6ème rapport du GIEC : la planification écologique, l’urgence n°1 pour 2022

Glaçant. Révoltant. Effrayant. Les mots manquent pour qualifier le 6ème rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié ce lundi 9 août 2021. Le cap des + 1,5°C pourrait être atteint dès… 2030. Soit 10 ans plus tôt que les estimations prévues par le précédent rapport du GIEC en 2013. Canicules, sécheresses et feux de forêts démultipliés, inondations et pluies diluviennes en cascade, cet été n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend si on ne planifie pas immédiatement la bifurcation écologique. Des seuils de basculement, comme l’effondrement de la banquise ou le changement de courant océanique (comme le Gulf Stream), pourraient être atteints d’ici la fin du siècle et produiraient des effets irréversibles qui iraient en s’amplifiant sans limitation possible. Il nous reste 20 ans pour éviter le pire. L’urgence écologique doit être le sujet n°1 de la campagne de 2022. Notre article.

150 000 incendies en cours sur le globe

Les vacances. Si 4 Français sur 10 n’ont pas la chance de partir cet été, restants à la maison après des mois de confinements, une majorité d’entre nous se trouve quelque part entre la plage et le transat. Là où la météo le permet. Et c’est peu de dire qu’elle est capricieuse cet été la météo. Le dérèglement climatique se fait en effet terriblement ressentir.

Vous avez peut-être entendu un lointain écho des infos : la Grèce et la Turquie sont sous les flammes. Mais également l’Angola, la Zambie, le Malawi, la Tanzanie, le Zimbabwe, Madagascar ou encore l’Afrique du Sud. On estime ainsi à 150 000 le nombre de feux en cours sur le globe. Sans oublier les terribles inondations qui ont submergé l’Allemagne et la Belgique en juillet. Ou les vagues de canicules qui ont fracassé l’Irak, le Canada, Chypre, la Californie, la Grèce, l’Inde et même la Sibérie également en ce mois de juillet.

Le cap des +1,5°C pourrait être atteint dès… 2030 !

Cet été n’est qu’un avant goût si on ne fait rien. C’est ce que nous détaille le nouveau rapport du GIEC publié ce lundi 9 août 2021. Un rapport à perdre le sommeil. Le changement climatique se généralise, s’accélère et s’intensifie. À tel point que le cap des +1,5°C devrait être atteint bien plus tôt que prévu, et que l’atteinte de « tipping points » (seuils de basculements en français NDLR), comme l’effondrement de la banquise ou le changement de courants océaniques aux conséquences dramatiques, constituent des menaces sans précédentes qui planent désormais dangereusement sur l’humanité.

Dans ce premier volet de ce 6ème rapport du GIEC, rédigé par 234 auteurs de 66 pays qui ont synthétisé plus de 14 000 études scientifiques, cinq scénarios d’émissions de gaz à effet de serre sont pris en compte. Et quel que soit le scénario, la température globale continuera d’augmenter jusqu’au moins la moitié du siècle. La température moyenne de surface est déjà 1,09°C plus chaude qu’en 1850.

Le seuil de 1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère industrielle pourrait être atteint dès 2030, et sera atteint quoi qu’il arrive avant 2040, soit au moins 10 ans plus tôt que les estimations du GIEC dans son précédent rapport datant de 2013. Et le seuil des + 2 °C pourrait quant à lui avoir lieu au milieu du siècle (2050) dans les trois scénarios les plus émetteurs, ce qui signerait l’échec de l’Accord de Paris sur le climat et son objectif de limiter le réchauffement en deçà de +2°C et si possible de +1,5°C.

Des évènements climatiques extrêmes plus intenses et plus fréquents

La concentration de CO2 (dioxyde de carbone) dans l’atmosphère atteint plus de 410 ppm – un niveau que la planète n’a pas connu depuis… 2 millions d’années. Cette transformation due à l’activité humaine se traduit par des effets déjà nettement observables : les glaciers se retirent partout dans le monde, la glace arctique fond fortement, la couverture glacée du Groenland a également commencé à fondre, l’acidification des océans est engagée, le niveau des mers s’élève (3,6 mm par an depuis 2006).

Le GIEC consacre tout un chapitre aux « événements climatiques extrêmes ». Depuis leur dernier rapport de 2013-2014, les scientifiques ont encore renforcé leurs preuves que les vagues de chaleur, les fortes précipitations, les sécheresses ou encore les cyclones tropicaux peuvent être attribués à l’influence humaine. « Ce n’est même plus un consensus scientifique mais un fait établi » précise ainsi Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS.

« Le changement climatique conduit à des événements climatiques extrêmes plus intenses et plus fréquents. Cela se traduit par exemple par des canicules plus longues et qui surviennent plus tôt ou plus tard que leur saisonnalité habituelle. (…) Nous sommes entrés dans le dur, et cet été n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend si nous n’agissons pas dès maintenant ». L’alerte est claire.  

Augmentation très rapide de la concentration en méthane, perte d’efficacité des puits de carbone

Si le CO2 est le principal moteur du changement climatique, le GIEC souligne l’extrême dangerosité de la concentration de méthane qui connaît une hausse très rapide depuis environ dix ans. Ce gaz à effet de serre est en effet responsable de près d’un quart du dérèglement climatique et son potentiel de réchauffement est 28 fois supérieur à celui du CO2 sur une période d’un siècle.

Le GIEC pointe également la perte d’efficacité des puits de carbone : les océans et les forêts, poumons verts de la planète, seront en effet de moins en moins efficaces au fur et à mesure de l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère. Sur les 60 dernières années, les puits de carbone naturels comme les forêts ou les océans ont absorbé 56 % des rejets de CO2 par an. Mais plus les émissions augmenteront, plus cette fraction diminuera pour n’atteindre plus que 38 % dans les scénarios les plus pessimistes qui prévoient un réchauffement entre 3,3 °C et 5,7 °C d’ici à 2100.

Le grand danger du ralentissement du grand courant océanique atlantique (AMOC) et de la probable disparition du Gulf Stream

Le GIEC alerte enfin sur le ralentissement du grand courant océanique atlantique dit AMOC (Atlantic meridional overtuning circulation), dont le Gulf Stream est une branche, qui se produira « très probablement » durant le 21e siècle selon le rapport. La probable disparition du Gulf Stream a en effet fait parler ces derniers jours. Des travaux scientifiques révélés le 5 août par The Guardian montre des signaux de déstabilisation « effrayants » de l’AMOC selon Niklas Boers, auteur de l’étude

L’effondrement de l’AMOC aurait des conséquences désastreuses dans le monde entier, ce que les chercheurs du GIEC dénomment « un point de bascule » ou tipping point en anglais. Il perturberait gravement les moussons dont dépendent des milliards de personnes pour se nourrir, augmenterait les tempêtes et ferait baisser les températures en Europe ou encore ferait monter le niveau de l’océan dans l’Atlantique Nord. Rien que ça.

Moins de 20 ans pour éviter le pire : urgence de mettre fin à l’inaction politique et de planifier enfin la bifurcation écologique

Face à ce glaçant constat, ce ne sont pas les conclusions de ce 6ème rapport du GIEC qui sont alarmantes, mais bien l’inaction politique. Sachant que l’humanité émet de l’ordre de 40 milliards de tonnes de CO2 par an, il reste 22 ans d’émissions à ce niveau (ou 900 milliards de tonnes à émettre) pour rester en-dessous de 2°C, et 7 ans et demi (ou 300 milliards de tonnes) pour rester en-dessous de 1,5°C. Moins de 20 ans maximum donc pour éviter le pire.

Lancer (enfin) la planification de la bifurcation écologique est donc une urgence absolue. Bonne nouvelle : un programme plébiscité par les associations et ONG écologistes depuis 2017 propose la planification écologique. Et il a déjà rassemblé plus de 7 millions d’électeurs et près de 20% des suffrages lors de la dernière échéance présidentielle. Meilleure nouvelle : ce programme est porté par le candidat aujourd’hui de loin le mieux placé à gauche dans les sondages.

Loin de la diversion identitaire et sécuritaire, la première insécurité est bien écologique. L’urgence d’amener la question écologique et sociale au cœur de l’agenda médiatique est absolue. La planification de la bifurcation écologique, urgence n°1 pour 2022.

Pour aller plus loin : Les riches détruisent la planète : les chiffres chocs… pour une écologie populaire !

Par Pierre Joigneaux.