Marée noire de 20 000 tonnes de pétrole : l’alarme du permafrost dans l’Arctique

La fonte du permafrost (« pergélisol » en français) a déjà des effets concrets. Elle est même à l’origine de ce qui serait la pire catastrophe écologique de l’histoire de l’Arctique. Le 29 mai, la fonte de ces sols gelés a provoqué l’affaissement d’une cuve de diesel près de Norilsk, dans l’Arctique russe. Résultat : une marée noire de plus 20 000 tonnes d’hydrocarbures. Retour sur cet épisode passée sous les radars médiatiques traditionnels.

50 piscines olympiques remplies de mercure et de virus gelés depuis 11 000 ans

Vous avez peut-être déjà entendu parler du « permafrost » (« pergélisol » en français). C’est une couche terrestre gelée depuis des millénaires qui se situe dans les hautes latitudes. Le permafrost couvre notamment la moitié de la Russie et du Canada, ainsi que 80 % de l’Alaska et 90 % du Groenland. Il couvre au total un cinquième de la surface terrestre. Problème : sous l’effet du réchauffement climatique, ces sols gelés commencent à fondre.

Et les conséquences potentielles de cette fonte du permafrost font froid dans le dos. Le pergélisol arctique est le plus grand réservoir de mercure au monde. Il contient des quantités gigantesques de méthane : un gaz 10 fois plus nuisible pour la planète que le CO2. Ces sols contiendraient au total quelque 1 700 milliards de tonnes de CO2 et 1,7 million de tonnes de mercure. Ils contiendraient aussi des virus aujourd’hui disparus mais qui pourraient ressurgir avec la fonte des glaces. Ces chiffres donnent le tournis. Pour vous donnez une idée : imaginez 50 piscines olympiques remplies à ras bord de mercure et de virus, emprisonnés dans ces sols gelés depuis 11 000 ans.

Les fondations d’une centrale thermique s’affaissent dans l’Arctique : 20 000 tonnes de pétrole dans la nature

Les climatologues nous alertent depuis des années sur les conséquences potentiellement dramatique de la fonte du permafrost sous l’effet du réchauffement climatique. En trente ans, les températures moyennes se sont ainsi élevées de 2 à 3 degrés en Sibérie. Et le permafrost commence donc à fondre, avec des premières conséquences déjà concrètes. En Sibérie, des routes s’affaissent, des terrains s’effondrent, des oléoducs rompent sous l’affaissement de ces sols pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres de profondeur.

Une nouvelle alarme a donc été tirée le 29 mai près de Norilsk, dans l’Articque russe. Les fondations d’un réservoir de diesel d’une centrale thermique du géant minier Norilsk Nickel (Nornickel), ont lâché. Laissant s’échapper 23 000 tonnes d’hydrocarbures dans la nature. La tâche d’huile s’est répandue dans les terrains environnants, jusqu’à « l’Ambarnaïa », le fleuve voisin. Par chance, un barrage a été mis en place suffisamment rapidement pour stopper la progression du carburant vers le lac Piassino et la mer de Kara. Les conséquences auraient été dramatiques pour l’approvisionnement en eau des habitants de la région.

Les médias de masse regardent ailleurs, l’alarme du permafrost a pourtant bien été lancée

Le dégel du permafrost menacerait 70% des infrastructures de l’Arctique à l’horizon 2050, notamment les infrastructures gazières et pétrolières. La moitié de la couche supérieur du permafrost pourrait fondre d’ici 2050. Ce chiffre pourrait même atteindre 90 % d’ici la fin du siècle selon le centre national américain pour la recherche atmosphérique (NCAR). Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit quant à lui une fonte « importante » du permafrost avant 2100 si les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ne sont pas réduites.

Les médias de masse ont beau détourner le regard, une nouvelle alarme a été tirée. Il est plus que jamais l’heure de la bifurcation écologique pour enrayer le réchauffement climatique et ses conséquences dramatiques. Une proposition de résolution visant justement la bifurcation écologique a été défendue par les insoumis la semaine dernière, le jeudi 4 juin, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale : rejetée par la République en Marche. Certains n’ont pas l’air de mesurer l’urgence du problème. Il est pourtant brûlant d’actualité.

Par Pierre Joigneaux.