« Je n’y croyais pas » – La rencontre entre Jean-Luc Mélenchon et Céline Guillon, 95 ans.

Ce jeudi 17 septembre 2021, Jean-Luc Mélenchon s’est rendu à Jarny (54) pour rencontrer Céline Guillon, 95 ans, dans l’EHPAD dans lequel elle réside. À l’origine de cette rencontre, une lettre envoyée par la nonagénaire à Brigitte Macron, Gérard Larcher et au président du groupe « La France insoumise » à l’Assemblée nationale. Céline Guillon y dénonçait notamment la vie difficile des personnes âgées et le droit de mourir dans la dignité. Plutôt que de lui répondre par un courrier, Jean-Luc Mélenchon a préféré se rendre sur place pour échanger avec elle. Notre article.

« Je n’y croyais pas : personne ne vient jamais dans mon bled »

En se rendant à l’EHPAD de Jarny, le candidat de l’Union populaire à l’élection présidentielle de 2022 a provoqué la surprise de celle qui lui avait écrit. « Même quand on me l’a confirmé, je n’y croyais pas : personne ne vient jamais dans mon bled », avoue Céline Guillon, ravie qu’il ait fait le déplacement pour la rencontrer.

Accompagné de la députée insoumise Caroline Fiat, très en pointe sur les dossiers liés au grand-âge et elle-même ancienne aide-soignante en EHPAD, Jean-Luc Mélenchon a échangé pendant près d’une heure avec Céline Guillon. Un dialogue surprenant au cours duquel de nombreux sujets ont été abordés : politique désastreuse des États-Unis en Afghanistan et en Irak, accaparement de la richesse par les multinationales, droit à mourir dans la dignité… Et les points de convergence étaient nombreux entre le député et la « citoyenne vigilante ».

Le combat de Céline Guillon pour le droit à mourir dans la dignité

À Jean-Luc Mélenchon, Céline Guillon retrace en quelques minutes une vie de près d’un siècle. Polonaise élevée en France par des Italiens après avoir perdu ses parents, elle raconte son histoire : femme de mineur, elle a élevé ses enfants. « J’adorais l’école, dit-elle, mais on n’avait pas assez d’argent pour continuer les études ». Dans ses mots, c’est la vie d’une femme du peuple qu’elle raconte. Une femme courageuse. « Je me suis toujours battue pour les autres, explique-t-elle, même quand ce n’était pas mes affaires. Mon voisin battait sa femme à coup de ceinture. Je suis allée lui dire d’arrêter de faire ça. »

C’est cette même volonté de s’occuper des autres qui l’anime encore à 95 ans lorsqu’elle évoque le sujet de la fin de vie. Avec des mots très crus et très poignants. « La vie est dure quand on attend la mort et qu’on l’attend longtemps. Moi j’en ai marre. Je ne me suiciderai pas parce que j’aurais trop peur de me rater. Mais on devrait pouvoir choisir le moment de sa mort. J’espère que d’autres que moi pourront avoir ce droit. » Elle donne des exemples de pays qui ont avancé sur cette question : l’Espagne, la Belgique, la Suisse…

Jean-Luc Mélenchon, qui porte dans son programme présidentiel le droit à mourir dans la dignité, abonde dans le sens de Céline Guillon : « Souvent quand on parle de droit à mourir dans la dignité, se pose la question de savoir s’il doit être ouvert aux personnes très âgées mais en bonne santé. C’est important pour moi que quelqu’un comme vous, qui êtes en bonne santé, me disiez que ce nouveau droit est essentiel. Cela donne de la force pour défendre cette idée. »

De « l’argent sale » du Luxembourg aux « Américains qui décident de tout »

Mais Céline Guillon profite de la présence de Jean-Luc Mélenchon pour évoquer bien d’autres sujets avec le candidat à l’élection présidentielle qui peut tout changer s’il était élu. Elle explique d’abord la difficulté de s’occuper des papiers administratifs quand on a un âge avancé, elle dénonce la baisse des APL, décidée par Macron, qui a directement impacté son revenu.

Et puis, de fil en aiguille, la conversation s’enchaîne entre le député insoumis et la nonagénaire, qui partagent bien des points politiques communs : « De l’argent, il y en a. Ce sont toujours les mêmes qui les ont. Il faut partager la richesse. », explique Jean-Luc Mélenchon. « Ce sont les multinationales qui accaparent tout » abonde Céline Guillon avant d’évoquer « L’argent sale » du Luxembourg voisin issu de l’évasion fiscale, puis d’échanger avec le député insoumis sur les conditions salariales des personnels soignants. 

Et sur la politique internationale, la nonagénaire donne le ton : « C’est les Américains qui décident de tout ici » puis « Vous pouvez me dire ce qu’on a été faire en Afghanistan ? » avant d’expliquer « J’ai voté en non en 2005 mais on nous a quand même fait voter oui à la fin sans notre avis ». Jean-Luc Mélenchon abonde, défend la souveraineté de la France et son indépendance. Il explique : « avec moi ça ne se passera plus comme ça ». Il en fera d’ailleurs quelques heures plus tard la démonstration en écrivant dans le train de retour une tribune, (publiée ce 17 septembre chez nos confrères de L’Opinion) contre l’annulation du contrat sur les sous-marins à propulsion nucléaire entre la France et l’Australie, sous la pression des Américains.

Arrive l’heure du départ. L’agenda du candidat à l’élection présidentielle est chargé. « Je ne pensais pas que vous viendriez, je vous remercie d’avoir pris le temps de faire le déplacement », lui dit Céline Guillon. Jean-Luc Mélenchon la salue et sort de la salle. Il échange ensuite avec les personnels soignants de l’EHPAD dans le hall d’accueil… avant de recroiser son interlocutrice. Ils échangent une dernière plaisanterie. Car Céline Guillon et Jean-Luc Mélenchon n’ont pas que des points communs politiques : ils n’auront cessé de plaisanter durant leur entretien. L’humour est peut-être ce qui permet de parler de sujets aussi pesants pour le coeur que la fin de vie et le droit à mourir dans la dignité. Comme le dit Victor Hugo : « Le rire, c’est le soleil, il chasse l’hiver du visage humain ».

Par Antoine Léaument.