Face à Baba – Jean-Luc Mélenchon : le candidat tout terrain

Jeudi 27 janvier, Jean-Luc Mélenchon était l’invité sur C8 de l’émission “Face à Baba” animée par Cyril Hanouna. Dans un format peu classique et endurant, le candidat de l’Union populaire a répondu successivement à dix intervenants, venus le défier, le contredire ou l’interroger. Excellent dans cet exercice médiatique, il a fait, une nouvelle fois, un parcours tout terrain rythmé par la force de ses propositions.

« Je suis une tortue électorale, et j’ai déjà épuisé quelques lièvres »

Première punchline de la soirée. Sur le ton de l’humour et de la métaphore, Jean Luc Mélenchon a commencé par rappeler sa volonté de convaincre, de porter le débat d’idées dans une campagne électorale déjà bien commencée. Autour d’une équipe forte de 23 parlementaires qui ont beaucoup appris ces cinq dernières années, le candidat de l’Union populaire s’est dit « prêt à gouverner ». En affirmant avec force que « le souverain c’est le peuple », il a lancé un appel à toutes et à tous à s’inscrire sur les listes électorales avant le 4 mars.

2-0 : Echec et mat pour Jean-Luc Mélenchon qui remporte son 2ème duel contre Zemmour !

Dans le premier temps de l’émission, Jean-Luc Mélenchon a affronté une nouvelle fois Éric Zemmour. A peine commencé, le ton est donné face au polémiste d’extrême droite : 

· JLM « J’ai bien l’intention de vous hacher menu idéologiquement »

· EZ « Je n’ai pas l’intention malveillante à votre égard »

· JLM « Vous avez tort car je ne vous raterai pas ! »

Comme le 23 septembre dernier, l’Insoumis a dominé le débat de long en large en déstabilisant Éric Zemmour dès les premières minutes du débat d’idées, ce dernier étant trop habitué aux amabilités médiatiques et pas assez à la confrontation idéologique. Cette séquence de confrontation idéologique a mis en lumière les obsessions d’Éric Zemmour sur fond d’approximations que chacun connait. A la limite de l’insulte, et dans une constante stigmatisation de l’Autre, et notamment des musulmans, Éric Zemmour a de nouveau offert le spectacle d’un disque rayé. A son affirmation « la créolisation c’est l’islamisation », le candidat de l’Union populaire a donné une bonne leçon intellectuelle au polémiste. Au cours de ce débat, il a précisé que le concept de créolisation du poète Edouard Glissant est un « fait » car partout où les cultures se croisent, elles se créolisent.

Le débat a démontré deux visions de la France diamétralement opposées. En excellent professeur, le leader insoumis a donné un cours magistral d’histoire républicaine à son contradicteur, déclarant « La France est une invention de son peuple, elle a invité la Révolution, elle a inventé la République. ». En somme, c’est la République qui fonde la Nation sous la bannière « Liberté, Égalité, Fraternité ». À l’inverse, le candidat d’extrême droite a de nouveau déblatéré en défendant la vision d’une France recroquevillée autour de la nation identitaire et ethnique qui figure au rang de ses fantasmes favoris.

Dans la continuité de ses propositions, le polémiste d’extrême droite a de nouveau ciblé les citoyens français de confession musulmane, citoyens « sauf si ». Encore la fameuse exception ouvrant droit à tous les abus, et à une citoyenneté à deux vitesses selon que l’on soit musulman ou non.

Interrogé sur le thème de l’immigration, le favori de la gauche a rappelé l’importance de régler les causes de départ, soulignant avec justesse et humanisme qu’« on ne part que dans la douleur, personne ne part par plaisir ». Pour atteindre cet objectif, Jean-Luc Mélenchon a rappelé la nécessité de stopper net les expéditions militaires improvisées ainsi que les accords commerciaux déséquilibrés. En guise d’exemple, le candidat a cité le scandale du rachat des droits de pêches par l’Union européenne sur les côtes africaines, qui affament les populations, les privent de leurs sources de revenus, et ainsi les forcent à un départ non désiré, dangereux et souvent mortel…

Après avoir précisé son plan sur les causes du départ, Jean Luc Mélenchon a tenu la tranchée de l’humanisme face au camp de la mort incarné par Éric Zemmour. Comble de l’horreur, ce dernier s’est dit prêt à mettre fin à l’aide médicale d’État, fidèle à un repli sur soi permanent. Face à une telle mesure condamnant des milliers de gens à la maladie – lesquels se propagent pourtant sans distinction de papiers d’identité – Jean-Luc Mélenchon a décliné ses propositions, en rappelant notamment son soutien au regroupement familial pour « traiter humainement » les immigrés.

Au total, ce débat aura remis en évidence un fait déjà connu depuis la dernière confrontation du 23 septembre dernier : Éric Zemmour n’a rien à proposer aux Français sur les questions sociales, écologiques et démocratiques. Abordé en fin de débat, le thème des retraites aura permis à Jean Luc Mélenchon de démontrer qu’Éric Zemmour est le candidat des néolibéraux, le même qui avait qualifié d’ « obèse » notre État providence le 23 septembre dernier. Le même avait déjà qualifié « d’obèse » l’État providence à l’occasion du dernier débat le 23 septembre dernier. Face à la volonté de son adversaire de faire travailler les Français jusqu’ à 64 ans, le leader insoumis a décliné ses propositions. Le président du groupe « La France insoumise » a expliqué pourquoi les gains de productivité réalisés au cours des deux siècles passés permettaient de réduire le temps de travail à condition de partager les richesses. Il a donc expliqué que la retraite était aussi une affaire de lutte des classes.

Il a rappelé qu’on vit plus longtemps puisque l’on travaille moins longtemps, tout en soulignant qu’un quart des Français meurent avant d’avoir pu toucher le moindre centime de leurs retraites. Il a démontré, pied à pied, qu’en augmentant les années de travail, Éric Zemmour ne parviendra qu’à couler la caisse des allocations chômage et de l’assurance maladie.

« C’est une autre synthèse que je propose : l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature »

Après plus de quarante minutes accordées par Cyril Hanouna à Eric Zemmour, Jean Luc Mélenchon fut confronté à Charles Consigny, fraichement soutien rallié à Valérie Pécresse. À l’instar du précédent orateur, l’avocat de droite s’est caché derrière les approximations, les insultes et les caricatures. Mais il n’a pu empêcher Jean Luc Mélenchon de rappeler son plan d’urgence sociale face à la misère qui défigure le pays. Dans la sixième puissance économique mondiale, 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté quand 8 millions font la queue dans les interminables files de l’aide alimentaire, et 12 millions de personnes souffrent de la précarité énergétique.

Chose amusante : dans sa logorrhée de caricatures, Charles de Consigny s’est pris les pieds dans le tapis, déclarant « Vous prenez le Venezuela comme modèle, où les gens ont froid ». « Vraiment ? » lui a rétorqué avec humour le leader insoumis. A croire que Charles De Consigny a vite perdu le nord !

Prenant de la hauteur face à un contradicteur agité, Jean-Luc Mélenchon a rappelé que la vision et le programme de l’Union populaire ne reposait sur aucun modèle, sur aucun pays, sur aucune tradition étrangère particulière.

Face au libéral, le favori de la gauche a rappelé son objectif : « C’est une autre synthèse que je propose : l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature ». La pierre angulaire de cet édifice, c’est la République sociale, et pour la fortifier, le leader insoumis a pu développer ses propositions sur la fiscalité et les droits de succession. La réforme de l’héritage proposé par le leader insoumis, plafonné à 12 millions d’euros soit « 8 siècles de SMIC » permettra de rapporter à l’Etat 10 milliards d’euros. Grâce à cette somme, nous pourrions financer l’allocation d’autonomie que le programme « L’Avenir en commun » veut verser aux jeunes de plus de 18 ans et aux lycéens professionnels : 1063 euros par mois pour tous. Face à un adversaire considérant que cette mesure aboutira à la fuite de capitaux, Jean-Luc Mélenchon a décliné sa proposition de l’impôt universel, d’ores et déjà appliqué aux Etats-Unis d’Amérique et qui permet au fisc américain de rattraper tout contribuable où qu’il aille, quoi qu’il fasse.

AYMERIC CARON : « Cette année, je n’ai plus envie de m’abstenir. Je n’ai jamais aussi été inquiet pour mon pays, pour la planète, pour la démocratie »

« Je vous le dis en tant que journaliste, je sais que son programme est le plus sérieux, le plus travaillé, et le plus réaliste dans l’offre politique » : dès le début de son intervention, le récent soutien de poids à l’Union Populaire a défendu les raisons de son soutien au leader insoumis et ce, au cours d’un bel échange, sérieux et apaisé, loin des aboiements des chiens de garde précédents.

Dans les causes de son ralliement, le journaliste a pointé le manque de « radicalité » d’EELV, n’ayant pas acté la rupture nécessaire avec le néolibéralisme. Dans l’Union populaire, il a trouvé le seul cap sérieux pour aboutir à « l’harmonie des êtres humains avec la nature », rappelant les ralliements d’écologistes au leader insoumis, tel que Alma Dufour ou Claire Lejeune.

Au cours de ce débat, le leader insoumis a pu développer ses propositions – et cette fois, sans être interrompu systématiquement ! Comme déjà précisé il y a quelques jours dans son meeting à Bordeaux, Jean-Luc Mélenchon a appelé à inscrire la règle verte dans la Constitution afin de ne pas prendre à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer.

 « Il faut se réapproprier le temps long, en planifiant et en s’organisant »

Le président du groupe parlementaire de la France insoumise a ensuite parlé de la condition animale. Il a dénoncé les élevages ultra-intensifs et a expliqué qu’il fermerait les fermes usines, responsables d’une souffrance animale mais aussi de zoonoses, ces maladies qui peuvent être transmises des animaux aux êtres humains. Il a cité en exemple les actions coup de poing du député insoumis Bastien Lachaud, fer de lance du groupe parlementaire dans la défense de la condition animale.

Plus largement, il a rappelé que notre conscience d’êtres humains nous donne une responsabilité vis-à-vis des autres êtres sensibles, parce que nous avons la connaissance de leur sensibilité, même si nous ne les comprenons pas entièrement. Il a affirmé : « être écologiste aujourd’hui, c’est se sentir redevable de tout le vivant ».

« Les êtres humains sont culturellement construits »

Face à Eugénie Bastié, Jean-Luc Mélenchon a développé sa vision sur les questions sociétales en rappelant son appartenance à la branche « la plus radicale » de l’Humanisme des Lumières. Conformément à cet idéal humaniste, il a pu développer sa proposition d’ériger le changement de genre en liberté fondamentale individuelle, contre la situation actuelle qui met ce changement entre les seules mains d’un juge. Il a cité l’exemple de l’Argentine, pays qui prévoit d’ores et déjà ce changement de genre dans son texte constitutionnel. Face à une contradictrice se complaisant dans le mépris et l’accusant de « lobby sociétal », le candidat de l’Union populaire a rappelé avec force sa proposition d’inscrire l’IVG dans la Constitution afin « que plus personne ne puisse remettre en cause ce droit fondamental, y compris les candidats à la Présidentielle »

SOFIA CHOUVIAT : « Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat qui propose des solutions »

Dans un quatrième temps, Jean Luc Mélenchon était face à Sofia Chouviat, dont le père, Cédric Chouviat, est mort lors d’une interpellation le 3 janvier 2020. Au cours de cette séquence forte en émotions, Sofia Chouviat s’est dite en accord avec les nombreuses propositions du candidat de l’Union populaire. Dans un silence porté par l’émotion du moment, Jean-Luc Mélenchon a écouté avec attention et respect les propos, d’une gravité évidente, de son interlocutrice.

« Cet homme a été assassiné, il a dit à 7 reprises qu’on l’étouffait » : avec une puissance dont lui seul connaît le secret, Jean-Luc Mélenchon a pu décliner ses propositions pour refonder la police « de la cave au grenier ». Plaquage ventral, étranglement, grenades de désencerclement, flashballs : toutes ces méthodes brutales doivent être abolies. Ceux qui, dans la police, sont l’auteur de crimes, doivent être poursuivis et condamnés. Dans un esprit de synthèse parfaitement maîtrisé, le candidat insoumis a déclaré que la « police doit être respectable pour être respectée », et donc dissoudre les BAC. Soyons clairs : la police est aux ordres de la Nation, et non l’inverse : « elle est au service du peuple souverain, qui ne lui doit rien ». Il a rappelé, avec justesse, que 80% des plaintes des femmes n’aboutissent pas. Preuve supplémentaire d’une réforme devenue impérative et urgente.

Dans un second temps, face à un syndicaliste policier, Jean-Luc Mélenchon a appelé au recentrage des missions de la police nationale, devant s’orienter vers des missions prioritaires que sont la lutte contre le trafic des être humains, la prolifération du trafic de drogue, et la circulation de près de 6 millions d’armes dans notre pays.

Au total, Jean Luc Mélenchon aura relevé le défi de poser les questions de sécurité de façon rationnelle.

SABRINA ALI BEN ALI : « L’hôpital est devenu une machine à rentabilité »

Au cours de cet échange focalisé sur les thématiques sanitaires, le favori à gauche a rappelé la gestion chaotique de la crise sanitaire par ce gouvernement. Manque de masques, de gels, ordres et contres-or : toutes ces actions erratiques ont effrité le défaut de consentement à l’autorité. Il a rappelé les 11 plans et 4 propositions de loi portés par le groupe parlementaire, tant sur l’installation de purificateurs d’airs – ignorée pendant 2 ans par l’exécutif –  et la mise en place d’une société de roulement. En premières ligne, et souvent première cible, le candidat insoumis a pu développer ses propositions pour reconstruire l’hôpital public, sans lequel aucune pandémie ne peut être éradiquée méthodiquement.

ERIC REVEL, économiste : « Le programme Avenir en commun est incroyable, avec près de 694 propositions »

Interrogé par l’économiste sur le financement du programme L’Avenir en commun, le candidat insoumis a tout d’abord rappelé la tenue prochaine d’une grande soirée de chiffrage se déroulera prochainement, à l’instar de 2017. Contre une dette « qui nous cloue les mains » et irremboursable, le candidat insoumis a réaffirmé son souhait d’annuler le remboursement de la dette détenue par la Banque centrale européenne. C’est la condition pour nous libérer d’un futur enchaîné au remboursement sans fin des dettes. C’est la condition pour embaucher soignants, enseignants, et renforcer l’ensemble des services publics.

Pour enfoncer le clou, Jean-Luc Mélenchon a développé ses propositions de justice sociale : hausse du SMIC à 1400 euros net et mise en place d’un écart de 1 à 20 dans les salaires des entreprises : « Quand le patron décide de s’augmenter, il sera obligé d’augmenter les autres »

« L’Assemblée constituante permettra de refaire peuple en commun »

Calme après la tempête, l’émission s’est clôturée par un échange militant entre Raquel Garrido, élu local à Bagnolet, et Jean-Luc Mélenchon. A cette occasion, il a pu rappeler l’importance de restaurer la souveraineté populaire à un moment d’insurrection froide contre les institutions où plus d’un électeur sur deux ne vient plus voter. Pour ce faire, la convocation d’une Assemblée Constituante permettra de « refaire peuple en commun, quelle que soit votre origine, votre religion, votre couleur de peau. » pour passer à la 6ème République. Le leader insoumis a enchaîné sur les autres outils qu’il importe d’instaurer face à la crise démocratique, tels que le RIC, pour proposer ou abroger une loi, mais aussi pour pouvoir révoquer un élu en cours de mandat.

Conclusion

A 74 jours de l’élection présidentielle, le candidat favori de la gauche – désormais estimé à 13% dans le sondage, soit à 2 points du second tour – a confirmé ses talents oratoires que chacun lui connaît. Aux termes de plus de 3h30 de débats, ce fut une nouvelle démonstration de force et de cohérence pour les insoumis, et une bouffée d’air frais et d’espoir pour les milliers de téléspectateurs habitués au cirque médiatique angoissant calée sur l’agenda de l’extrême droite. Au total, la dynamique de l’Union populaire, faite de soutiens successifs, d’un Parlement de l’Union populaire qui grossit chaque semaine, de meetings à la chaîne, et d’actions multiples sur le terrain, s’est trouvée une nouvelle fois renforcée. Et le 24 avril prochain, tout porte à croire que le leader des insoumis ne sera plus Face à Baba, mais face à la République, pour en faire la sixième.

Sylvain Noël