Intervention de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale le 26 janvier 2021.
« (…) On ne tuera jamais si bien et si efficacement l’idée européenne qu’en la traitant comme on est en train de le faire. Voici qu’une fois de plus à la faveur d’une décision dont on a d’abord claironné qu’elle est historique, magique, extraordinaire, fantastique et tout ce que l’on voudra, nous devons voter en un seul article et d’un seul vote, ou bien «oui» ou bien «non» sans rien y changer parce que c’est un peu – voyez ses ailes – un traité, un peu une loi française – voyez ses pattes.
Alors dans ce moment historique, taxer les profiteurs de crise au niveau européen quand se sont accumulées de telles fortunes, non il n’en est pas question. Taxer contre le dumping social et environnemental aux frontières, non il n’en est pas question. Une taxe sur les transactions financières incluant les produits dérivés, j’y insiste ce sont les plus importants, et le trading à haute fréquence, cette absurdité totale et complète y compris du point de vue des gens qui sont attachés au régime capitaliste, non plus il n’en est pas question.
Alors il ne restera une fois de plus que la routine des «oui mais» dont il ne reste que les «oui» et les «mais» sont oubliés, ainsi que toutes les réserves justes qu’ils contiennent… qu’elles viennent des bancs de droite ou de gauche ou même des bancs des partisans de ce texte qui s’apprêtent à voter «oui» comme nous l’avons vu tout à l’heure en entendant Monsieur Bourlanges s’exprimer avec talent comme d’habitude mais dans une posture extrêmement contradictoire. Si on vous a bien compris, tout ça ne vaut rien mais il faut quand même voter pour.
Et en effet, tout ça ne vaut pas grand-chose. Les Français, à la faveur de cette victoire extraordinaire de l’amour et de la concorde européenne se voient infliger de payer à eux tout seul, le quart de tous les rabais qui sont consentis encore une fois contre toute raison à une armada de petits pauvres dont je veux rappeler ici quel type de profiteurs ils sont. L’Autriche verra son rabais augmenter de 49%, les Pays-Bas de 176%, le Danemark aura un rabais augmenté de 190% et la Suède de 177%. Tout le monde sait ici que ce sont des pays dans un dénuement qui les met à la limite de la tiers-mondisation. En attendant, les Français sont assez riches pour leur verser 2 milliards 600 millions tous les ans qu’il faudra leur fournir.
À côté de cette autorisation des rabais qui succède à l’histoire invraisemblable de ceux qui avaient été obtenus par Madame Thatcher et refusés par les Allemands, enfin bref. Nous ajoutons une autorisation pour des nouvelles ressources propres. Le ministre nous a garanti, et nous n’avons aucune raison de douter de sa bonne foi, que les Français ne paieront pas le remboursement de cette dette, d’ailleurs dérisoire. Non, car il y a des ressources propres qui arrivent. Alors les ressources propres qui arrivent, elles ont un inconvénient c’est qu’il n’y en a qu’une seule qui a été validée, c’est la taxe plastique qui ne représente que 3 milliards d’euros par an contrairement à tout ce qu’avait réclamé à peu prêt tous les groupes du Parlement européen. 3 pauvres milliards de taxe plastique. Et pour le reste, la taxe sur les transactions financières, la taxe carbone aux frontières, la taxe sur les GAFA, tout ça on verra une autre fois, on va en parler, mais promis juré, sans doute ils vont tous les voter. On ne voit pas pourquoi ils le feraient parce que chaque fois que quelqu’un tient tête aux autres, il a le dernier mot.
Voyons par exemple comment la Hongrie et la Pologne ont, à la faveur d’une entourloupe, réussi à se soustraire à la conditionnalité des valeurs puisqu’en effet la conditionnalité des valeurs s’applique à tout le monde après la signature de cet accord, mais la Pologne et la Hongrie ont obtenu qu’ils puissent déposer un recours à la Cour européenne de justice et pendant la durée du recours il y a suspension de la conditionnalité des valeurs si bien qu’ils pourront d’abord encaisser l’argent, et les valeurs on verra après. Voilà ce qui a été au total cet accord.
Quant à l’autorisation d’emprunt, elle porte sur 750 malheureux milliards, qui ne représentent rien du tout par rapport aux 2 800 milliards que la Banque centrale européenne avait déjà injectés dans toutes les banques de la zone euro et ni non plus des 2 000 milliards qu’ils s’apprêtent à y ajouter. Cette somme n’est rien et nous Français, nous devrons la rembourser. Pour 40 milliards que nous toucherons, monsieur le ministre, si vous avez raison, dans quelques années, peut-être ne serez-vous plus à ce banc pour avoir à répondre de vos affirmations, et je vous le souhaite car ce sera un moment bien embarrassant pour vous. Pour le reste, nous rembourserons et tout le monde l’a dit parce que ces ressources propres ne seront pas suffisantes et parce que vous refusez d’entrer dans la discussion sur l’annulation de la dette. »