CORONAVIRUS – Suppression des vacances, heures sup’ non payées : l’institut Montaigne veut nous faire les poches

Le Coronavirus ouvrira-t-il la porte à une régression sans précédent des droits sociaux des travailleurs pour les années à venir ? Après une première offensive du gouvernement sur le temps de travail et les congés au Parlement, l’institut Montaigne dévoile ce mercredi 6 mai ses « solutions » pour « relancer l’économie ». Au programme : allongement des journées de travail, suppression d’un jour férié et réduction des RTT.

« Assouplir quelques verrous juridiques persistants »

L’institut Montaigne, proche du MEDEF et d’Emmanuel Macron propose dans une note publiée sur son site internet « Neuf propositions pour adapter le temps de travail en contexte de crise ». Son objectif ? Répondre à la crise économique liée au Coronavirus à travers « l’assouplissement » de « quelques verrous juridiques persistants » pour viser un « autre droit du travail ».

Dans son premier point, le document pousse à « la renégociation par accord collectif du montant compensateur lié aux heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent d’heures supplémentaires » ou « la possibilité à l’employeur, à titre temporaire (par exemple jusqu’en 2022), d’imposer le rachat de jours de RTT pour les salariés au forfait sans majorations. » mais aussi « de prolonger le relèvement provisoire des seuils maxima dans les secteurs manifestement en tension (maximum de 10 heures de travail par jour et seuil de 48 heures hebdomadaires) ».

Plusieurs autres « solutions » concrètes sont ensuite énumérées comme la suppression du jour férié de l’Ascension ou de la première semaine des vacances scolaires de la Toussaint. Également dans le collimateur de l’institut : le temps de repos minimum quotidien qui est actuellement fixé à 11 heures.

Enfin pour aider l’économie il est envisagé « l’accroissement du temps de travail sans pour autant que la rémunération supplémentaire correspondante ne soit versée immédiatement par les entreprises. » Ces dernières pourront alors verser ces sommes plus tardivement et seulement sous certaines conditions.

Capture BFM TV du 6 mai 2020

La fonction publique serait directement impactée

Au-delà du secteur privé, l’institut souhaite que le gouvernement s’attaque plus particulièrement à l’administration et la fonction publique. Les différentes recommandations prévoient d’instituer un allongement du temps de travail. Il est ainsi proposé de « réexaminer la question de la durée et de l’aménagement (sur le mois, sur l’année, voire sur plusieurs années) du temps de travail » dans les administrations publiques. Il est suggéré de proposer aux fonctionnaires « d’accroître temporairement leur durée de travail ». Les services publics financés sur fonds publics comme les crèches pourraient aussi être concernés.

Mais ce n’est pas tout, le « groupe de réflexion » libéral envisage également la diminution du nombre de RTT dans la fonction publique. Pour ce faire, les cadres se verraient supprimer une dizaine de jours de RTT, sans compensation salariale obligatoire. Pour gagner « en efficacité et en souplesse », cette hypothétique réforme entraînerait la remise en cause des « limites de la définition du temps de travail calculée sur une base horaire et hebdomadaire » dans la fonction publique pour favoriser les catégories éligibles aux forfaits jours.

L’institut Montaigne et Emmanuel Macron : une grande amitié

L’institut Montaigne n’en est pas à son coup d’essai concernant l’augmentation du temps de travail. Déjà en première ligne pour soutenir la réforme des retraites contestée d’Emmanuel Macron, le think-tank libéral s’inscrit régulièrement dans la lignée des recommandations du MEDEF pour pousser le gouvernement à rendre plus « flexible » le Code du travail. Des propositions qui sont souvent écoutées du côté du Président de la République au vu des liens étroits qui l’unissent à l’institut.

En effet, Claude Bébéar (ex-PDG d’AXA) qui a créé le groupe de réflexion, a rejoint Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle de 2017 et lors du lancement du mouvement « En Marche », celui-ci était hébergé directement au domicile particulier du directeur de l’institut Montaigne, Laurent Bigorgne. Celui-ci dirige le groupe de réflexion depuis 2010 et est un proche conseiller et ami de longue date du Président.

Les recommandations de l’institut devraient donc rapidement être examinées par le gouvernement, mais leur mise en oeuvre marquerait alors un recul historique pour les droits des travailleurs. Bien qu’annoncées comme « temporaires », elles viendraient remettre en cause des années de luttes pour la réduction du temps de travail dans la semaine, dans l’année et dans la vie. Des acquis sociaux célébrés il y a encore quelques jours lors du 1er mai.

Par Maxime Charpotier