Patrick Drahi

Patrick Drahi : super-profits, super-censure

Le milliardaire Patrick Drahi est à la tête du groupe Altice, regroupant un large panel de médias allant de BFMTV à L’Express, en passant par RMC ou Libération. Plutôt discret, il aurait pu se tenir en dehors des radars, à l’heure de la dénonciation des super-profits. C’était sans compter la divulgation d’informations chocs sur Altice par le média Reflets-info, juste avant que celui-ci ne soit censuré. À l’aube d’une proposition de loi sur la concentration des médias, l’Insoumission dresse le portrait d’un homme sur puissant dans les médias français, qu’on ne voit jamais. Patrick Drahi c’est : super-profits, super-censure.

Ces parasites d’en haut, ils ont des noms, ils ont des adresses, ils ont des visages. L’insoumission va s’atteler à les démasquer. Quand certains préfèrent cibler la France des allocs, parler de la fraude sociale (700 millions d’euros), l’insoumission s’attèle à démasquer les assistés d’en haut (80 à 100 milliards de fraude et d’évasion fiscale chaque année). Huitième épisode de notre série sur les profiteurs de crise : Patrick Drahi. Portrait.

Patrick Drahi pèse 11 milliards

Aujourd’hui à la tête d’une fortune de 11 milliards d’euros, Patrick Drahi naît le 20 août 1963 à Casablanca de parents mathématiciens. S’il tente de se faire passer pour un self-made man, rappelons-le : personne n’est jamais super-riche par hasard. Ce polytechnicien s’est très vite spécialisé dans les télécoms, commençant sa carrière aux Pays-Bas avant de parier sur le câble en France en lançant sa propre activité. Anticipant l’éclatement de la « bulle internet », il va céder sa participation au géant UPC en 1999 et empocher alors le pactole. 

En 2001, Drahi lance Altice et crée son empire en rachetant nombre de sociétés, comme Numericable qui entre en bourse en 2013. Ce, malgré une dette de plus de 2 milliards et demi d’euros. En 2014, il rachète SFR à Vivendi, après avoir obtenu le feu vert du ministre de l’Économie de l’époque, un certain Emmanuel Macron, un mois après son entrée en poste. En 2015, alors auditionné par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le PDG d’Altice prenait pour exemples les modèles chinois et américains pour défendre la baisse des congés payés et l’augmentation du temps de travail, sur fond de quête à la productivité.

La suite de l’histoire, on la connaît. Patrick Drahi, véritable profiteur de crise, a réalisé un super-profit de 7 milliards entre mars et décembre 2020, à l’heure du Covid et de la pénurie. Sa recette miracle pour s’enrichir en toute discrétion ? Patrick Drahi a construit son groupe Altice sur deux bases simples : la réduction des coûts et le rachat par l’endettement, selon le magazine Challenges.

Vraiment ? Plutôt un goût pour les paradis fiscaux, non ? Selon le média Reflets-info, Patrick Drahi « a affirmé ne jamais avoir eu de société au Panama, mais il joue sur les mots ». Le Panama, ce pays connu pour sa lourde fiscalité… L’économiste Benoît Boussemart avait d’ailleurs reconstitué l’organigramme de l’empire Drahi pour Alternatives Économiques : « La tête de l’empire Drahi est logée dans les paradis fiscaux », écrivait-il. Toujours selon Benoît Boussemart, « la holding personnelle de Patrick Drahi (Next LP) se trouve à Guernesey, de nombreuses sociétés de tête du groupe sont logées au Luxembourg, et la maison mère de l’Express et Libération (Jenville SA) a son siège au Panama. »

Profiteur de crise, mais pas que 

Déjà mis en cause lors des Panama Papers et autres révélations concernant l’évasion fiscale, Patrick Drahi a toujours nié cacher de l’argent dans les paradis fiscaux. Récemment, une série de documents internes à Altice ont fuité : ils indiquent le contraire et pointent du doigt les dépenses colossales et le train de vie luxueux du milliardaire – qui semble lui aussi beaucoup apprécier les jets privés. Des documents qui gênent, à en croire le procès-baillon lancé à l’encontre de Reflets-info qui a traité des données publiées par le groupe Hive en août

Le groupe Altice a ainsi lancé des poursuites envers le média pour ce qu’il pointe comme une « violation du secret des affaires », ce que le tribunal de commerce de Nanterre a condamné « a priori », si les publications se poursuivaient. La décision de celui-ci est profondément liberticide en ce qu’elle porte atteinte à la loi de 1881 sur la presse. Pour autant, elle s’appuie sur la loi de 2018 protégeant le secret des affaires, défendue à l’époque par Emmanuel Macron et critiquée sur tous les fronts. Altice, soutenu par le pouvoir en place, muselle ainsi la liberté de la presse pour qu’elle ne s’empare pas des sujets comme l’évasion fiscale ou autres super-profits.

Pour défendre le droit d’informer de la presse, plus de 70 médias et organisations de journalistes ont appelé à soutenir leurs confrères de Reflets-info. De son côté, la NUPES continue de mener la bataille contre les super-profits. Par ailleurs, LFI va défendre une loi contre la concentration des médias, dans le cadre de sa niche parlementaire prévue en novembre. L’insoumission se tient aux côtés des médias engagés ou autres lanceurs d’alerte et continuera de démasquer les profiteurs de crise, quels qu’ils soient et où qu’ils se cachent.

Par Clémentine Tessier