COP 26. Docteur Jekyll et Mister Hyde. Emmanuel Macron a deux faces. Côté pile, celle du « champion de la terre », du chef d’État qui se pose en donneur de leçon climatique. Côté face, Médiapart vient de révéler l’existence d’une alliance secrète avec Viktor Orbàn en Hongrie et avec le gouvernement polonais pro charbon pour relancer le gaz fossile et le nucléaire. En pleine COP 26, la fuite d’un document vient en effet de faire voler en éclats la communication française, et couvrir de honte le président de la République. Alors même que la France vient d’être doublement condamnée pour inaction climatique, non seulement la macronie reste bloquée dans l’illusion du marché et de la finance verte, mais pire, elle œuvre en sous-marin pour relancer des énergies fossiles. Problème : son lobbying vient d’éclater au grand jour. Notre article.
La planète alerte, l’écologie libérale ne prononce jamais le mot capital
Les 1% les plus riches de la planète polluent 100 fois plus que la moitié la plus pauvre de l’humanité. 100 multinationales sont à l’origine de 70% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais faites pipi sous la douche, c’est ce que vous dit l’écologie libérale, celle de la responsabilité individuelle, celle qui ne mentionne jamais les causes, les responsables, ne prononce jamais le nom de vous savez qui : du capital.
Cet été aurait pourtant pu faire se réveiller ces puissants endormis de profits et d’aigreurs dans leurs fauteuils. Les flammes ont ravagés le Canada, la Kabylie, la Grèce, le thermomètre s’est envolé au dessus de 50°C en Irak, et a même atteint 48°C en… Sibérie ! Les inondations ont décimé l’Allemagne et la Belgique. Et la France aussi n’a pas été épargnée par les sécheresses et les incendies.
11 millions de dollars, c’est le montant des subventions publiques aux énergies fossiles… chaque minute !
La solution est connue de tous : pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut sortir des énergies fossiles. C’est pourtant pas gagné : 11 millions de dollars, c’est le montant des subventions publiques aux énergies fossiles… chaque minute dans le monde ! Autant d’argent qui n’est pas investi dans les énergies renouvelables. Mauvaise nouvelle de plus : les prévisions mondiales de production de charbon, de pétrole et de gaz pour 2030, sont deux fois supérieures à celles compatibles avec une limitation du réchauffement à +1,5°C, l’objectif fixé par la COP 21 en 2015 à Paris.
Le lobbying anti-climat continue en effet de tourner à plein régime. Avec à sa tête, un certain… Emmanuel Macron. « En même temps » que le président français se posait en donneur de leçon en ouverture de la COP 26 ce lundi 1er novembre 2021 à Glasgow, un document européen fuitait.
En pleine COP 26, la fuite du document qui embarrasse la macronie
Deux pages rédigées en anglais. Une proposition d’ « acte délégué » – un texte juridique contraignant émis par la Commission européenne – demandant à ce que le gaz fossile et le nucléaire soient deux activités labellisées « énergie verte » par l’Union européenne (UE). Paris a noué une alliance inédite avec les pays d’Europe centrale, pro-gaz et peu ambitieux en matière climatique comme la Hongrie, gouvernée par un certain Viktor Orbán, ou la Pologne dirigée par un gouvernement ultra-conservateur qui refuse de mettre fin à ses gigantesques exploitations charbonnières. Un document qui fait sacrément tâche en pleine COP 26.
Inclure le gaz fossile comme une énergie verte de « transition » au sein de la « taxonomie européenne » (un système de classification européen de ce qui est considéré comme « durable » d’un point de vue environnemental et social, NDLR) serait un contre-sens climatique. Les scientifiques rappellent en effet sans cesse que pour limiter le réchauffement climatique, il faut laisser plus de 50% des réserves mondiales de gaz dans nos sous-sols.
Ce document qui demande à ce que le gaz fossile et le nucléaire soient estampillés « vert », entérine le fait qu’environ la moitié des centrales au gaz existantes dans l’UE pourraient être qualifiées de « vertes ». Pire, l’ouverture de nouvelles centrales à gaz serait autorisée jusqu’en 2030. L’évènement d’un tel accord constituerait une catastrophe climatique.
2022 : dernière station avant le désert
« Beaucoup de diplomates français ont été vus dans les pays de l’est de l’UE pour soutenir cette proposition. C’est vraiment une coalition “sale”. Le lobbying français est allé très loin » confirme ainsi un eurodéputé à Médiapart. Un accord qui irait complètement à contre sens des objectifs climatiques de l’accord de Paris et les dernières recommandations de l’Agence internationale de l’énergie pour l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Et ce, alors même que plusieurs études (ici et là) démontrent que l’Europe n’a aucunement besoin de développer de nouvelles infrastructures gazières pour répondre à ses besoins énergétiques.
Mieux, deux rapports, RTE et Négawatt, viennent de démontrer qu’atteindre le 100% renouvelables et la neutralité carbone en 2050 est tout à fait possible. Confirmant la faisabilité du programme l’Avenir en commun, plébiscité par les associations et ONG environnementales et ayant rassemblés plus de 7 millions de voix et près de 20% des suffrages en 2017. Meilleur nouvelle encore, ce programme de rupture écologique est porté par celui qui est le grand favori à gauche dans la course à la présidentielle. Il y a plus que jamais urgence.
Mais pendant que la planète s’embrase, Emmanuel Macron prépare des alliances en sous marin avec Victor Orbàn pour relancer des énergies fossiles. Et le chef de l’État ose fanfaronner alors même que son gouvernement vient d’être doublement condamné pour inaction climatique, par le Conseil d’État et par le tribunal administratif de Paris. Face à l’urgence, l’élection présidentielle de 2022 ressemble plus que jamais à la dernière station avant le désert.
Par Pierre Joigneaux.
.