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Militants écolos : la répression en Marche

Retrouvez chaque semaine le billet vert de Martine Billard, ancienne députée écologiste, oratrice nationale de la France insoumise. Cette semaine zoom sur la répressions des militants écolos.

La répression contre les actions écologistes n’est pas une nouveauté. À chaque fois ces dernières années que les intérêts du lobby nucléaire, militaire, chimique, ou de l’agro-industrie ont été pris pour cible…. la répression s’est abattue férocement.

L’opposition à l’extension du camp militaire du Larzac de 1971 à 1981 restera longtemps un modèle capable de rassembler des catégories de population très éloignées. Paysans, ouvriers (notamment ceux de Lip) et militants antimilitaristes s’y sont retrouvés autour d’actions non-violentes et innovantes. Malgré la répression utilisée à leur encontre, les militants ont fait céder le pouvoir. Une source d’inspiration pendant de nombreuses années.

Les constructions de plusieurs centrales nucléaires provoqueront également de nombreuses actions de militants écologistes.

L’opposition à la centrale de Superphénix à Creys-Malville dans l’Isère rassemblera des dizaines de milliers de manifestants non seulement en France mais également en Suisse et en Allemagne le 31 juillet 1977. A l’époque, le préfet de l’Isère s’exprime ainsi lors d’une conférence de presse : « Messieurs, pour la deuxième fois dans l’histoire de France, la mairie de Morestel est occupée par les boches » et ajoute « s’il le faut je ferai ouvrir le feu sur les contestataires ». La répression fera 1 mort : Vital Michalon, militant pacifiste, touché par une grenade offensive, deux mutilés (un pied et une main) et des dizaines de blessés. Un appel sera alors lancé demandant l’interdiction des grenades offensives. Dès 1977 !

Ces mêmes grenades offensives seront de nouveau la cause de la mort d’un manifestant pacifiste, Rémi Fraisse, le 26 octobre 2014, lors d’une manifestation contre le projet du barrage de Sivens dans le Tarn.

De 1978 à 1981 les habitants de Plogoff, opposés au projet d’implantation d’une centrale nucléaire à proximité de la pointe du Raz dans le Finistère, rejoints par des militants antinucléaires, doivent plusieurs fois faire face à des affrontements violents avec les CRS. La fantastique mobilisation des femmes est racontée par le film Plogoff, des pierres contre des fusils.

Le Pellerin puis le Carnet, deux projets d’implantation de centrales nucléaires près de Nantes. Face à une très forte opposition le premier projet est abandonné mais remplacé en 1996 par celui du Carnet et la mobilisation fait là encore face à une très forte répression policière.

Si le réacteur nucléaire de Superphénix a été construit, les projets de Plogoff, du Pélerin et du Canet ont été abandonnés grâce aux luttes. Le barrage de Sivens ne sera pas construit tel que prévu au départ. Des formes de luttes diverses ont donc permis plusieurs victoires.

De la même façon, les actions des Faucheurs volontaires dans les années 2000 ont mis sur la place publique le débat sur la nocivité des OGM. Elles ont aboutit à une loi les interdisant. Les actions publiques dénonçant les pesticides tueurs d’abeille (gaucho, Régent, Fipronil) ont aussi obligé les gouvernements à agir.

Toutes ces luttes victorieuses se sont affrontées à des lobbies puissants mais grâce à des mobilisations de masse entraînant derrière elle l’opinion publique, les gouvernements ont été obligés de reculer. Elles ont permis des avancées notables pour la défense de notre environnement.

L’année 2015 marque un tournant. L’instauration de l’état urgence, en réponse aux attentats du 13 novembre, est utilisée pour réprimer le mouvement climat par Manuel Valls et Bernard Cazeneuve alors premier ministres et ministre de l’intérieur. Les manifestations à l’occasion de la COP 21 qui se tenait à Paris, sont interdites et réprimées. Pour la première fois, des militants politiques font l’objet de perquisitions musclées avant même toute participation à une manifestation, sont assignés à résidence pour empêcher leur participation aux mobilisations, et la chaîne humaine organisée par la Coalition pour le Climat est brutalement réprimée avec des centaines d’arrestations. Partout ailleurs dans le monde, le même jour, les manifestations se déroulent sans problème. Triste exception pour la patrie des Droits de l’Homme !

À Bure pour imposer le projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires, une opération policière et judiciaire sans précédent s’est abattue sur les opposants : surveillance constante, mise sur écoute, perquisitions, interdictions de résidence dans le territoire, de rencontrer d’autres opposants etc …

Un nouveau pas dans le durcissement de la répression contre les actions des militants pour l’environnement est encore franchi avec la création le 13 décembre 2020 de la Cellule de gendarmerie nationale « Déméter pour lutter contre l’agribashing», concept inventé par la FNSEA.

Selon Christophe Castaner, ministre de l’intérieur à cette date, il s’agit de s’attaquer aux « actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques ».

En résumé, critiquer l’agriculture industrielle ou la souffrance animale dans des élevages industriels et mener des actions symboliques est dorénavant considéré comme un crime. Avec cette cellule dédiée de la gendarmerie, les militants écolos sont donc traités comme des terroristes en puissance et mis sous surveillance.

Mais ce n’était pas encore suffisant pour certains. Un rapport parlementaire sur « l’entrave à l’exercice d’activités légales », sous l’impulsion de LR et de En Marche, propose de « renforcer l’arsenal pénal » contre « les militants antiglyphosate, véganes ou antichasse ». Actuellement pour poursuivre un militant, faut-il encore qu’existent des actes de violence ou des menaces. Mais comment riposter à des actions non violentes ?

Ce rapport a la solution : considérer toute action, même non violente, même sans menace, comme un délit, et supprimer la condition de concertation pour pouvoir poursuivre un individu isolé qui ose protester pacifiquement son opposition à une pratique jugée nocive. Il prévoit aussi de réprimer tout trouble porté au déroulement normal d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou de loisir et d’interdire de boycotter ou d’appeler au boycott sur la base d’une activité professionnelle. Ce serait puni de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende !! Les peines seraient aggravées lorsque « le but de l’introduction est de filmer ou capter les paroles prononcées dans ces lieux aux fins d’espionner autrui ou l’activité d’autrui ou de rendre publiques les images ou paroles captées ». Les milieux de l’élevage industriel ne supportent pas les dénonciations de maltraitance animale.

Si ces recommandations sont effectivement reprises dans une loi, il deviendra interdit de critiquer par internet les amateurs de chasse, de corrida, de courses de voitures ou toute autre activité de loisirs polluantes, et de manifester pacifiquement lors du déroulé de telles activités. La contestation du modèle agricole dominant pourrait ainsi être considérée comme un dénigrement et donc être sanctionnée. C’est toute une critique sociale et écologique qui deviendra interdite.

Au lieu de poursuivre les militants écologistes, la France Insoumise défend la protection des lanceurs d’alerte afin que la lutte pour préserver notre écosystème passe avant les intérêts de lobbies rétrogrades ou ceux de multinationales polluantes.

Par Martine Billard.