Pesticides : le Conseil d’état interdit d’interdire

Pesticide : le Conseil d’État a indiqué ce 5 janvier qu’il n’était pas de la compétence des maires d’interdire les pesticides. Interdit d’interdire malgré le consensus scientifique sur la dangerosité des pesticides pour la santé humaine ainsi que pour l’environnement. Le Conseil d’État fait passer les intérêts des multinationales avant notre santé. Retrouvez chaque semaine le billet vert de Martine Billard, ancienne députée écologiste et oratrice nationale de la France insoumise.

La première chose à rappeler concernant les pesticides chimiques est qu’il y a consensus scientifique sur leur dangerosité pour la santé humaine ainsi que pour l’environnement. Les premières victimes en sont d’ailleurs souvent les paysans.

En France en 2007 le Grenelle de l’environnement prévoyait une diminution de leur utilisation de 50 % en 10 ans soit pour 2017. L’échéance a été régulièrement repoussée. La réalité ? Une augmentation de 12 % entre 2009 et 2016.

Le 27 novembre 2017 Macron fixait au 1er janvier 2021 la sortie du glyphosate. Nous y sommes et le glyphosate continue à être autorisé en France. Pourtant il a été prouvé que pour 90 % des surfaces agricoles il y avait des alternatives. La France est toujours le premier utilisateur d’herbicide et notamment de glyphosate en Europe.

Dans l’Union Européenne l’autorisation de commercialisation est valable jusque fin 2022 mais pourra être reconduite.

Le Mexique, par un décret du 1er janvier, se donne 3 ans pour arrêter d’utiliser le glyphosate ainsi d’ailleurs que les semences de maïs OGM afin de protéger le maïs indigène.

La loi biodiversité de 2016 interdisait les néonicotinoïdes. Mais cette interdiction a été suspendue jusqu’en 2023 par une loi validée par le Conseil Constitutionnel. Cette suspension n’est censée être utilisée que pour les betteraves mais on peut craindre que d’autres productions demandent la même exception au nom du principe d’égalité. Alors qu’il faut immédiatement se mettre à chercher des alternatives, à chaque fois les producteurs concernés par ces interdictions attendent d’arriver à la date fatidique pour dire que c’est impossible et donc de demander des prolongations. Pendant ce temps les abeilles et autres pollinisateurs meurent.

Face à cette course de lenteur, des maires ont fait le choix, au nom du principe de précaution garantit par la Constitution, d’interdire ces pesticides dans leurs communes ou au moins à proximité des habitations. Les préfets ont systématiquement déféré ces arrêtés municipaux devant les tribunaux administratifs qui les ont retoqués.

Saisi par un recours, le Conseil d’État a indiqué le 5 janvier qu’il n’était pas de la compétence des maires d’interdire les pesticides.

Ils peuvent certes à prendre des mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publique, selon le Code général des collectivités territoriales mais le Conseil d’État estime « celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’État de prendre ».

Il va même plus loin avec cette précision : il revient au législateur de : « créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l’état des connaissances scientifiques, incertains ».

Certains de ces produits sont classés cancérigènes ou reprotoxiques par les services de l’État, des enquêtes sanitaires sont menées sur la santé des agriculteurs (Agrican) et des lymphomes non Hodgkiniens et la maladie de Parkinson sont reconnues maladies professionnelles par la Mutuelle Sociale Agricole mais le Conseil d’État se permet de remettre en cause cette connaissance !!

Quant à la formule compatible avec le développement durable elle peut ouvrir la porte à toutes les exceptions.

Visiblement le principe de précaution, tel que compris par le Conseil d’État, porte plus sur les intérêts de Monsanto-Bayer and Co que sur les conséquences de l’utilisation de ces substances. 

La lutte contre les pesticides continue donc pour protéger la santé humaine à commencer celle des paysans et pour une planète vivable. 

Le billet vert de Martine Billard.