Retrouvez chaque semaine le billet vert de Martine Billard, ancienne députée écologiste, oratrice nationale de la France insoumise.
Dès le début de l’exposé des motifs, les mensonges s’alignent, phrase après phrase. Ce projet de loi traduit les dispositions de nature législative recommandées par la Convention citoyenne. Traduit ? Non. Trahit. Les « 150 » citoyens ont été associés à la réalisation de ce projet de loi. Ils ont été informés. Ce qui n’a rien à voir avec être associés à la rédaction. Ce texte répond à leur engagement et à leurs préconisations : NON il trahit leurs préconisations.
Puis viennent des envolés lyriques totalement contredites par la rédaction des articles de ce projet de loi, projet de loi qui n’est pas à la hauteur de l’urgence écologique. Les mesures retenues sont soient les moins importantes des propositions de la Convention citoyenne, soit celles qui reposent sur le volontariat ou l’expérimentation soit amoindries et repoussées à long terme .
Très loin des préconisations de la Convention citoyenne
La contribution sur le transport routier de marchandises ne sera pas instaurée au niveau national mais des régions volontaires pourront la créer dans certaines conditions. On attend de voir celles qui oseront, outre que la perception d’une taxe par région ne va pas s’avérer d’une grande simplicité.
La Convention citoyenne a beaucoup travaillé sur le sujet de la publicité. Or si le projet de loi prévoit de transférer les pouvoirs de réglementation du préfet aux maires ce qui peut être une bonne chose, concernant les publicités télé et radio la seule mesure proposée est un code de bonne conduite surveillé par le CSA. Quand on connaît l’incapacité du CSA à faire respecter le refus de propos racistes, les annonceurs ne vont pas trembler en lisant cette disposition.
Depuis longtemps les associations écologiques réclament l’introduction d’une clause de mieux disant environnemental dans les marchés publics. Le groupe « Produire et travailler » de la Convention a repris cette exigence. Au final le seul résultat est l’introduction d’un critère environnemental au même titre que les autres et ce, pas avant 5 ans après la publication de la loi soit mi 2026 !! Ce qui aurait été utile c’est d’écrire dans la loi que le mieux disant environnemental s’imposait au mieux disant économique et immédiatement. Pas dans 5 ans.
Aucune obligation environnementale non plus en échange des aides publiques. La proposition d’offre de repas végétarien quotidien dans les cantines publiques se réduit à une expérimentation par les collectivités volontaires. Bel exemple de poudre aux yeux puisque celles-ci n’ont pas besoin d’une loi car cela relève de leur libre administration garantie par la Constitution. A signaler que la proposition de chèques alimentaires en produits bio n’a pas été retenue. La malbouffe pour les pauvres a encore de beaux jours devant elle. Et toutes les autres restaurations collectives ne sont pas concernées.
Pour le reste cela relève de l’appui à l’engagement individuel comme les informations consommateurs sur l’empreinte carbone des produits, l’étiquette de refus de publicité dans les boites à lettre …
Trop peu
La proposition d’interdire la publicité pour les produits ayant un fort impact sur l’environnement se réduit à l’interdiction de la seule publicité directe pour les énergies fossiles, qui de fait sont assez peu concernées. La seule mesure positive est l’interdiction des avions publicitaires mais là aussi c’est minime en termes d’impact.
Les vols intérieurs seront interdits en cas d’alternative ferroviaire d’une durée de moins de 2h30 contre 4 h proposée et avec un trajet direct mais cela ne concerne pas les vols assurant une correspondance. Espérons que l’introduction de cette exception ne serve pas de cheval de Troie au maintien de lignes aériennes dont les destinations sont parfaitement bien desservies aujourd’hui par le train.
La lutte contre l’artificialisation des terres est réduite à peau de chagrin puisque 80 % des demandes ne seraient pas concernées par la nouvelle législation que ce soit à cause de la superficie de référence (10 000 m²) ou le fait que les plateformes de commerce en ligne ne sont pas concernées (bonjour le cadeau à Amazon!).
Trop lent
Beaucoup des mesures annoncées ne sont que des objectifs avec des dates lointaines après 2022 donc dépendant de la prochaine majorité élue.
L’isolation des logements et plus largement des bâtiments fait l’unanimité pour son utilité dans la lutte contre la consommation d’énergie tout en assurant un meilleur confort de vie et de meilleures conditions de santé. La loi de 2015 pour la transition énergétique prévoyait déjà de lutter contre la précarité énergétique, objectif qui a été souvent répété depuis y compris par ce gouvernement or ce projet de loi repousse l’interdiction de louer des passoires thermiques au 1er janvier 2028. Petit rappel la loi de 2015 prévoyait la disparition des passoires thermiques à l’horizon 2025. Ce projet de loi est donc très en deçà. Pour les logements autres que les passoires thermiques, exit l’obligation de procéder aux travaux nécessaires à l’isolation thermique, la seule nouveauté concerne la création d’un audit énergétique.
L’interdiction à la vente les véhicules individuels les plus polluants est repoussée à 2030 avec un seuil supérieur à celui proposé par la Convention citoyenne et seulement comme un objectif.
Tout ce qui concerne la réduction des avantages fiscaux liés à des produits ou activités polluantes comme pour le transport routier, les engrais azotés .. est reporté après 2024 voire 2030. La réduction des émissions de GES du transport aérien n’a carrément pas de date précisée et le rejet d’extension des aéroports rendu très flou.
C’est vrai qu’on a largement le temps d’agir !!! On peut donc attribuer le prix de la procrastination environnementale 2021 à Macron.
Enfin on attend toujours la rédaction exacte de l’article portant création d’un délit d’atteinte à l’environnement censé remplacer le délit d’écocide. Les dernières déclarations de la ministre Barbara Pompili sont inquiétantes car elles semblent montrer que les interventions des lobbies ont fonctionné puisque cela ne concernerait plus que les pollutions liées à une volonté de nuire or elles sont rarissimes. Ce serait même une régression par rapport au droit actuel qui réprime les pollutions accidentelles.
Un cavalier législatif en prime
La réforme du code minier, nécessaire, est annoncée depuis plusieurs années. Elle nécessite un débat approfondi et démocratique. Pour y échapper, le gouvernement introduit dans ce projet de loi, qui rappelons-le était censé reprendre les préconisations de la Convention citoyenne, un article l’autorisant à effectuer cette réforme par ordonnances. Une fois de plus le Parlement est bafoué et on ne peut qu’être inquiet sur ce qu’il en résultera vu le poids des lobbies miniers comme on le voit en ce moment dans les décisions concernant la Montagne d’Or en Guyane.
En conclusion il faut rappeler que le principe d’une loi est d’être précise pour éviter des interprétations contradictoires. Ce projet ne répond pas à cette obligation. Comme disait Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale entre 2017 et 2012, nous sommes face à une loi bavarde. Beaucoup de décisions dépendront des décrets ou des ordonnances. Quant à l’ambition de baisser de 55 % les émissions de gaz à effet de serre, cet objectif n’a aucune chance d’être atteint. Pourtant c’est possible. La France Insoumise et ses parlementaires ont fait de nombreuses propositions depuis 2017 notamment en déposant des amendements et des propositions de loi mais à chaque fois En Marche et le gouvernement ont refusé.
Le billet vert de Martine Billard.