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Alerte : 4,8 heures par jour sur nos téléphones, c’est la journée mondiale pour se désintoxiquer

4,8 heures, 180 mètres de scroll, en moyenne par jour sur nos téléphones. Un tiers du temps éveillé. La seule activité qui nous prend plus de temps, c’est dormir. 4,8h en moyenne, c’est trop. Tendinite et cervicalgie, production de l’hormone du stress, facteur de dépression, obésité, diabète. Baisse des capacités de concentration et de mémorisation. Certes, le téléphone est un formidable outil de mise en relation, de découverte du monde. Son usage doit toutefois être interrogé car ses excès ont de graves conséquences sanitaires, sociales et politiques. Ce 6 février est la journée mondiale pour se désintoxiquer de nos portables, l’occasion de faire le point. Notre article.

4,8 heures par jour sur nos téléphones portables en moyenne

Lundi 6 février. Comme tous les matins, premier réflexe, la main sur le téléphone. Commencer par éteindre le réveil, puis happé, capté, avant même le premier café, je fais défiler les nouvelles de la nuit. Encore plus accro à mon écran lumineux qu’à la caféine.

8h, comme tous les lundis, en même temps que les résultats MPG, je reçois la notification de mon téléphone : votre temps d’écran quotidien est en moyenne de 4h38, en hausse de 12% par rapport à la semaine dernière. Normal me dis-je, avec la bataille des retraites, le rythme de l’actualité s’accélère. Et puis finalement, je tombe sur cette nouvelle : 4,8 heures par jour sur nos téléphones portables en moyenne, le 6 février, journée mondiale pour se désintoxiquer de nos portables. Ce n’est donc pas mon travail de journaliste qui me pousse à cette hyperconsommation numérique, je suis comme tout le monde : addict.

Alors, pour ce 6 février 2023, envie de faire le point avec vous. 

D’abord un rapide contexte historique. La première journée mondiale sans téléphone, est lancée par Phil Marso, le 6 février 2001. (Pas de smartphone ni de YouTube à l’époque pour rappel). Depuis 2004, cette incitation mondiale à s’éloigner des téléphones s’étend sur 3 jours. Nous avons donc jusqu’au 8 février pour rassembler nos forces et tenter l’expérience, désormais quasi existentielle, de se détacher totalement, une journée, ou seulement quelques heures de notre téléphone. 

Trois journées pour prendre conscience de notre addiction à l’écran tactile et réfléchir aux conséquences. 

Pourquoi faire cette expérience pénible ? Justement pour se rendre compte à quel point une action qui pourrait être aussi banale, à savoir se couper de la communication à distance avec toute la planète, nous est devenu si pénible. 

Tendinite, cervicalgie : l’addiction au téléphone abîme le corps

Au niveau physique : les pouces parcourent en moyenne 180 mètres par jour à scroller ! Cela peut déclencher des tendinites. Notre tête pèse entre 4 et 5 kilos, et nous la penchons plusieurs heures par jour sur l’écran du smartphone, les bras recroquevillés sur un clavier. Cela est facteur de maux de tête, gêne dans les bras, cervicalgies ou « necktech ». La lumière bleue émise par les écrans induit des dommages aux yeux. 

La nomophobie, l’addiction mentale au téléphone

Au niveau mental, on parle de nomophobie, la peur de se retrouver sans téléphone, pour désigner une addiction toute aussi puissante que celle créée par les produits stupéfiants ou les machines à sous (ce qui est loin d’être un hasard puisque les casinos de Vegas ont largement inspiré les designers d’application). Les effets psychiques sont similaires aux addictions : destructions de liens sociaux (souvent familiaux) désaffiliation de l’école, honte.

Autre effet néfaste de la surconsommation de téléphone, la production régulièrement excessive de cortisol : l’hormone du stress. « Votre taux de cortisol est élevé lorsque votre téléphone est en vue ou à proximité, explique David Greenfield, fondateur du Centre pour la dépendance à Internet et à la technologie. C’est une réponse au stress, la sensation est désagréable, et la réponse naturelle du corps est de vouloir vérifier le téléphone pour faire disparaître le stress. » 

Or, ce stress à haute dose (et sans aucune utilité puisque notre vie n’est nullement menacée) a un effet délétère sur notre corps et notre esprit : dépression, obésité, diabète, problèmes de fertilité, hypertension artérielle, crises cardiaques, démence et accidents vasculaires cérébraux. « Toutes les maladies chroniques que nous connaissons sont exacerbées par le stress », explique le Dr Robert Lustig, professeur émérite d’endocrinologie pédiatrique. « Et nos téléphones y contribuent complètement », complète-t-il.

Baisse des capacités de concentration et de mémorisation

Moins grave en apparence : la baisse de la capacité de concentration et de mémorisation. Par la sollicitation permanente qu’il crée, l’impact sur le sommeil de la sur-activité neuronale avant le coucher, par le stress dont nous avons déjà parlé, le téléphone réduit notre capacité à nous concentrer et à mémoriser de nouvelles informations. Moins grave que d’autres maux, c’est certain. Ce n’en est pas moins un problème. Surtout lorsqu’on est convaincu comme moi que l’élévation du niveau de conscience, de connaissance du peuple est un moteur puissant de son émancipation par la révolution citoyenne. 

Pour finir ce point sur les problèmes engendrés par le téléphone, évoquons l’impact écologique de l’industrie nécessaire à leur production : épuisement des ressources, atteintes à la biodiversité dues aux rejets toxiques dans l’environnement et émissions de gaz à effet de serre.

Comment se désintoxiquer ? 

Dr Zukervar, psychiatre cognitivo-comportementaliste souligne l’importance du travail de prévention des parents sur les enfants. « Il faut suivre les recommandations des pédiatres. Pas d’écran avant 3 ans, pas de jeu vidéo avant 6 ans, pas d’internet non-accompagné avant 9 ans, pas d’internet seul avant 12 ans » conseille le médecin. « Il faut également une modération le soir à la maison. Il faut couper les téléphones à 19 ou 20h. Les enfants et adolescents dorment mal et se réveillent la nuit pour communiquer. »

Chacune et chacun peut donc tenter d’agir au quotidien, dans son comportement individuel et avec ses proches pour couper, passer quelques heures en mode avion, plonger dans un livre, une activité créative, ou se consacrer pleinement à profiter d’un temps partagé avec les personnes aimées. 

Cependant, sans encadrement politique, déconnecter complètement est en réalité impossible. Pour de nombreuses personnes, le téléphone est le principal outil de travail et la régulation de son utilisation est encore largement lacunaire. Le droit du travail est un élément fondamental pour limiter l’emprise du téléphone (ou son usage pour les puristes) sur notre santé mentale et physique. 

Depuis la loi du 1er janvier 2017, le droit à la déconnexion est inscrit dans la loi. On a bel et bien le droit de s’en défaire en dehors de ses heures de travail. Le droit à la déconnexion reconnaît aux salariés le droit de ne pas être joignables en permanence par leur employeur en dehors de leurs heures de travail. La France est pionnière en la matière. Elle est la seule à avoir inscrit le droit à la déconnexion dans la loi. Auparavant, la Cour de cassation avait ouvert la voie en reconnaissant qu’on ne pouvait pas être licencié si l’on n’était pas joignable sur son téléphone portable personnel en dehors de la journée de travail. 

Le temps est politique

Pourtant, l’exercice de ce droit reste flou. La loi prévoit que l’entreprise peut définir les modalités par un accord entre l’employeur et les salariés, ou à défaut par une charte rédigée par le chef d’entreprise. Problème : elle ne prévoit pas de sanction s’il n’y a ni accord ni charte.

On voit ici une nouvelle fois les conséquences extrêmement préjudiciables pour les travailleuses et les travailleurs de la Loi Travail de 2016 impulsée par un certain Emmanuel Macron. Auparavant, la loi s’appliquait et les accords d’entreprise ne pouvaient être que plus favorables aux salariés. Avec l’inversion de la hiérarchie des normes induite par cette loi, cette protection n’existe plus. Ainsi, malgré une loi prometteuse, le droit à la déconnexion reste majoritairement un mirage dans la jungle qu’est devenu le marché du travail depuis l’arrivée aux manettes des néolibéraux. 

Il nous faut reprendre le pouvoir sur le temps. Le temps est politique. La bataille actuelle sur la retraite le prouve largement. Les idéologues du tout-marché, tout-concurrence ne jurent que par l’immédiateté, le profit le plus vite possible. Cette obsession du tout, tout de suite est à la racine du saccage social et écologique causé par le capitalisme financiarisé. À l’opposé, les partageux, les partisans de l’harmonie entre les êtres humains et avec la nature savent qu’ils nous faut renouer avec le temps long. On ne fait pas pousser les plantes, pas plus qu’un enfant, en tirant dessus. 

C’est par la planification écologique, la réduction du temps de travail et le droit à la déconnexion, que nous pourrons pleinement reprendre collectivement le pouvoir sur le temps.

Par Ulysse