L’État peut reprendre la main sur l’aéronautique pour engager la bifurcation écologique

AirFrance, Derichebourg aeronautics services, Airbus, Safran… La filière aéronautique est une des plus touchées par la crise économique et sociale et qui suit la crise sanitaire de la Covid-19.

Les salariés sont les premiers sacrifiés. Avec l’appui des « ordonnances travail » de 2017 – mise en place par l’ex-ministre Muriel Pénicaud – les entreprises suppriment des emplois, licencient et précarisent les travailleuses et les travailleurs. Ainsi, chez Derichebourg, grâce à la signature d’un accord de performance collective (dispositif issu des ordonnances travail), l’entreprise a pu imposer une baisse de revenus d’environ 250€ à ses salariés avec pour contrepartie de ne pas licencier… Avant juin 2022. Chez Safran, c’est près de 3 000 postes qui ne devraient pas être renouvelés après des départs en retraites. Pour Airbus, on parle de 5 000 suppressions de postes avec des licenciements en cascade à prévoir chez les sous-traitants. Enfin, le cas le plus médiatisé est sans doute celui d’AirFrance qui a annoncé la suppression de plus de 7 800 emplois, avec des plans de départs volontaires, mais également des licenciements « secs » pour les salariés de la compagnie régionale Hop !. Pour cette dernière, on parle d’une réduction des effectifs de 40 %, soit plus de mille emplois. 

Un gouvernement sans projet, qui n’investit pas

Face à cela, le Gouvernement annonce, mais n’agit pas. Si Bruno Le Maire a annoncé un plan d’aide de 15 milliards d’euros pour la filière, le Haut conseil des finances publiques révèle que dans le dernier Projet de loi de finance rectificative (PLFR 3), les dépenses ne correspondent pas aux annonces et que « toutes les mesures de soutien de l’activité annoncées par le Gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, n’ont pas été traduites dans ce PLFR ». En tout et pour tout, sur les 15 milliards annoncés, on retrouve 500 millions dans le projet de loi, un investissement 30 fois inférieur aux annonces. Il n’y a que dans le PLFR 2 que l’on retrouve un investissement à hauteur de 20 milliards pour acheter des parts d’entreprises en difficulté qui pourront ensuite revendues, une fois la situation stabilisée. Cela ressemble donc davantage à un prêt qu’à un investissement, mais de plus, aucune contrepartie écologique ou sociale n’a été demandé aux entreprises. L’État a donc prêté, sans prêter attention au sort des salariés et de l’environnement. Enfin, le dispositif de chômage partiel longue durée récemment mis en place n’interdit pas les licenciements.

Plusieurs outils sont disponibles pour sauver ces emplois

« Je ne sais pas dire comment les français vont voyager… Je ne sais pas prévoir les carnets de commande », explique Jean-Baptiste Djebbari, Ministre délégué aux transports, au sujet des licenciements chez AirFrance, au micro de JJ. Bourdin, le 1er juillet dernier. La position du gouvernement est passive. Le prêt de l’Etat n’intervient pas comme un changement de cap en ce qui concerne l’aéronautique, mais davantage comme une vaine tentative de colmater la fuite. Cette crise pourrait pourtant être l’occasion de repenser l’aérien. Le gouvernement peut par exemple engager une nationalisation des compagnies aériennes comme cela a pu être le cas au Portugal avec la compagnie TAP. Nationaliser les compagnies françaises permet de les regrouper dans un grand groupe public et donc de fixer les règles du jeu. Les syndicats, les citoyennes et les citoyens, les associations environnementales auraient ainsi la possibilité de participer au processus de décision. Le résultat pourrait être la sauvegarde de milliers d’emplois, mais également de mettre la question du ciel au cœur du débat démocratique. Seulement, le gouvernement n’a pas fait ce choix, mais a décidé de laisser le volant aux patrons.

Sauver ces emplois c’est aussi sauver la planète

Les suppressions de postes dans le secteur de l’aéronautique peuvent apparaître pour beaucoup comme une perte de temps et de compétences. Laisser ces travailleuses et les travailleurs, souvent qualifiés, sur le carreau est un danger social, économique et écologique.
Contrairement à ce que peuvent prêcher les adeptes de la doctrine néolibérale, les travailleurs sont une chance et sans nul doute la plus grande pour sortir de cette crise. Sauver ces emplois permet d’éviter une forte baisse de la consommation des ménages, ce qui conduirait le pays dans la spirale de la récession. Sauver ces postes, c’est aussi protéger ces salariés de la pauvreté et de la précarité. Enfin, ces emplois supprimés sont autant de savoir-faire et de compétences techniques que pourrait perdre le pays. Ces compétences peuvent être nécessaires pour répondre à l’enjeu du siècle : la crise climatique.

En réorientant la production, cette main d’œuvre pourrait être utilisée pour engager la bifurcation écologique dont l’humanité a besoin. L’État peut devenir employeur et embaucher pour atteindre des objectifs comme une énergie 100% renouvelable ou encore pour poursuivre les recherches dans les énergies vertes. Aussi, alors que l’avenir de l’avion semble incertain, il apparaît pertinent d’investir massivement dans le réseau ferroviaire et d’y engager la bifurcation écologique dans ce secteur. Ces quelques exemples sont autant de postes qui pourraient être crées par la puissance publique. L’État a donc les clefs en main pour transformer et réorienter les chaines de productions dans une période où la société civile est de plus en plus consciente de la catastrophe écologique à venir et de l’importance de sauver notre écosystème et de passer dans une nouvelle ère plus respectueuse de l’environnement et des humains.

Par Damien Maudet.