Le Marché de la poésie déprogramme la Palestine – nouvelle honte internationale pour la France

Palestine. L’Insoumission.fr publie un nouvel article de sa rubrique « Nos murs ont des oreilles – Arts et mouvement des idées ». Son but est de porter attention à la place de l’imaginaire et de son influence en politique, avec l’idée que se relier aux artistes et aux intellectuels est un atout pour penser le présent et regarder le futur.

Chaque année un pays est invité avec ses poètes au « marché de la poésie », la plus grande manifestation de poésie en France. Cette année, c’était au tour de la Palestine. Le grand poète Abdellatif Laâbi, traducteur d’une anthologie dédiée à la poésie palestinienne, y a travaillé sans relâche depuis 2022.

Les organisateurs viennent d’annuler la participation de la Palestine « pour que l’événement ne devienne pas une tribune politique », disent-ils honteusement. Ils rajoutent même, toute honte bue : « 40 000 euros. Est-ce que la Palestine a les moyens de soutenir la manifestation dans ce contexte ? »

244 poètes, d’éditeurs, de libraires, de traducteurs demande à ses dirigeants de maintenir cette invitation. Sous peine d’annuler, eux aussi, leur présence. De déserter leurs stands. D’y exiger le retrait de leurs ouvrages. Ils appellent à un cessez-le-feu immédiat. Notre article.

« La poésie est née des premiers étonnements devant la vie, quand l’humanité naissante s’interrogea sur les premiers mystères de l’existence. C’est ainsi que l’universel fut, dès l’origine, local. »

Les sanctions qui tombent à l’encontre de Sébastien Delogu et Rachel Keke ne feront pas taire les insoumis. La présidente de l’Assemblée nationale, avec sa majorité d’idées, de la Macronie au RN, a beau les décréter isolés, l’indignation traverse tout le pays vis-à-vis du génocide en cours en Palestine. L’insoumission a rendu compte des manifestations, des occupations et des rassemblements qui, semaine après semaine, exigent un cessez-le-feu immédiat et la reconnaissance en France et internationalement d’un État palestinien. C’est au tour des artistes de se mobiliser autour de deux événements.

« La poésie est née des premiers étonnements devant la vie, quand l’humanité naissante s’interrogea sur les premiers mystères de l’existence. C’est ainsi que l’universel fut, dès l’origine, local. »

Mahmoud Darwich – Palestine

Dire l’impossibilité de la relation entre poésie et politique c’est nier l’histoire de la poésie

Le marché de la poésie est la plus grande manifestation de poésie en France. Poètes, revues, éditeurs rencontrent pendant cinq jours le public autour de leurs livres, de lectures, de spectacles et de débats. Pendant 5 jours place Saint-Sulpice depuis 40 ans. Chaque année un pays est invité avec ses poètes. C’était cette année au tour de la Palestine. Le grand poète Abdellatif Laâbi, traducteur d’une anthologie dédiée à la poésie palestinienne, y a travaillé sans relâche depuis 2022.

Les organisateurs viennent d’annuler la participation de la Palestine « pour que l’événement ne devienne pas une tribune politique », disent-ils honteusement. Ils rajoutent même, toute honte bue : « 40 000 euros. Est-ce que la Palestine a les moyens de soutenir la manifestation dans ce contexte ? ». S’il avait fallu un appel à don, personne ne peut douter de la réponse !

« La Palestine est une arête plantée dans la gorge du monde. Personne ne parviendra à l’avaler », Elias Sanbar – Palestine

La réponse aux organisateurs d’Abdellatif Laabi : « Messieurs, /J’ai pris connaissance avec stupeur de votre lettre où vous revenez sur votre décision de recevoir la poésie palestinienne en invitée d’honneur de l’édition 2025 du 42ᵉ Marché de la poésie. J’estime que les raisons que vous invoquez pour justifier un tel revirement sont politiquement biaisées et moralement insupportables.

Je m’attendais de votre part à plus de discernement et de courage. / Connaissant bien les poétesses et les poètes palestiniens, je dis en toute quiétude qu’ils sont plus humanistes que vous et moi. Leurs voix nous sont indispensables. Votre décision de ne pas leur laisser libre cours l’an prochain fera planer un doute sur votre bonne foi en tant qu’organisateurs du Marché de la poésie, et mettra à mal l’avenir même de ce dernier. »

244 poètes, d’éditeurs, de libraires, de traducteurs demande à ses dirigeants de maintenir cette invitation. Sous peine d’annuler, eux aussi, leur présence. De déserter leurs stands. D’y exiger le retrait de leurs ouvrages. Ils appellent à un cessez-le-feu immédiat.

Leur appel dont le nombre des signataires augmente de minute en minute : « Poètes.ses palestinien.nes au Marché de la poésie 2025 L’épine du monde doit parler ! « Camille Escudero, signataire, indique que « la tribune est aussi – presque surtout – ouverte à la communauté des lecteur.rices de poésie, et à toute personne extérieure à ce champ, qui estime odieuse cette annulation, par les temps dégueulasses que nous vivons ».

« Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. Espoir de libération et d’indépendance. Espoir d’une vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l’école. Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d’amour et de paix. Merci de porter avec nous le fardeau de cet espoir. »

Mahmoud Darwich – Palestine

Pour aller plus loin : Reconnaissance de l’État de Palestine : comment la France a renoncé

Parallèlement, 235 artistes dont DJ Snake, Leïla Bekhti, Mister V, Angèle, Léna Situations, Léa Seydoux, Renaud, Adèle Exarchopoulos, JoeyStarr… déclarent en commun dans une Tribune : « Nous assistons à un génocide en temps réel, filmé, documenté, se déroulant sur nos écrans quotidiennement et devant lequel nous sommes nombreux à nous sentir impuissants. Le temps n’est plus au débat, il est à l’action ». Ils exhortent Emmanuel Macron à quitter « le camp de la honte ». À « reconnaitre l’État palestinien » comme l’on fait l’Espagne, l’Irlande ou encore la Norvège. Ils Ils appellent ce choix « le chemin de la dignité humaine ».

Certains artistes disent dimanche, je voterai Palestine. Avec Manon Aubry.

Par Laurent Klajnbaum