En France, le prix du train est un frein réel pour de nombreux usagers : 54 % des Français jugent son coût dissuasif. Pour lever cet obstacle à l’usage du ferroviaire, le député LFI Bérenger Cernon, cheminot, a déposé une proposition de loi visant à abaisser la TVA sur les transports collectifs ferroviaires à 5,5 %. Une mesure simple et immédiatement applicable, qui articule justice sociale et bifurcation écologique du secteur. Notre article.
Décomposition d’un prix injuste
Derrière le prix élevé des transports, il y a des arbitrages budgétaires et fiscaux qui pèsent directement sur les usagers, à cela s’est rajoutée l’inflation des dernières années qui frappe particulièrement les plus précaires. En France, les 10 % les plus précaires y consacrent plus de 20 % de leur revenu disponible (Insee). Chaque trajet devient un révélateur des inégalités d’accès à un service public essentiel.
Depuis plusieurs années, les hausses de tarifs s’enchaînent. En janvier 2025, SNCF Voyageurs a annoncé une augmentation moyenne de 1,5 % des billets TGV Inoui. Les Intercités subissent une hausse de 1,9 %. En 2024, les prix avaient déjà progressé de 5 %, après une hausse identique en 2023. Dans plusieurs régions, les tarifs des TER ont augmenté de 8 à 10 %. Mais que paie-t-on exactement lorsqu’on achète un billet de train ?
Prenons un billet de TGV à 100 € hors taxe. En moyenne, 30 € sont consacrés aux péages versés à SNCF Réseau pour l’utilisation des infrastructures. L’amortissement du matériel roulant représente environ 25 €. Viennent ensuite les coûts de maintenance (10 €), d’énergie (5 €), de gestion des gares (5 €), de distribution (5 €) et de personnel (5 €). Enfin, 15 € couvrent les autres dépenses liées à la structure ou à la communication. À ce total s’ajoute la TVA à 10 %, soit 10 € supplémentaires. Le prix final payé atteint donc 110 €. Cette TVA s’applique de manière uniforme à tous les billets ferroviaires : TGV, TER, Intercités. Elle est proportionnelle, donc injuste socialement : elle pèse de la même manière sur tous les usagers, quel que soit leur revenu.
Alors que le train est un levier central de la transition écologique, il reste fiscalement pénalisé. Le transport urbain, par exemple, bénéficie d’un taux de TVA réduit à 5,5 %.

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Agir sur la TVA : un levier immédiat pour rendre les prix du train plus accessibles
C’est précisément pour corriger cette injustice que le député LFI propose, par cette proposition de loi, d’abaisser la TVA sur les transports ferroviaires à 5,5 %. Ce taux correspond à celui appliqué aux transports urbains, aux biens et services essentiels comme l’eau ou l’électricité.
Reconnaître le droit à la mobilité, c’est affirmer qu’il doit être accessible à toutes et tous. La TVA, impôt proportionnel, frappe plus lourdement les ménages modestes. La réduire, c’est agir sans délai et sans condition, en ciblant directement le prix payé par l’usager. La proposition prévoit que cette baisse soit obligatoirement répercutée sur les tarifs, empêchant ainsi les opérateurs et autorités organisatrices (SNCF, Régions) de percevoir la part supplémentaire. Un comité de suivi en assurerait l’application effective, et un rapport annuel au Parlement permettrait d’évaluer ses effets sur les prix, la fréquentation et les émissions de gaz à effet de serre.
Une mesure qui dessine un cercle vertueux
En favorisant une baisse des prix, la mesure encouragerait également un report modal vers le ferroviaire. Une fréquentation accrue renforcerait les recettes des opérateurs publics, permettant d’améliorer l’offre. Ce mécanisme vertueux — plus d’usagers, plus de moyens, meilleure desserte — est un levier concret contre le recul du service public ferroviaire.
Cette proposition de loi prolonge aussi un travail de long terme mené par les parlementaires insoumis. Elle s’inscrit dans la continuité des propositions issues de la Convention citoyenne pour le climat, et reprend une mesure que les députés LFI ont défendue à plusieurs reprises, sans succès, face à un camp macroniste qui s’est systématiquement opposé à la baisse de la TVA sur le rail.
Une mesure pour enclencher la bifurcation écologique des mobilités
Rendre le train plus accessible n’est pas seulement une mesure sociale. C’est aussi un choix structurant, à l’heure où les transports représentent le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre en France (31 %). À trajet équivalent, un voyage en train est en moyenne 30 fois moins polluant qu’en voiture.
En baissant les tarifs, la proposition permettrait d’enclencher un basculement vers un mode de transport moins polluant, sans culpabilisation ni contrainte. Elle s’inscrit dans une écologie populaire, à rebours des politiques libérales qui ont démantelé le ferroviaire public, fermé des lignes et affaibli la desserte de nombreux endroits en France.
La bifurcation écologique ne peut être technocratique. Elle doit s’ancrer dans le quotidien, répondre aux besoins concrets, construire un modèle de mobilité fondé sur l’intérêt général. Cette proposition met le droit à la mobilité au cœur de la bifurcation écologique. Elle répond à un besoin social et dessine un horizon politique réaliste : un service public ferroviaire accessible, écologique et équitable.
Par M.B.
Crédits photo : « A SNCF TGV inOui Reseau Duplex at Paris Gare de Lyon, in the new Carmillon livery. This somewhat peculiar trainset was formed from older power cars, and newer double-deck trailer cars. », Superlabs, Wikimedias Commons, CC BY-SA 4.0, pas de modifications apportées.