profonde ». Ouf. Nous voilà rassurés. On avait peur, l’espace d’un instant, qu’il se lance dans une tirade sérieuse sur l’écologie et, ce faisant, fasse tache parmi ses compères, plus adeptes du climatoscepticisme bolloréen que des faits scientifiques. Non, ce qui l’inquiète avant tout, c’est le goût du vin, issu de vignobles qui consomment, à l’heure actuelle, 20 % de la totalité des produits phytosanitaires agricoles français.

Alors, pour sauver la planète, sauvons le vin ! Au diable les éoliennes, « armes de destruction massive à l’encontre de nos paysages et de notre patrimoine naturel » (décidément, que d’armes de destruction massives !). Et tant pis pour les scientifiques du GIEC qui jugent qu’une bifurcation radicale de la production d’énergie vers l’éolien et le solaire permettrait de réaliser la plus grosse réduction d’émission de CO2 (approximativement 9 gigatonnes par an). Après tout, pourquoi s’embêter à lire des articles entiers alors que s’arrêter à son titre permet à qui n’est pas trop étouffé par la déontologie de faire preuve de créativité dans le traitement d’une information ?

Vous étiez prévenu, il est facile de démasquer l’idéologie de ce personnage. C’est l’un des nombreux avatars de la pensée d’extrême-droite qui gangrène notre paysage médiatique. Attelons-nous, ensemble, à faire grandir le vent de l’espoir pour chasser ces sombres nuages et faire briller le soleil dans le cœur de tous.

Par Wilfried Nass