Né en 1964, Pascal Praud s’est d’abord fait connaître comme journaliste sportif. Avant de continuer sa carrière à la radio et à la télévision comme chroniqueur ou animateur, sur RTL puis sur CNews. Sur cette même chaine, il anime depuis 2016 l’émission « L’Heure des pros ». CNews, ce fleuron du groupe Bolloré, fait tout sauf de l’information. De la banalisation des idées d’extrême-droite, de l’opinion autocentrée, du buzz. Pascal Praud, ou l’anti journaliste. L’insoumission vous dresse son portrait.
Les éditorialistes de plateaux, loin, très loin de l’objectivité affichée, sont des militants politiques déguisés en journalistes. Chaque jour, ils défendent une idéologie en direct aux heures de grandes écoutes. Les éditorialistes sont des acteurs de la bataille culturelle. Révéler d’où ces acteurs parlent, quels sont leurs parcours, leurs liens avec le capital, les 9 milliardaires qui possèdent 90% des médias du pays, est une œuvre nécessaire pour éclairer le débat démocratique. Fin d’un mythe : non, les éditorialistes ne sont pas des journalistes neutres. Pour qui militent-ils ?
L’insoumission lance une série de portraits des éditorialistes que vous voyez chaque jour à la télé. Troisième épisode : Pascal Praud.
Pascal Praud, tout sauf un journaliste
Pascal Praud présente chaque jour son traditionnel édito. Ce 5 juillet 2022, il a pour thème la SCNF. On y retrouve tous les poncifs et clichés possibles : la SNCF et ses retards, ses pannes, ses grèves, et ses prix exorbitants « symbole d’une France immobile ». La médiocrité de l’analyse atteint ici son paroxysme.
Pascal Praud serait journaliste. Il a été formé pour, puisqu’il a fréquenté l’école supérieure de journalisme de Paris. En bon patron de troquet, Pascal Praud se contente d’accueillir ses invités pour déverser leurs avis. Les sujets sont aussi vastes que la crise du Covid-19, le climat, les gilets jaunes ou la guerre en Ukraine. Quand on se déclare expert en tout, on est finalement expert en rien. Étonnamment, ses sujets ne sont d’ailleurs traités que sous l’angle conservateur, réactionnaire, pour ne pas dire caricatural.
Caricaturer pour mieux moquer et discréditer, le militant politique Pascal Praud
Exemple typique : lundi 6 mai 2019 a lieu une émission sur le réchauffement climatique. Sur le plateau, des journalistes (non-scientifiques), un homme politique et médecin (Bernard Debré), et le communicant Jacques Séguéla. Des pointures en matière d’écologie. L’émission commence, le ton est donné. Pascal Praud ironise sur le réchauffement climatique, en rappelant qu’il faisait – 3°C à Paris le matin même. Visionnaire. Le degré zéro de l’intelligence. La bêtise à l’état pure.
Une autre invitée, bien meilleur connaisseuse du sujet, est aussi sur le plateau : Claire Nouvian, à la tête d’une association qui se bat pour la préservation des océans. Elle fait face à des murs de sarcasmes, d’ironies, l’empêchant de développer le moindre argument. Elle finit même par se faire qualifier d’hystérique alors qu’elle s’insurge d’un certain climatosceptiscisme qui règne sur le plateau. Un argument classique employé contre les femmes.
« L’heure des pros », vraiment ?
La phrase du début d’émission sur les températures du début de ce mois de mai résume toute l’attitude et le « professionnalisme » de l’animateur. Confusion totale entre climat et météo, entre variabilité et variation, décrédibilisation du discours venant de la partie « adverse ». Toute cette soupe trouve sa justification dans le relativisme. Cette posture défend l’idée que toutes les opinions se valent, sans distinction. Pascal Praud s’enfonce même en disant qu’en Histoire, aussi, on peut contester une vérité établie.
Vous avez dit professionnalisme ? Le 20 septembre 2019, Pascal Praud reçoit Caroline Mécary, avocate insoumise, et Julie Garnier, conseillère régionale et oratrice LFI. les spectateurs sont témoins d’une scène où l’animateur est incapable d’assurer un débat convenable. Il se contente de vociférer « vous êtes minables ! […] c’est insupportable votre attitude ! » et de rabrouer sèchement, pour ne pas dire de manière infantilisante, les invitées qui ne sont pas dans son camp. Quelle triste image de l’idée que se font ces éditorialistes de la liberté d’expression qui n’est respectable que lorsqu’il s’agit de développer les avis partagés.
Faire de l’information de manière professionnelle, animer un débat d’idées constructif, se résume à inviter des personnalités qui un jour parlent d’« islamo-gauchisme », le lendemain d’écologie, le surlendemain de la guerre en Ukraine en passant par le covid.. Le tout, en ne développant le plus souvent que des postures orientées idéologiquement. La fameuse neutralité journalistique, partie en vacance. Pas du journalisme, mais bien du militantisme politique.
Un danger idéologique réel
L’impact de ces chaînes, de CNews en particulier qui a déroulé le tapis à Éric Zemmour des mois durant, et des éditorialistes comme Pascal Praud, est non négligeable. Ils participent à l’agenda médiatique et politique. Leurs polémiques agissent comme un bain d’idées nauséabondes qui imbibent le quotidien de beaucoup de Français. Voilà quelques exemples des débats de haute tenue qui se sont déroulés sur le plateau de l’émission animée par Pascal Praud.
Ci-dessus, Elisabeth Lévy, Jean Messiha et Nadine Morano, tous et toutes d’éminents sociologues, se donnent à cœur joie sur tous les amalgames possibles autour de l’islam, de « La France on l’aime ou on la quitte », de l’identité nationale, des valeurs de la France. « La haine des musulmans à l’état brut », écrit Henri Maler sur Twitter, ancien animateur d’ACRIMED.
Le 30 juin 2022, Pascal Praud gronde Eric Woerth, transfuge des LR vers la majorité présidentielle. Selon lui, ses petits camarades auraient dû s’allier avec le RN afin de faire barrage à Eric Coquerel pour l’accession à la tête de la commission des finances. Pascal Praud explique calmement à la radio que le parti présidentiel et Les Républicains auraient dû s’allier à l’extrême-droite plutôt qu’à la gauche. Militant on vous dit. Pas journaliste.
La menace démocratique et idéologique que représentent les éditorialistes tels que Pascal Praud est bien réelle. En matraquant leurs thèmes réactionnaires et conservateurs, certaines idées finissent par infuser dans les esprits de certains citoyens qui font de ces émissions leur source n°1 d’information. En refusant le pluralisme d’idées, la contradiction dans de saines conditions de débat, Pascal Praud contribue grandement à la manipulation des masses contre laquelle Noam Chomsky nous a largement averti.
Par Le Horla