Plus de 160 enseignants et chercheurs en économie, appartenant à des écoles de pensée différentes, se prononcent dans une tribune publiée sur Médiapart en faveur du programme économique de l’avenir en commun et soutiennent la candidature à la présidentielle de Jean-Luc Mélenchon. La voici (retrouvez la liste des signataires en fin d’article).
L’ampleur des enjeux du prochain scrutin présidentiel nous conduit à prendre position en tant qu’économistes. La pandémie de Covid-19 a révélé la vulnérabilité sanitaire et industrielle de notre société. Cette alerte est un avant-goût des défis auxquels nous devons nous préparer avec l’aggravation des dérèglements écologiques et de l’instabilité géopolitique. Dans le même temps, les 6,4 millions de demandeurs d’emplois et les 9,3 millions de pauvres que compte le pays nous rappellent à quel point la crise sociale est profonde. Le programme l’Avenir en commun porté par Jean-Luc Mélenchon propose de rompre avec les politiques qui accroissent les inégalités, fragilisent les services publics, abiment les écosystèmes et érodent la base productive. C’est aujourd’hui le seul en mesure de porter nos espoirs de changement au second tour de l’élection.
Les réponses des candidats néolibéraux sont obsolètes
Lorsqu’on prête attention aux annonces des candidats, la proximité des propositions économiques d’Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour saute aux yeux. La plupart souhaitent faire reculer l’âge de la retraite. Tous rejettent le principe d’une hausse des salaires bruts et remettent en cause les 35 heures. Leur engagement à diminuer les cotisations implique d’affaiblir la Sécurité sociale. Malgré le rôle central des services publics pour réduire les inégalités et faire face aux chocs sanitaires, écologiques ou géopolitiques, les uns et les autres prévoient d’offrir de nouveaux cadeaux fiscaux aux plus hauts revenus au détriment de notre patrimoine collectif. Comme si le marché et les grandes firmes pouvaient prendre soin des biens communs que sont l’environnement, la santé, l’éducation, la culture mais aussi la qualité du lien social et de l’information.
En tant qu’économistes, nous nous opposons à cet agenda foncièrement injuste. Inspiré d’une volonté réactionnaire de préserver les privilèges des plus riches, il est parfaitement inadapté aux grands défis de notre temps.
Relier l’immédiateté de l’urgence sociale au temps long d’un mode de développement désirable
Le programme porté par le candidat de l’Union Populaire ouvre une voie alternative. En abordant les questions économiques sous l’angle de la satisfaction des besoins et non de la logique du profit ou du consumérisme, il offre de relier l’immédiateté de l’urgence sociale au temps long d’un mode de développement désirable respectueux des impératifs écologiques.
Apporter une réponse immédiate à la crise sociale en est la condition préalable. Il s‘agit d’abord de protéger le pouvoir d’achat contre le retour de l’inflation, ce qui passe par le blocage des prix des produits de première nécessité. La hausse du Smic à 1400 euros nets, une renégociation des salaires au niveau des branches, la revalorisation des retraites et des minimas sociaux, la mise en place d’une allocation d’autonomie pour les jeunes ainsi qu’un programme de garantie d’emploi permettront de soulager les difficultés les plus urgentes et de restaurer la confiance en l’avenir pour le plus grand nombre.
La politique des revenus ne peut cependant être l’alpha et l’oméga de la reconstruction socioéconomique. Celle-ci passe par une remobilisation de la puissance publique et la construction d’un projet productif à long terme compatible avec le respect de la biosphère. Cela implique un effort de financement des équipements et de revalorisation des salaires, notamment dans le domaine de l’éducation, du soin et de la recherche où les retards accumulés démoralisent les personnels. Un redéploiement des services essentiels (éducation, transports, santé, poste, justice) permettra la redynamisation économique des territoires sacrifiés aux calculs à courte vue des réductions de coûts.
La proposition d’instaurer une planification écologique vise quant à elle une projection à long terme des structures sociales et productives de nos sociétés. Il s’agit d’une alternative à la centralisation par les marchés financiers du pilotage de l’économie. Le processus de planification se décline de manière participative aux différentes échelles. Sa mise en œuvre passe par la mobilisation des outils de la politique industrielle — notamment la conditionnalité des aides aux entreprises, la nationalisation d’entreprises stratégiques, la participation des salariés aux choix productifs — et par un programme d’investissement massif dans les énergies renouvelables, la rénovation des logements, les transports et les relocalisations. Contre l’incertitude permanente générée par la tyrannie de la création de valeur pour l’actionnaire, il s’agit de recréer de la stabilité dans l’évolution du tissu productif, d’encourager la sobriété dans la consommation et de permettre un rééquilibrage de notre commerce extérieur.
Un programme crédible
Ces investissements concernant la reconstruction des services publics et la transition écologique nécessitent des financements. L’option choisie est celle de la justice sociale au service de l’efficacité. Une fiscalité plus progressive sur les revenus et les patrimoines ainsi que la lutte contre la fraude fiscale permettront de dégager des ressources supplémentaires. En matière de dette publique, un recours privilégié au pôle public bancaire permettra de se prémunir contre les effets déstabilisateurs d’un retournement des taux. Alors que les marges des entreprises atteignent des hauts historiques, la progression des salaires sera financée par un rééquilibrage du partage de la valeur entre salaires et profits.
Cette élection est le moment de tourner la page du néolibéralisme et de redécouvrir les vertus économiques de l’ambition collective et de la solidarité. Fruit d’un travail collégial expert et citoyen, le programme défendu par Jean-Luc Mélenchon porte un projet à la fois social, écologique et démocratique. Ambitieux, sa cohérence et le sérieux de son chiffrage sont communément reconnus. C’est aussi le plus à même de rassembler à gauche pour atteindre le second tour et tenter de remporter l’élection. Voilà pourquoi nous le soutenons.
Les 160 signataires
Adam Louis, ancien expert comptable et commissaire aux comptes
Alami Ilias, université Uppsala, Suède
Alary Pierre, université Lille 1
Amable Bruno, université de Genève
Arauz Andres, Fondateur de l’observatoire de la dollarisation, Equateur
Assous Michaël, université Lumière Lyon-2
Auvray Tristan, université Sorbonne Paris Nord
Bachet Daniel, université d’Evry Paris-Saclay
Bance Philippe, université de Rouen
Baron Olivier, université de Bordeaux
Baronian Laurent, université Paris 13
Bassi Federico, université Paris 13
Batifoulier Philippe, université Paris-Ouest Nanterre-La Défense
Bédu Nicolas, université Artois
Belorgey Nicolas, CNRS
Béraud Mathieu, université de Lorraine
Berr Eric, université de Bordeaux
Berrou Jean-Philippe, Sciences Po Bordeaux
Bertin Evan, université Sorbonne Paris Nord
Bilia Boris, Haut-fonctionnaire
Billot Sylvain, statisticien économiste
Boidin Bruno, université de Lille
Bonneau Maxime, université Middlesex, Royaume-Uni
Botte Florian, université du Littoral
Bourdon Olivier, agrégé en SES
Bourouffala Hamed, Lycée Simone Veil
Bruyère Mireille, université de Toulouse Jean Jaurès, CERTOP
Cabannes Michel, Professeur émérite université de Bordeaux
Cadieu Nathalie, certifiée en SES
Cahen-Fourot Louison, université Roskilde, Danemark
Cano Liliana, université Paris 13
Carbonnier Clément, université Paris 8
Carolina Alves, université de Cambridge, Royaume-Uni
Charles Léo, université de Rennes 2
Cherficer Djamel, certifié SES
Concialdi Pierre, IRES
Cordonnier Laurent, université de Lille
Coutinet Nathalie, université Sorbonne Paris Nord
Coutrot Thomas, économiste
Coutureau Gérard, Maître de conférences, retraité de l’enseignement supérieur agronomique
Dallery Thomas, université du Littoral Côte d’Opale, Clersé
Debrégeas Anne, EDF
Defalvard Hervé, université Gustave Eiffel
Deguilhem Thibaud, université Paris Cité
Delatte Anne-Laure, université Paris Dauphine
Dellemotte Jean, université de Cambridge, Royaume-Uni
Delouette Ilona, IMT Nord Europe
Desbons Florian, Lycée de Neuchâtel-en-Bray
Descamps David, université de Lille
Desmoulins Valérie, Lycée Pierre d’Aragon de Muret
Devin Philippe, université Sorbonne Paris Nord
Deyris Jérôme, université Paris Nanterre
Dupuis Martine, professeur retraité de SES
Durand Cédric, université de Genève, Suisse
Etiévant Guillaume, expert auprès des CE et des organisations syndicales
Eydoux Anne, maîtresse de conférence au Cnam, Lise/CEET
Fabbri Giorgio, chargé de recherche en Économie et Gestion au CNRS
Faye Ludmila, université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Foudi Agathe, université des Sciences et Technologies de Lille 1
Françon Baptiste, université de Lorraine
Fray Pierre, ENS Paris-Saclay
Friot Bernard, université Paris Nanterre
Gabor Daniela, université de West England, Bristol
Gach Florence, Lycée d’Aix-en-Provence
Gadrey Jean, université Lille 1
Galès Alexis, Lycée Jacques-Brel
Gambina Julio C., université de Rosario, Argentine
Gayon Vincent, université Paris Dauphine
Généreux Jacques, Sciences Po Paris
Ghirardello Ariane, université de Paris 13
Gillig Philippe, université de Strasbourg
Gros Nicolas, professeur de SES
Guérin Isabelle, IRD
Guerrien Bernard, université de Paris 1
Guibert Bernard, docteur en Économie, ancien administrateur de l’INSEE
Guichard Jérémy, Certifié en SES
Guillen-Romo Hector, université Paris 8
Guiraud Clarisse, Lycée Maurice Utrillo de Stains
Gun Ozgur, université de Reims Champagne Ardenne
Guttmann Robert, université Paris 13
Harari-Kermadec Hugo, université d’Orléans
Harribey Jean-Marie, Professeur émerite de l’université de Bordeaux
Harvey David, université de New York
Hémon Antoine, université de Paris 1, ENS Cachan
Henneguelle Anaïs, université Rennes 2
Horn Laura, université de Roskilde, Danemark
Isla Anne, université de Toulouse
Issehnane Sabina, université de Paris Cité
Jeamet Alexis, université Sorbonne Paris Nord
Kartchevsky Andrée, professeure des universités, URCA et Ladyss UMR 7533
Katz Claudio, université de Buenos Aires
Keen Steve, université de London College, Royaume-Uni
Khalfa Pierre, économiste
Kroll Jean-Christophe, Professeur émérite AgroSup Dijon
Lahille Eric, université Gustave Eiffel
Lamoudi Lamine, certifié Eco-gestion
Lapavitsas Costas, université de Londres, Royaume-Uni
Laurentjoye Thibault, université d’Aalborg, Danemark
Lebaron Frédéric, ENS Paris-Saclay
Lebot Denis, professeur agrégé de SES
Lebris Florian, Lycée de Saint-Just de Lyon
Lemoine Benjamin, chercheur au CNRS
Longuet Stéphane, université de Picardie
Magacho Guilherme, université de Cambridge, Royaume-Uni
Magne Nathalie, université Montpellier 3
Malherbe Léo, université de Picardie
Mangenot Marc, économiste
Marchini Jorge, université de Buenos Aires
Marie Jonathan, université Paris 13
Marques-Pereira Jaime, université Pierre Mendes-France de Grenoble
Martin Henri, doctorant en économie
Mascomere Pierre, actuaire statisticien
Massiah Gustave, économiste
Milanesi Julien, université de Toulouse 3
Missaglia Marco, université de Pavia, Italie
Monserand Antoine, université Sorbonne Paris Nord
Morvan Anne, professeur certifiée en SES
Mouchel Cécile, université de Paris
Muntrez Emilien, Lycée polyvalent Jules Fil de Carcassonne
Orovitz Sanmartino Jorge, université de Buenos Aires, Argentine
Orzoni Gilles, économiste, ingénieur des Ponts (retraité)
Palombarini Stefano, université de Saint Denis Paris 8
Papaud Simon, université de Picardie Jules Verne et université Lumière Lyon 2
Pastureau Guillaume, Lycée Montesquieu Bordeaux
Pellegris Alban, université Rennes 2
Pénet Pierre, ENS Paris-Saclay, CNRS
Piau Fanny, enseignante agrégée en Eco-gestion
Piluso Nicolas, maître de conférences habilité à diriger les recherches
Pinsard Nicolas, université de Lille, Clersé
Plihon Dominique, université Sorbonne Paris Nord
Plumecocq Gaël, INRAE Toulouse
Poidvin-Fournelle Julie, professeur certifié SES
Ponsot Jean-François, université Grenoble Alpes
Porcherot Raphaël, ENS Cachan
Pouyanne Guillaume, université de Bordeaux
Purière Aurélien, université Paris Nanterre
Rabinovich Joel, université de Londres, Royaume-Uni
Rasselet Luc-Albert, université de Rouen
Raveaud Gilles, université Saint Denis Paris 8, Institut d’études européennes
Regnier Esther, université de Bretagne Occidentale
Rème-Harnay Pétronille, université Gustave Eiffel
Remize-Noël Corinne, agrégée d’économie-gestion
Rikap Cecilia, université de Londres
Rivaud Audrey, université Paul Valéry
Robert Pierre, université Paris 2
Rochon Louis-Philippe, université Laurentian, Canada
Rollinat Robert, professeur d’Université retraité en Economie
Rotillon Gilles, professeur émérite à l’université Paris Nanterre
Roux Jean-Marie, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Saito Kohei, université d’Osaka, Japon
Seppecher Pascal, CEPN
Sicard Clément, enseignant certifié en SES
Silvera Rachel, économiste féministe
Stockhammer Engelbert, King’s College London, Royaume-Uni
Tabaï Basile, université Paris Nanterre
Tesson Marie, professeure agrégée de SES
Théret Bruno, directeur de recherche émérite CNRS
Trouvé Aurélie, Agro Paris Tech
Van de Velde Franck, université de Lille, Clersé
Vanel Grégory, Grenoble Ecole de Management
Vercellone Carlo, université de Paris 8
Villemot Sébastien, économiste
Zemmour Michaël, Sciences Po Paris
Zezza Gennaro, université de Cassino, Italie