Élections régionales, point d’étape pour les insoumis

Tour d’horizon du paysage politique à l’approche des élections régionales. LFI, EELV, PCF, quelles alliances, quelles stratégies ?

« Coup de théâtre », « coup de maitre » le feuilleton des régionales du côté de la gauche traditionnelle et de LFI s’est enrichi d’un épisode dans les Hauts de France. Il est clair que son compte rendu par les uns et les autres est une prolongation de la lutte par d’autres moyens. Parfois émaillée dans les médias de pures inventions qui montrent aussi des rédactions avides de jeter de l’huile sur le feu, même au prix du mensonge. Mais cela ne surprend plus personne. En réalité l’évènement est moins flamboyant qu’il se le raconte. Commençons par le commencement.

Les Insoumis voulaient un accord national avec EELV et le PCF. Le raisonnement : les questions essentielles du rapport aux traités européens, à la 5e République ou au nucléaire ne sont pas engagées par l’élection régionale. LFI pouvait donc prendre contact avec toutes les forces politiques de la gauche traditionnelle et des écologistes en opposition à Emmanuel Macron. Les insoumis leur ont proposé un accord national. Cela paraissait décisif aux insoumis pour réussir la mobilisation des électeurs dans une période particulièrement marquée par l’abstention. Bilan : chou blanc !

EELV a refusé, renvoyant toutes les décisions dans les régions. En région EELV ne voulait céder aucune tête de liste. Elle affichait même des positions soit franchement sectaires soit volontairement humiliante. De son côté, le PCF a accepté de nombreuses rencontres. Elles se sont déroulées dans une bonne ambiance. Hélas elles n’ont produit aucun résultat ou que ce soit. Un malaise s’est établi quand il est apparu que le négociateur communiste lui-même ne soumettait pas l’option de l’alliance avec LFI aux bases communistes. Le bulletin de vote dans sa région ne prévoyait qu’un vote pour ou contre l’alliance avec le PS. Le malaise s’est accru quand il est apparu que la direction communiste intervenait contre l’accord avec LFI là où celui-ci était proposée par les conférences régionales, comme en Ile de France et en Auvergne Rhône Alpes. Le malaise s’est incrusté quand les négociateurs régionaux de LFI ont appris dans la presse la fin de leur travail avec le PCF parce que celui-ci avait conclu un accord de son côté avec le PS. Ce fut le cas en Bourgogne Franche Comté et Centre Val de Loire. L’ambiance a parue franchement étrange quand un représentant du PCF a déclaré en pleine réunion unitaire que la meilleure tête de liste pour PACA était un vert dissident plutôt que la cheffe de file insoumise, femme cadre du syndicalisme CGT mondial.

Bilan d’ensemble : malgré de fortes convergences programmatiques, constatées à l’occasion de nombreuses rencontres, aucune organisation en dehors de LFI n’a donc voulu s’engager de façon globale à l’échelle nationale. Dont acte. La ligne d’action insoumise s’est donc adaptée. Mais récapitulons d’abord. Nous pouvons faire deux constats.

Premier constat, le PCF a choisi de privilégier l’alliance avec le Parti socialiste. Il le rallie ainsi dans les cinq régions à sortant socialiste. Et cela quand bien même plusieurs d’entre eux dirigent des majorités avec des macronistes et que LFI était disposée à céder la tête de liste aux communistes ! Ainsi en Bretagne, les communistes participeront à une liste menée par le socialiste Loig Chesnais Girard installé par le ministre LREM Le Drian. Celui-ci dirige la région en s’appuyant sur une majorité composée notamment de Richard Ferrand, président LREM de l’Assemblée nationale.

La priorité donnée par la direction du PCF au ralliement au Parti socialiste est si nette que dans certaines régions, l’hypothèse d’une alliance avec LFI n’a même pas été soumise au vote des adhérents. En Nouvelle Aquitaine, il a fallu de vifs débats pour permettre aux communistes de simplement pouvoir voter en faveur de l’option d’une liste commune avec LFI. Ailleurs, comme en Ile de France ou en Auvergne Rhône Alpes, certains des plus éminents dirigeants communistes, Ian Brossat et André Chassaigne, ont pesé de toute leur autorité pour défendre l’alliance avec le Parti socialiste. Du coup, dans ces deux régions, les listes communes LFI-PCF sont finalement le résultat de la mobilisation des militants communistes eux-mêmes. Et contraire à l’orientation souhaitée par les dirigeants nationaux du parti…

La mobilisation de la direction communiste en faveur des alliances avec le Parti socialiste s’explique certainement par un accord entre ces deux partis. Le ralliement des communistes aux socialistes partout en France devait entrainer le soutien des socialistes aux communistes dans une région, les Hauts de France où Fabien Roussel est candidat tête de liste. Comment comprendre autre chose alors qu’après des mois de discussions constructives, après avoir satisfait toutes les demandes exprimées localement par les communistes, ils aient fait le choix, comme en Centre Val de Loire ou en Bourgogne Franche Comté, de rallier des socialistes pourtant publiquement prêts à des fusions de second tour avec LREM.

Deuxième constat, EELV ne conçoit le rassemblement que comme un ralliement. Elle a fait de l’acceptation de ses têtes de listes un préalable à tout échange. Dans de nombreuses régions, ce positionnement hégémonique a ainsi bloqué jusqu’à une simple prise de contact. Ailleurs, comme en Nouvelle Aquitaine, les écologistes ont brutalement interrompu des discussions pourtant bien engagées sur le fond après la publication de sondages leur laissant espérer réaliser un score dont ils disaient vouloir faire seuls la démonstration. En Bourgogne Franche Comté, ce sont les groupuscules du « pôle écologiste » comme Cap 21, qui ont mis leur veto à toute discussion avec LFI.

Deux régions seulement voient des chefs de file EELV accepter d’ouvrir des discussions constructives avec les insoumis. En Centre Val de Loire. Depuis plusieurs mois LFI et EELV y travaillent dans des conditions respectueuses. Dans les Hauts de France. Karima Delli, cheffe de file EELV, y a engagé des échanges respectueux et sérieux permettant un accord politique avec la France insoumise. Il est vrai que c’était déjà le cas en 2015 et le PCF avait refusé l’union. Dans ces deux régions il a bien sur fallu supporter le chantage à la tête de liste. Mais après tout, dans ces deux régions aussi le PCF ne concevait l’union que derrière lui.

A la fin, une démonstration est faite : les Insoumis sont la seule force capable de s’entendre avec chacune des composantes de la Gauche traditionnelle, de EELV au NPA. Avec les communistes bien sur, en Ile de France, AURA, Normandie (une tête de liste LFI, deux communistes) et nous l’espérons si c’est encore possible ailleurs. Avec les écologistes en Hauts de France et Centre Val de Loire pour l’heure (deux têtes de liste EELV). Avec le NPA de Philippe Poutou en Nouvelle Aquitaine. Indépendant (tête de liste) et Générations dans le Grand Est. La GDS de Gérard Filoche, Nouvelle Donne, Place publique, la GRS sont également engagés aux côtés des insoumis dans plusieurs régions. LFI compte également poursuivre des discussions avec le Parti animaliste. Les outre mers seront également l’un des terrains de la fédération populaire. Les insoumis y font de bons scores ! Ils seront actifs pour appuyer des listes de convergences locales. Il reste quelques semaines à la France insoumise pour parachever la démonstration de sa capacité unitaire. Et pour entrer partout de plein pied en campagne.

Par Pierre Joigneaux.