Calais. Un arrêté préfectoral signé par Gérald Darmanin interdit depuis le 10 septembre « toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires » dans une vingtaine de rues, quais et places du centre-ville. C’est le retour du délit de solidarité. Dans l’ombre, des héroïnes et des héros du quotidien peuvent être criminalisés pour leur engagement associatif. Pour leur fraternité. Pour leur républicanisme. Des députés insoumis ont reçu des amendes de 135 euros ce vendredi 25 septembre pour.. avoir distribué de la nourriture à de pauvres gens crevant de faim. La République meurt à Calais.
Herrou vs Darmanin, l’humanité a choisit son camp
6 juillet 2018. Le Conseil constitutionnel consacre la valeur constitutionnelle du principe de fraternité. Après de longs mois de combat juridique, l’agriculteur au béret le plus célèbre de la vallée de la Roya peut lever les bras. Le Conseil censure le « délit de solidarité ». Humanité : 1 – Macronisme : 0. Les membres du Conseil constitutionnel confirment : « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». Notre fraternité républicaine retrouvait alors quelques couleurs.
10 septembre 2020. Un arrêté préfectoral signé par Gérald Darmanin « interdit toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires » dans une vingtaine de rues, quais et places du centre-ville de Calais. Le nouveau ministre de l’Intérieur criminalisant ainsi… l’assistance à personne en danger, une obligation légale dans notre pays. On estime en effet que de 1 000 à 1 200 personnes vivent à la rue, dans des conditions inhumaines à Calais. Natacha Bouchart, la maire LR de Calais, à l’origine du décret de Gérald Darmanin, a par exemple illégalement installé des bennes à ordure pour empêcher les migrants de se laver. La protection de l’enfance n’est pas non plus assurée. Des mineurs isolés se retrouvant par 4, 3, 2 degrés, abandonnés dans les rues de la ville.
Des députés verbalisés pour avoir… distribué du pain, des pommes et de l’eau
Ce vendredi 25 septembre 2020, les députés Mathilde Panot et Ugo Bernalicis accompagnés des eurodéputées Manon Aubry et Anne-Sophie Pelletier, se rendaient donc à Calais. Au bout de quelques minutes de maraude, les élus insoumis sont arrêtés non loin de la gare. 135 euros d’amende par tête. Faits reprochés ? « Un sac contenant des produits alimentaires ». Des députés de la nation verbalisés pour avoir distribué du pain, des pommes, des œufs et de l’eau ? En France, en 2020. Vous ne rêvez pas. Et notre devise républicaine d’en prendre un coup.
Criminalisation de l’aide associative. Chasse aux migrants. Harcèlement. Stratégie du pourrissement. Dans la lignée de la loi asile immigration de 2018, le gouvernement poursuit sa politique inhumaine. Quand bien même elle est inefficace. Le prétexte de cette interdiction de distribution alimentaire ? Les conditions sanitaires. Si Gérald Darmanin est si soucieux de la situation sanitaire locale, on peut lui glisser quelques idées de mesures bien plus efficaces et humaines que l’affamement généralisé. Par exemple, la distribution de masques gratuits aux associations et aux personnes à la rue ou encore la mise à l’abri par l’hébergement avec repas. Ceci afin d’éviter la propagation de la maladie dans des abris de fortune et éviter que des personnes démunies soient contraintes de se présenter aux hôpitaux qui ont aujourd’hui d’autres priorités.
Fin juillet, Médecins du monde, Amnesty International, Médecins sans frontières, le Secours catholique et la Cimade se sont indignés que dans cette ville et ses alentours des centaines de migrants « n’[aient] aujourd’hui plus d’accès à l’eau potable, aux douches, à l’alimentation ». Heureusement des héroïnes et des héros du quotidien se battent chaque jour dans l’ombre pour que les hommes, les femmes et les enfants dans les rues de Calais puissent manger. Ils sont aujourd’hui criminalisés pour leur humanité. Pour leur fraternité. Pour leur républicanisme. Oui la République meurt à Calais. Le macronisme se couvre de honte. N’abdiquons jamais l’honneur d’être leur cible.
Par Pierre Joigneaux.