festival d'Avignon
« Avignon festival 2006 asobu popes palace », Jialiang Gao, CC BY-SA 3.0, pas de modifications apportées.

Pourquoi L’Insoumission se rend au festival d’Avignon

Festival d’Avignon. L’Insoumission.fr publie un nouvel article de sa rubrique « Nos murs ont des oreilles – Arts et mouvement des idées ». Son but est de porter attention à la place de l’imaginaire et de son influence en politique, avec l’idée que se relier aux artistes et aux intellectuels est un atout pour penser le présent et regarder le futur.

Avignon et son festival poussent un grand ouf de soulagement. Le Nouveau Front Populaire a gagné le second tour des élections législatives. Raphaël Arnault a été élu député de la circonscription. C’est le seul député LFI du Vaucluse. Tous les autres sont d’extrême-droite. Le Festival a échappé à quelques horreurs. La visite de la néomacroniste et ministre de la Culture, Rachida Dati. Pire encore, celle de Marion Maréchal-Le Pen dont le nom était évoqué en cas de victoire du RN.

Ces nouvelles ne gomment pas les raisons qu’ont eues 34 % des votants du premier tour de choisir le RN. L’heure est à la joie, mais aussi au travail. Au moment où nous écrivons, la porte n’est pas encore ouverte pour la mise en application du programme du NFP. Emmanuel Macron cherche à sauver ses commanditaires néolibéraux en niant le résultat des urnes et en cherchant à trouver une improbable majorité. Pour une politique qui décevrait à nouveau comme les précédentes.

Le NFP a mis solennellement en garde le chef de l’État contre « toute tentative de détournement des institutions ». Les forces de gauche l’ont appelé à « se tourner immédiatement vers le Nouveau Front populaire pour lui permettre de former un gouvernement ». Ne pas faire appel à cette coalition historique de gauche pour former un gouvernement serait un énième coup de force anti-démocratique de la part d’Emmanuel Macron. Dans ce contexte politique tout particulier, L’insoumission n’en oublie pas ses autres missions et rubriques. Elle sera présente au festival d’Avignon. Notre article.

L’insoumission au festival d’Avignon

L’insoumission.fr avait décidé de couvrir le Festival d’Avignon avant la décision de dissolution de l’Assemblée. Pour la rédaction, cela a un sens. Nous voulons politiquement bousculer l’ordre établi. Renverser les dominations. Transformer la société. Construire une majorité d’idées pour le changement. Comment y parvenir sans questionner l’état des choses existant ? Ses emprises. Ses représentations. Ses aliénations. Tout ce dont les pouvoirs néolibéraux se servent pour asseoir leur domination économique et idéologique.

Pressentir ce dont demain est porteur. L’avenir est impensable pour ceux et celles qui veulent changer le monde sans imaginaire, sans sensible, sans symboles et concepts nouveaux. Et questionner, reformuler, créer, c’est justement ce à quoi l’art – et le théâtre – contribuent. La nouvelle période qui s’ouvre met cet enjeu plus que jamais à l’ordre du jour.

L’imaginaire dans le collimateur du pouvoir

Notre capacité à penser, ressentir, symboliser et nous émouvoir compromet la quiétude des puissants. Pour cela, une politique de gauche ne pourrait se faire sans penser la création. Pour l‘extrême centre, il y aurait trop d’artistes, trop de créations. Pour qui ? Est-ce une tare de voir se développer sur tout le territoire des lieux, du désir de culture et de spectacles ? Est-ce une tare, un peuple qui joue, chante, regarde, écoute et pense ? Ce n’est pas une tare, c’est une voie.

Quant au RN, entre rejet de ce qu’il appelle d’un côté culture pour l’élite – le peuple serait-il con ? -, de l’autre communautarisme – ce qui est à soi ne serait-il pas partageable ? – sa pensée est un apartheid aux antipodes d’une culture vivante. Il n’y a pas de progrès social sans un développement des arts et de la culture partageable par toutes et tous.

Culture en démolition

Cela fait maintenant longtemps que le périmètre et le contenu du service public de la culture se réduit. Que les politiques publiques en faveur de l’art et de la culture s’affaiblissent. Par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis des dizaines d’années. Les gouvernements Macron ont poursuivi cette entreprise de démolition. Le plan de compactage de Radio France/France Télévision et l’INA n’est pas le retour à l’ORTF. C’est ouvrir plus le champ pour les médias privés. Contrôler ce qui restera du service public et le vider de sa diversité.

On a bien aperçu l’autoritarisme et la captation de l’idée de subvention, dans les aigreurs des réactions à l’intervention de Justine Triet à la réception de la palme d’or en 2023. Bien sûr, ils ont continué à promettre. Macron annonce le « théâtre obligatoire » de la maternelle au lycée pour cette rentrée. Sans contenu. Sans moyens. Et en vérité, pour seulement permettre à chaque élève de France de voir une fois dans l’année un spectacle, il faudrait multiplier par dix les représentations scolaires !

Le festival d’Avignon

Il se déroule donc dans un moment prometteur. Malgré une coupe budgétaire du gouvernement Macron dans le spectacle vivant sans précédent. 204,3 millions. Absolument inédit dans son ampleur. Une menace pour l’ensemble de l’écosystème du spectacle vivant déjà dégradé. Toutes les structures touchées.

De la petite compagnie à l’Opéra de Paris. Entre 25 % et 50 % de dates programmées en moins, dès la saison à venir. 22 % des compagnies de toutes tailles pensent leur disparition envisageable. Des métiers d’art menacés de disparaître. Un plan « antisocial » de paupérisation et de licenciements à bas bruit dont les plus fragiles, les « minorisés », les plus menacés seront les premières victimes.

Le Nouveau Front Populaire devra revenir dessus. Avec sa promesse de monter le budget de la Culture à 1 % du PIB. Plus de moyens, ce serait bien. Mais cela ne suffira pas. Il faut repenser une politique de l’art et de la culture. Avec la création et la liberté des artistes au cœur. Avec l’ambition de son partage et de son expérimentation, en tant que chemin, par toutes et tous.

Le Festival d’Avignon, c’est plus de 1500 spectacles. Des dizaines de milliers d’artistes et techniciens. Des centaines de milliers de citoyens. Un lieu de rencontres et de débats. Même si on est loin de la semaine d’art créée par Jean Vilar en 1947. L’esprit du supermarché, du divertissement et de l’accompagnement libéral côtoie les créations qui explorent les formes nouvelles de dire le monde.

Ce sont ces dernières que nous irons chercher. Nous rendrons compte chaque jour pendant dix jours de certaines d’entre elles. Dire leur capacité à nous toucher – quelquefois à nous transformer – intimement et politiquement. Nous tenterons de relater aussi ce qui se dit dans ce lieu qui a une longue tradition de débats et d’éducation populaire. Et les luttes qui s’y dérouleront.

Nous parlerons d’un spectacle qui se jouera uniquement les 13 et 14 juillet à 14 h 30 à L’Entrepôt à Avignon. Les chants anonymes. Une mise en scène par le « Scarface Ensemble » du texte de Philippe Malone. Un chœur sur la tragédie des migrants de la Méditerranée. Dans notre actualité. À ne pas manquer si vous êtes à Avignon.

Par Laurent Klajnbaum

Crédits photo : « Avignon festival 2006 asobu popes palace », Jialiang Gao, CC BY-SA 3.0, pas de modifications apportées.