Leïla Chaibi (LFI) : « Ça n’est pas tous les jours qu’on gagne des droits pour les travailleurs »

La commission européenne a annoncé la semaine dernière vouloir créer un statut de présomption de salariat pour mieux protéger les travailleurs des plateformes. Emmanuel Macron se pose en principal adversaire à cette initiative. Leïla Chaibi, députée européenne LFI et engagée depuis deux ans dans ce combat, est l’invitée de #LaMidinale.

VERBATIM

Sur la directive « présomption de salariat »
« On n’a pas l’habitude que la Commission européenne fasse des annonces qui vont dans le sens des intérêts des travailleurs. On a plutôt l’habitude de l’inverse. »
« La Commission européenne propose une présomption de salariat : c’est-à-dire que les livreurs que l’on voit dans la rue – qui ont été en première ligne pendant la crise -, qui n’avaient aucun droit jusque-là, seront présumés salariés. Pareil pour les chauffeurs VTC. »
« Cette annonce ne tombe pas du ciel. C’est le résultat de deux ans de batailles. C’est un coup de tonnerre parce que c’est aussi une défaite pour les lobbies des plateformes. Et une défaite pour Macron qui était le principal VRP des plateformes. »

Sur le parcours de la directive
« Pour l’instant, ça n’est qu’une proposition de directive mais le plus dur a été fait. »
« Le Parlement européen, contrairement au Parlement français, ne permet pas le droit d’initiative législative. On ne peut pas écrire le premier jet des textes de lois. Une bonne partie du travail a consisté à faire du lobbying auprès de la Commission européenne pour que le premier jet aille dans le bon sens. »
« En septembre dernier, on avait déjà obtenu que le Parlement européen se positionne en faveur de la présomption de salariat – ce qui n’était pas gagné d’avance. »
« Cette proposition de la Commission européenne propose un cadre qui ne pourra pas être bougé. »
« Ce que dit cette proposition de directive c’est qu’il y a cinq critères, cinq indices qui sont des indices du lien de subordination : par exemple, on ne peut pas fixer les tarifs quand on n’a pas accès au portefeuille client. Ou quand il y a un algorithme sur les performances. Il y a cinq indices. Et à partir du moment où il y en a deux qui sont cochés, il est admis que la relation de travail relève du lien de subordination donc du salariat. »

Sur l’hostilité des plateformes et des politiques
« Les plateformes sont vent debout. Elles sont furax. On les entend sur tous les plateaux nous dire qu’on va avoir faim parce que plus personne ne commandera des sushis le soir. Qu’il va y avoir des millions d’emplois qui vont être détruits. »
« Ce que peuvent faire les plateformes, c’est vider le texte de sa substance. »
« On s’attend à un lobbying très fort des plateformes. »
« Les plateformes nous expliquent que leur modèle économique est incompatible avec le salariat ce qui est faut. La plateforme « Just Eat » fonctionne par exemple avec du salariat. »
« Les plateformes font du chantage en disant que si elles ne peuvent pas continuer à bafouer et piétiner le droit du travail, elles vont devoir partir parce que c’est incompatible avec leur modèle économique qui est basé sur la fraude. » 

Sur Emmanuel Macron
« Il va y avoir certains pays membres de l’UE qui vont vouloir vider le texte de sa substance mais le principal adversaire à cette directive, c’est Emmanuel Macron. »
« Je me suis beaucoup posé la question pour comprendre pourquoi Macron mettait autant d’ardeur à défendre les intérêts d’Uber. »
« La première fois que j’ai rencontré les lobbys de Uber et de Deliveroo, ils avaient des étoiles dans les yeux quand ils parlaient d’Emmanuel Macron. »
« Depuis le début, Macron s’est donné comme mission de servir les intérêts d’Uber. »
« Macron a bien perçu l’opportunité qu’il y avait dans cette histoire, à casser le statut du salariat. »

Sur la prise de conscience au sein des plateformes
« Sans la mobilisation des travailleurs de ces plateformes, on n’en serait pas arrivé à cette annonce de la Commission européenne. Le facteur déterminant a été l’irruption de leurs paroles et de leurs revendications sur la scène bruxelloise. »
« Nous avons construit un lobby populaire. »
« Les lobbys ont l’habitude d’être un peu comme s’ils étaient à la maison [au Parlement européen]. »

Sur la mobilisation des chauffeurs VTC
« Souvent, il y a un argument qui revient : les chauffeurs VTC ne veulent pas être salariés. Effectivement, ils ne veulent pas. Mais ce pourquoi ils ont rejoint la mobilisation et qu’ils sont ceux sans qui la victoire n’aurait pas été possible, c’est que lorsqu’ils ont signé avec Uber, ils ont signé avec une plateforme qui devait leur servir d’intermédiaire avec mes clients. Mais ils se sont rapidement rendus compte que c’était une arnaque et que, pour reprendre leurs termes, qu’ils sont les Pokemon d’Uber. »

La suite du verbatim est à lire sur http://www.regards.fr