Dassault

31,4 milliards accumulés grâce à l’État, ventes d’armes et fraude électorale : Dassault, une dynastie française

Dassault, ça vous parle ? Vous pensez aux avions de guerre français ? Dassault, c’est aussi l’une des familles les plus riches de France. Avec un sacré pactole : 31,4 milliards d’euros confisqués par une seule famille. Une fortune accumulée de génération en génération grâce à l’État français, depuis les premiers avions à réaction français dans les années 30. Le groupe du même nom est aujourd’hui composé de trois branches : Dassault Systèmes, Dassault Aviation, Immobilière Dassault.

Le groupe vend depuis 2015 le Rafale à d’autres clients que l’armée française : Égypte (une flotte de 80 avions prévue), Qatar (36 appareils), Émirats arabes Unis (80 avions), des pays bien connus pour leur vie politique démocratique intense. Corruption, « Concubinage notoire avec l’État », tricheries électorales, fraude à la TVA, Rafale papers… Il y a tant à dire sur ces parasites d’en haut. L’insoumission vous raconte la folle histoire de la dynastie Dassault.

Ces assistés d’en haut, ils ont des noms, ils ont des adresses, ils ont des visages. Quand certains préfèrent cibler la France des allocs, parler de la fraude sociale (700 millions d’euros), l’insoumission s’attèle à démasquer les assistés d’en haut (80 à 100 milliards de fraude et d’évasion fiscale chaque année).

Quatorzième épisode de note série sur les assistés d’en haut : la famille Dassault.

Famille Dassault : quand commence l’accumulation de ce pognon de dingue ?

Marcel Dassault fonde l’entreprise d’aviation éponyme dans les années 30, produisant après-guerre les premiers avions à réaction français puis les avions de combat de l’armée française. Ils feront la fortune de l’entreprise et de la famille avec les Mystère, les Mirage, et les Rafale. À côté des avions, la promotion immobilière contribue dans les années 1960 et 1970 à l’enrichissement familial, notamment à travers des projets avec Francis Bouygues et Robert de Balkany (parent éloigné de Patrick Balkany), dans les Hauts-de-Seine.

La fortune de la famille est estimée à 31,4 milliards d’euros en 2021. Elle est en constante hausse depuis 2009 et est partagée au sein de la famille. Le groupe éponyme est aujourd’hui composé de 3 branches : Dassault Systèmes, Dassault Aviation, Immobilière Dassault. Le tout est chapeauté par une holding, ayant des participations dans BioMérieux (santé), Rubis (énergie), Le Figaro, Artcurial (marché de l’art) et des vignobles.

En 2021, Dassault Aviation affichait un chiffre d’affaires de 7,2 milliards d’euros. Celui de Dassault Système est supérieur à 4 milliards d’euros. Le groupe vend depuis 2015 le Rafale à d’autres clients que l’armée française : Égypte (une flotte de 80 avions prévue), Qatar (36 appareils), Émirats arabes Unis (80 avions), des pays bien connus pour leur vie politique démocratique intense, ainsi que l’Inde (plus de 70 Rafales).

Dassault et l’État, l’État et Dassault

Selon Martine Orange de Médiapart, « Dassault incarne le capitalisme français poussé à son paroxysme, d’une fortune privée bâtie sur un concubinage notoire avec l’État. (…) Vivant de la commande publique, la famille se veut pourtant l’exemple de l’entreprise privée ».

Marcel puis Serge Dassault se sont alliés les hommes politiques français de tous bords, « Je les ai tous payés », disait Marcel Dassault dans les années 1980.

La journaliste explique que les effets du partage des rôles dans l’industrie aéronautique française réalisé en 1949 ont permis l’expansion de l’entreprise. L’industrie aéronautique publique est chargée de l’aviation civile, secteur très concurrentiel, ce qui sera la base d’Airbus. Dassault, bien que privé, obtient le monopole sur le marché protégé de l’aéronautique de défense. Marcel Dassault adopte une organisation industrielle simple : le client paie les développements et les équipements. Et le premier client de Dassault est l’armée française.

Renvois d’ascenseur

Pendant des années, Dassault finance les campagnes des gaullistes et des forces politiques qui peuvent le soutenir et contribuer ainsi à obtenir les contrats et assurer l’enrichissement du groupe et de la famille. 

La famille Dassault crée en 1983, avec J.-M Vernes une nouvelle banque, la banque Vernes, associée aux privatisations décidées par le RPR. Thalès. En mai 2009, Nicolas Sarkozy décide que 20% du capital du groupe d’électronique et de défense détenus par Alcatel-Lucent seront repris par Dassault, déjà actionnaire du groupe, et empêche ainsi EADS de se porter candidat. L’État permet ainsi au groupe de se développer dans les équipements d’électronique de défense, que maîtrise déjà Thales.

De son côté, Dassault Systèmes est au cœur des politiques de soutien public au numérique et notamment à la création de géants européens capables de rivaliser avec la GAFAM dans le domaine du « cloud » notamment.

Dynastie politique, fraudes et tricheries électorales

Marcel Dassault s’engage en politique en 1951 dans le Var aux élections législatives pour le Rassemblement du peuple français (RPF). En 1958, il est élu député de l’Oise où il sera réélu jusqu’à sa mort, en 1986. Son petit-fils, Olivier Dassault, prend sa succession après avoir siégé au conseil de Paris de 1977 à 1988. Il est élu député UMP puis LR de l’Oise de juin 2002 à son décès en 2021. Son neveu Victor Habert-Dassault occupe la place à son tour en étant élu en 2021 puis en 2022 dans la même circonscription.

Serge Dassault est maire de Corbeil-Essonnes de 1995 à 2010 et sénateur UMP. En 2013, la presse révèle un enregistrement clandestin dans lequel l’industriel admet avoir payé pour assurer la victoire de son bras droit et successeur à la mairie de Corbeil-Essonnes lors de la campagne municipale de 2010. En octobre 2014, le comptable suisse de Serge Dassault, reconnaît avoir remis des millions d’euros en liquide à l’industriel.

Ce système passait par la distribution de chèques et d’enveloppes d’argent liquide, par des prêts non remboursés, le financement d’associations fictives ou des virements de centaines de milliers d’euros entre des comptes à l’étranger. Le représentant du parquet national financier (PNF) s’était ainsi exprimé « On n’a jamais vu en France, une ville livrée à un tel degré de corruption et de décomposition civique. »

Mis en examen en 2014, Serge Dassault est mort en 2018, avant la fin de l’instruction. « Les faits sont d’une particulière gravité s’agissant d’atteintes aux règles de la démocratie. Ils sont de nature à fortement dégrader la confiance des citoyens envers leurs élus et, au-delà, à discréditer le fonctionnement de la démocratie », juge la présidente du tribunal.

Fraude à la TVA, rafale papers…

Dans les années 2010-2020, le groupe est mis en cause pour de la fraude fiscale et le versement de commissions pour obtenir des contrats.

Ile de Man. En 2017, la presse révèle la complicité de Dassault Aviation dans un schéma de fraude à la TVA sur les jets privés, mis en place par des cabinets privés de conseil à l’île de Man. En enregistrant leurs jets privés sur l’île de Man, riches oligarques internationaux, sportifs et hommes d’affaires échappent à la taxe sur la consommation de 20%. Différents montages auraient permis de soustraire près de 27 millions d’euros aux recettes fiscales de l’Etat. Dans le même temps, entre 2014 et 2015, le constructeur a obtenu plus de 84 millions d’euros d’argent public, au titre de crédits d’impôts.

Rafales papers. En 2021, Mediapart révèle que les enquêteurs indiens ont obtenu dès 2018 les preuves que Dassault a versé au moins 7,5 millions d’euros de commissions occultes à un intermédiaire indien afin de décrocher en 2016 la vente de 36 chasseurs Rafale à l’Inde pour 7,8 milliards d’euros, vente saluée à l’époque par Françoise Hollande.

Contournement d’embargo. Un organisme d’experts indépendants sur la Birmanie a publié, en 2022, un rapport listant les composants et les technologies utilisés par l’armée birmane pour fabriquer des armes. Deux logiciels de l’entreprise française Dassault Systèmes en font partie, alors que la Birmanie est soumise à un embargo sur les armes.

Vivant de la commande et des aides publiques, proches des milieux politiques, le groupe et la famille Dassault ne se sont pas privés d’outrepasser les règles communes pour s’enrichir. Véritable dynastie capitaliste française, ces assistés d’en haut ont construit leur richesse sur une relation amour/haine avec l’État, entre dépendance à la commande publique et fraudes en tout genre.

Par Sandrine Cheikh