mercredi 23 avril

17:23

« Les mesures de Trump consistent en une déclaration de guerre contre la classe travailleuse ! » – Entretien avec Xavier Arrizabalo, membre du Comité pour l’alliance des travailleurs et des peuples

L’insoumission.fr et Informations Ouvrières s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières. Malgré ses manières odieuses, la politique que mène Trump n’est pas dénuée de toute logique. Néolibérale, raciste et de […]

trump

par

partager

L’insoumission.fr et Informations Ouvrières s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières.

Malgré ses manières odieuses, la politique que mène Trump n’est pas dénuée de toute logique. Néolibérale, raciste et de prédation pure et simple. Depuis son retour au pouvoir, ses premières mesures constituent de véritables déclarations de guerre contre la classe travailleuse, notamment ses segments les plus vulnérables, tout en menaçant le Groenland, le canal de Panama, Gaza et bien d’autres pays.

« Sa politique n’inversera pas la destruction de plus en plus systématique des forces productives, mais elle ne fera que l’exacerber : crises, guerres, pillage de la nature et, surtout, dévalorisation de la force de travail », assure Xavier Arrizabalo, professeur à l’Université Complutense de Madrid et membre du Comité pour l’alliance des travailleurs et des peuples (CATP). En parallèle, les gouvernements européens s’empressent de répondre aux exigences de Trump, notamment en augmentant les dépenses d’armement. Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, l’a dit sans ambages lors de la réunion du Groupe de contact sur la défense de l’Ukraine à Bruxelles le 12 février : « Nous sommes à un tournant critique (…) 2 % du PIB ne suffisent pas ; le président Trump a demandé 5 %, et je partage son point de vue (…) ». Notre entretien.

« Les actions de Trump révèlent que le problème n’est pas le fétiche du néolibéralisme, mais la logique sans fard du capital, face à laquelle seule peut s’opposer l’action organisée de la classe travailleuse en défense de ses aspirations légitimes », Xavier Arrizabalo

Informations Ouvrières / L’insoumission : À peine plus d’un mois après son investiture, Donald Trump a livré son premier discours au Congrès mercredi 5 mars dernier, dans lequel il est revenu sur les premiers jours de son mandat, « les 100 décrets présidentiels » et « les 400 mesures exécutives ». Quels sont les impacts de ces décrets et mesures pour l’économie mondiale et pour les peuples ?

Les manières grotesques et insultantes de Trump ne doivent pas nous laisser croire que ses politiques sont illogiques. Pour comprendre toute mesure, il faut toujours différencier son impact spécifique sur chaque classe sociale, car la caractéristique fondamentale de toute société de classe, comme la société capitaliste, réside en ce que les intérêts des différentes classes sont non seulement différents, mais aussi opposés.

En ce sens, les mesures de Trump consistent, avant tout, en une déclaration de guerre contre la classe travailleuse, en particulier contre ses segments les plus vulnérables, tels que les femmes, les immigrés ou, entre autres, les employés du secteur public ayant moins d’ancienneté. Il s’agit de réductions d’impôts pour les plus riches et de la suppression des fonds pour les indemnités compensatoires ; de la reclassification des fonctionnaires pour faciliter leur licenciement ; de l’annonce de déportations massives d’immigrés et de la fin du droit du sol pour la naturalisation des enfants nés d’immigrés sans papiers, etc.

En dehors des Etats-Unis, la mesure qui exprime le plus clairement le contenu criminel de cette politique est sans aucun doute son projet d’expulsion totale et définitive de la population gazaouie de Palestine (sans oublier que son soutien inconditionnel au génocide s’inscrit dans la continuité de la politique de Biden).

Evaluer les effets prévisibles de ces mesures sur l’économie mondiale en général nécessite de partir de sa caractérisation actuelle : une sorte de crise chronique, c’est-à-dire une succession de crises sans périodes d’expansion entre elles. Trump intensifie la fuite en avant déjà en cours. Sa politique n’inversera pas la destruction de plus en plus systématique des forces productives, mais elle ne fera que l’exacerber : crises, guerres, pillage de la nature et, surtout, dévalorisation de la force de travail.

Informations Ouvrières / L’insoumission : Donald Trump a notamment annoncé l’augmentation significative des droits de douane, ce qui fait dire au Wall Street Journal que la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis contre leurs trois principaux fournisseurs, Mexique, Canada et Chine, est « la plus stupide de l’histoire ». Comment expliquer cette décision ? En plus, la politique menée par Trump, au-delà des conséquences internationales, inquiète jusques et y compris les entreprises américaines. Quels intérêts économiques sert Trump ?

Depuis des décennies, le FMI, dans le cadre de ses politiques d’ajustement, impose des mesures de libéralisation commerciale et financière, en même temps que de déréglementation du travail, de privatisations, etc. Pour ce faire, il invoque l’idée que le « libre-échange » favoriserait la croissance, elle-même levier du bien-être de l’ensemble de la population.

Cela signifie-t-il que l’ensemble du capital exige une même politique économique et notamment cette libéralisation commerciale et financière ? Le capital dans son ensemble ne partage qu’un seul objectif : abaisser le coût de la main-d’œuvre pour produire la plus grande quantité possible de plus-value, qui est la source de son profit. Cette formule du FMI est doublement frauduleuse : le libre-échange ne favorise pas le développement, et le FMI ne combat pas les politiques fortement protectionnistes des puissances, notamment celle des Etats-Unis (par exemple dans l’agriculture).

La revendication de libre-échange n’a fait qu’obéir aux intérêts du capital, notamment américain, pour étendre ses marchés (sans réciprocité), ce pour quoi les gouvernements soumis se sont retrouvés pieds et poings liés, ainsi dans ce qu’on appelle les traités de libre-échange, incompatibles avec la souveraineté nationale.

Dans le contexte convulsif actuel, Trump n’a pas seulement l’intention de mettre en œuvre cette politique si agressive contre le travail, mais en particulier celle réclamée par une fraction du capital, même si cela affecte négativement l’accumulation du capital en général. Le Wall Street Journal en appelle à la « responsabilité », aspirant à la chimère d’une économie capitaliste stable, alors que la réalité est que c’est la logique capitaliste qui aggrave la dislocation du marché mondial, incapable d’absorber les besoins de valorisation du capital dans son ensemble. La compétition est partie en flèche et il devient de plus en plus évident que la politique économique ne peut pas servir pleinement le capital dans son ensemble.

Il est donc nécessaire d’examiner quels secteurs du capital sont spécifiquement servis par la politique de Trump. Pour ce faire, il faut radiographier précisément la structure de propriété du capital et les modes de valorisation de chacune des fractions du capital, c’est-à-dire dans quels espaces du marché mondial elles parviennent à se valider en tant que capital.

On distingue aujourd’hui deux phénomènes sur le marché mondial. D’une part, l’affaiblissement économique du capital américain, même s’il est relatif et n’implique pas la perte de sa position dominante. Les Etats-Unis, dont la population ne représente que 4 % de la population mondiale, fournissent 25 % de la production totale et réalisent 40 % des dépenses militaires.

D’autre part, l’essor économique de la Chine, lié au pouvoir de la planification, même si son caractère bureaucratique entraîne un coût social énorme, et de toute façon, l’économie chinoise ne peut pas être étrangère aux convulsions du marché mondial.

Historiquement, l’hégémonie d’une puissance reposait sur la productivité de ses industries et sur les canons de ses marines impériales. La domination militaire des Etats-Unis est incontestable, mais en termes de productivité, leur position est remise en cause, notamment par la Chine, mais pas simplement à la manière classique depuis les années 1980, car le pays asiatique est aujourd’hui leader dans certains développements technologiques (comme le montre son dépassement des entreprises américaines dans le domaine de l’intelligence artificielle).

C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre la déclaration de guerre commerciale de Trump, au service d’une fraction du capital américain. Un pari fort qui implique des effets économiques défavorables pour la majorité, avec des implications telles que la hausse prévisible de l’inflation. On peut aussi comprendre le rapprochement avec Poutine, mis en scène lors de la réunion de Riyad du 5 mars, dont l’arrière-plan consiste à neutraliser la Russie grâce à certaines concessions à son oligarchie.

Pour aller plus loin : Ukraine/Russie : Macron prépare la France à l’économie de guerre et aux sacrifices sociaux

image 24
https://x.com/L_insoumission/status/1899152617751904310

Informations Ouvrières / L’insoumission : Les injonctions de Trump en direction des pays membres de l’Otan d’augmenter leurs dépenses militaires à 5 % du PIB ont été reçues « 5 sur 5 » par les gouvernements européens, qui s’empressent de les « mettre en musique » dans chacun des pays. Quelles sont les conséquences économiques ?

Une fois de plus, il se confirme que l’UE n’est ni une union, ni européenne. Ce n’est pas seulement parce que les intérêts des travailleurs et des capitalistes ne peuvent pas s’unifier (ni, en fin de compte, ceux des différents capitalistes), mais à cause de sa soumission aux Etats-Unis dès son origine dans le plan du général Marshall qui a décidé la modalité de reconstruction européenne après la guerre.

En effet, les gouvernements européens s’empressent de répondre aux exigences de Trump, notamment en augmentant les dépenses d’armement. Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, l’a dit sans ambages lors de la réunion du Groupe de contact sur la défense de l’Ukraine à Bruxelles le 12 février : « Nous sommes à un tournant critique (…) 2 % du PIB ne suffisent pas ; le président Trump a demandé 5 %, et je partage son point de vue (…) Les Etats-Unis ne peuvent plus se concentrer principalement sur la sécurité de l’Europe (…) nous sommes confrontés à des menaces directes sur notre propre territoire. Nous devons – et nous le faisons – donner la priorité à la sécurité de nos propres frontières. Nous sommes également confrontés à un concurrent stratégique majeur : la Chine communiste, qui a la capacité et l’intention de menacer notre territoire et nos intérêts fondamentaux dans la région indo-pacifique.

Les Etats-Unis donnent la priorité à la dissuasion d’un conflit avec la Chine dans le Pacifique (…) nous avons vu des signes encourageants montrant que l’Europe est en train de prendre conscience de la menace, qu’elle comprend ce qu’il faut faire et commence à agir (…) La Suède a récemment annoncé son plus important programme d’aide (…) la Pologne consacre déjà 5 % de son PIB à la défense, ce qui est un modèle pour le continent. Et 14 pays codirigent des ‘ coalitions de capacités ’, qui font un excellent travail en coordonnant l’assistance létale européenne dans huit domaines clés (…). Il reste beaucoup à faire. Nous appelons tous et chacun de vos pays à tenir les engagements qu’ils ont pris ».

Les conséquences sont faciles à deviner, car il s’agit d’une pure arithmétique : pour augmenter les dépenses militaires, étant donné le renoncement à taxer le capital, il faut soit les faire financer par la classe travailleuse via les impôts (maintenant ou plus tard si les Etats s’endettent pour le faire), soit, plus directement, par une réduction des salaires dans leurs composantes indirectes et différées (santé, enseignement, etc.). Comme l’a dit Patrick Martin, président du Medef sur RMC le 3 mars : « Le Danemark a décidé de repousser l’âge de la retraite à 70 ans pour que l’économie puisse financer l’effort de guerre ».

Les actions de Trump révèlent que le problème n’est pas le fétiche du néolibéralisme, mais la logique sans fard du capital, face à laquelle seule peut s’opposer l’action organisée de la classe travailleuse en défense de ses aspirations légitimes, aujourd’hui possibles grâce à sa productivité.

sur le même sujet

Pierre-Édouard Stérin, milliardaire d’extrême droite et soutien de Marine Le Pen, refuse de se rendre devant une commission d’enquête
« Du complot imaginaire à la dérive autoritaire » – Hamma Hammami décrypte la répression politique en Tunisie
Expulsions locatives : la chasse aux pauvres d’Emmanuel Macron jette une retraitée de 85 ans dans la rue
Marseille, Pau, Montreuil, Montpellier – Les insoumis se préparent activement au 1er mai

Rechercher