22 juillet
Le verdict prononcé contre le terroriste d'extrême droite norvégien Anders Behring Breivik, condamné en août à la peine maximale pour le massacre de 77 personnes le 22 juillet 2011, est définitif après son refus attendu de faire appel. AFP PHOTO / ODD ANDERSEN

« Un 22 juillet » : le film sur le massacre de 77 jeunes travaillistes par Anders Breivik, terroriste d’extrême droite

Le 22 juillet 2011, la Norvège vit l’horreur. 77 personnes sont tuées par un terroriste d’extrême droite, Anders Breivik. Une bombe artisanale explose en plein cœur d’Oslo. Profitant de la panique, le meurtrier se rend à un camp de jeunes travaillistes norvégiens, où il déclenche une fusillade. Anders Breivik est ensuite jugé à la face du monde. Face à lui, l’Humanité, qui ne lui pardonnera jamais.

Un crime commis au nom de la théorie du « grand remplacement », à l’origine d’une autre tuerie, celle de Christchurch le 15 mars 2019 qui a emporté 51 vies humaines. « Un 22 juillet », réalisé par Paul Greengrass, nous rappelle la menace que fait peser l’extrême droite sur nos vies. Ne l’oublions jamais. Un film sur l’Humanité qui se dresse face à l’horreur. Notre article.

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Le 22 juillet 2011, la Norvège vit l’horreur

Commençons par un court résumé des faits.

Le 22 juillet 2011, l’organisation de jeunesse du Parti Travailliste de Norvège (social-démocrate, au pouvoir au moment des faits) organise son camp d’été sur l’île d’Utøya au large des côtes de Norvège. Plusieurs centaines de jeunes adultes et adolescents sont réunis là-bas. Le même jour, le militant nationaliste Anders Breivik fait exploser une bombe artisanale à Regjeringskvartalet, le quartier gouvernemental de la ville d’Oslo, près du bureau du ministre d’État Jens Stoltenberg, lui-même membre du Parti Travailliste.

L’explosion tue huit personnes et en blesse quinze autres. Cependant, alors que les secours accourent sur les lieux de l’explosion, Anders Breivik profite de la confusion pour se rendre sur l’île d’Utøya et attaque les jeunes travaillistes sur l’île. Déguisé en Policier, Breivik fera 69 morts de sang froid et 200 blessés pour beaucoup physiquement et psychiquement à vie. Ce jour-là, un militant d’extrême droite commet seul le plus grand massacre qu’ait connu la Norvège depuis la Seconde Guerre Mondiale.

La police arrête Anders Breivik à Utøya plusieurs heures après le début du massacre. Ce dernier avoue rapidement être un ancien membre du Parti du Progrès, appartenant à la droite nationale-conservatrice. La justice le condamne le 24 août 2012 pour les 2 attentats. Son bilan en nombre de morts représente l’équivalent de deux fois le nombre annuel moyen d’homicides dans le pays.

C’est sur ces macabres évènements que s’ouvre la première partie du film. Passant régulièrement d’un protagoniste à un autre (d’Anders Breivik à Viljar et Torje, 2 jeunes militants présents sur l’île) la première partie du film montre, dans une ambiance d’effroi, assombrie encore davantage par le gris ciel du nord et le visage sans émotion de Breivik, l’horreur du massacre du militant nationaliste.

Prisonniers sans issue de l’île, ce qui avait débuté comme un camp de vacances rempli de camaraderie et d’optimisme se métamorphose en cauchemar. Le temps semble se liquéfier et les cris de détresse des jeunes militants se perdent dans les bois et contre les falaises de l’île, leur seul refuge contre la barbarie qui les pourchasse.

Mais une fois le massacre terminé, le cauchemar continue. Le film se poursuit en effet en nous montrant la convalescence et les séquelles lourdes de Viljar et son frère, tant physiques que psychiques, une fois ces deux derniers sortis de l’hôpital d’Oslo et de retour dans leur habitation du Svalbard. Au plus extrême nord de la planète.

En parallèle, se déroule le procès de Breivik. Procès où se succèdent à la face du monde les témoignages bouleversants des jeunes survivants d’Utøya.

« Vous [Anders Breivik] n’avez pas gagné. Vous avez échoué. Et on continuera de vous battre. Moi, mes enfants et leurs enfants ! »

C’est un grand film que nous présente Paul Greengrass. Entre une réalisation poignante (l’émotion et la détresse des jeunes travaillistes sur l’île nous tétanisent comme si nous étions sur place) et un jeu d’acteur bouleversant (lors des témoignages du procès, je ne pus me retenir de verser des larmes), ce chef-d’œuvre d’art est aussi un cri d’alarme. Un cri sur une réalité assourdissante, mais aussi beaucoup plus sournoise et silencieuse.

Qu’il s’agisse des meurtres de sang-froid de Breivik sur des enfants, des témoignages que ce dernier reçoit des personnalités d’extrême droite du monde entier au cours du procès, ou encore des nombreuses petites paroles relativistes, qu’ici et là, certains personnages du film prononcent sans broncher, la réalité est toujours la même : l’extrême droite tue.

Étrangers, militants de gauche, immigrés, LGBTQIA+, musulmans, femmes, juifs… Les boucs émissaires de l’extrême droite sont connus depuis longtemps. Alors que les idées nationalistes progressent, que de plus en plus de gens les regardent de travers, coupables de rien, mais boucs-émissaires de tout, les cibles de l’extrême droite assistent impuissantes à l’ascension de leurs bourreaux. Jusqu’à ce que les émissaires de ce nationalisme, comme Breivik, comme le meurtrier de Christchurch, commettent à nouveau l’irréparable.

Pourtant, le film semble aussi conclure sur une note positive. Du moins optimiste. Cela a lieu au moment du témoignage de Viljar au procès de Breivik. L’apothéose du film. Blessé à vie dans sa chair et son esprit par l’ancien membre du Parti du Progrès, Viljar explique que la victoire n’est pas du côté du meurtrier nationaliste. Face au monde, malgré ses délires idéologiques, ses tirades où il se présente ad nauseam comme combattant d’une identité norvégienne fantasmée, Breivik est seul. L’humanité condamne ses actions. L’histoire l’oubliera. Personne ne sera là à ses côtés.

La vie militante des nationalistes est un champ de bataille, leur vie personnel est un désert. C’est son lien avec le reste du monde que Breivik a rompu en massacrant les jeunes travaillistes à Utøya.Viljar, lui, sait qu’il peut continuer de compter sur tant de gens. Sur ses camarades travaillistes. Sur ses proches. Sur une Norvège ouverte, démocratique, progressiste, multiculturelle et métissée qui est venue témoigner avec lui au procès pour montrer que toutes leurs vies ne s’étaient pas effondrées. Viljar et l’humanité ont gagné ensemble. Le nationaliste Breivik a perdu seul.

« Un 22 juillet » est un film à voir, à revoir et surtout à partager. Pour continuer de se rappeler du danger mortel de l’extrême droite, de la xénophobie, de la haine et du nationalisme. Et, surtout, pour se rappeler, comme l’a dit mon personnage préféré de ce film, l’avocat d’Anders Breivik (militant travailliste assumé et père de victimes de Breivik) à son client lors de leur dernière rencontre : « Vous [Anders Breivik] n’avez pas gagné. Vous avez échouez. Et on continuera de vous battre. Moi, mes enfants et leurs enfants. » L’extrême droite ne passera pas.

Par Damien François

Crédits photo : Le verdict prononcé contre le terroriste d’extrême droite norvégien Anders Behring Breivik, condamné en août à la peine maximale pour le massacre de 77 personnes le 22 juillet 2011, est définitif après son refus attendu de faire appel, Odd Andersen, AFP, CC BY-NC-ND 4.0.