Il est désormais possible de spéculer sur… l’eau

Eau. Spéculation. Vous ne rêvez pas. De nouveaux produits financiers vont permettre de spéculer sur… l’eau. Alors même que deux tiers de la population mondiale devrait être confrontée à des pénuries d’eau d’ici 2025. Le capitalisme financier vient s’attaquer à un de nos bien communs les plus précieux. Le développement de produits dérivés basés sur l’eau pourraient entrainer des spéculations. Spéculations qui pourraient avoir un impact haussier sur le prix de la ressource. Une hausse du prix de l’eau dans un contexte de réchauffement climatique pourrait avoir des conséquences dramatiques : sécheresses et canicules sans eau, privatisations, guerre de l’eau… On assiste bien, sous nos yeux, à la monétisation d’une ressource naturelle indispensable pour tous les êtres vivants. Un véritable scandale passé totalement sous les radars médiatiques.

La spéculation sur l’eau lancée en Californie, tout sauf un hasard

Un contrat à terme sur un marché financier constitue un engagement d’acheter (pour l’acheteur), de vendre (pour le vendeur), un actif à un prix fixé dès aujourd’hui, pour une livraison et un règlement à une date future. Des contrats à terme existent sur pratiquement toutes les matières premières. Vous pouvez acheter un contrat à terme sur du pétrole, de l’or, ou du jus de pomme. Jusqu’au 17 septembre 2020, il n’existait pas de contrat à terme sur l’eau. Certains de nos biens communs les plus fondamentaux étaient encore préservés de la prédation du capitalisme financier. Désormais, même l’eau va pouvoir subir des attaques spéculatives. Triste époque. La régulation financière est une urgence vitale.

Jeudi 17 septembre 2020. L’opérateur boursier CME Group lance une bombe sur le NASDAQ, deuxième plus grand marché financier des États-Unis : le premier contrat à terme sur l’eau de l’histoire. Le groupe CME l’a officialisé dans un communiqué de presse annonçant que le contrat serait lancé sur l’indice « Nasdaq Veles California Water Index« . En Californie ? Tout sauf un hasard.

Liban, Chili, Irak, Algérie : des mobilisations contre les pénuries d’eau précédents les révolutions citoyennes


La bataille de l’eau fait rage en Californie. Une grande partie de l’État est composé de terres arides. La pluie et la neige s’y font particulièrement rares. Et les fermes de la région sont parmi les plus grandes des États-Unis. Les denrées alimentaires produites en Californie abreuvent le marché national et les exportations américaines. Ces fermes géantes consomment des quantités astronomiques d’eau. Selon le groupe lui-même, 40 % de la consommation d’eau de l’État est utilisée à des fins agricoles. Et l’eau commence très clairement à manquer. En Californie, comme dans de plus en plus de régions du monde.

On estimerait en effet que deux tiers de la population mondiale est amenés à être confrontés à des pénuries d’eau d’ici 2025. Elles sont déjà le quotidien des habitants des outre-mer en France, notamment en Guadeloupe où la situation est catastrophique. Jean-Luc Mélenchon rappelle dans sa théorie de l’ère du peuple que la rupture d’accès aux réseaux et aux biens communs est un élément déclencheur des révolutions citoyennes. Liban, Chili, Irak, Algérie. Chacun de ces pays a connu d’importantes et régulières mobilisations contre les pénuries d’eau. Avant de connaître des révolutions citoyennes. De Guadeloupe au Moyen-Orient, d’Afrique à l’Amérique latine, l’eau cristallise déjà les tensions. Laisser la spéculation financière s’attaquer à l’eau, avec le réchauffement climatique que l’on connaît, est pure folie.

Par Pierre Joigneaux.

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