Sexisme, racisme, discriminations : enquête choc sur les médias

Durant cinq semaines, l’Association des journalistes lesbiennes, gays, bi·e·s, trans et intersexes (AJL) a écouté les Grosses Têtes, une émission quotidienne animée par Laurent Ruquier et diffusée sur RTL, réunissant chaque jour plus de 2 millions d’auditeurs et d’auditrices. L’enquête met en lumière l’omniprésence des propos discriminatoires tenus dans cette émission. Une tendance qui ne se limite malheureusement pas aux seules Grosses Têtes mais est répandue dans de nombreuses émissions de grande écoute. Retour sur cette enquête choc qui en dit long sur notre presse qui préfère vendre du scandale plutôt que d’informer.

La discrimination banalisée


L’étude dénombre pas moins de « 159 propos sexistes, 66 séquences LGBTIphobes, 51 remarques racistes. C’est le terrible bilan que nous dressons après un mois d’écoute des Grosses têtes, du 21 septembre au 23 octobre 2020 ». L’AJL ajoute : « Avec en moyenne 19 séquences discriminantes par émission, les minorités sont à nouveau désignées aux yeux et aux oreilles de tou·te·s comme le bouc émissaire idéal. » Très complète, l’enquête détaille : 100% des émissions écoutées contiennent des saillies sexistes, avec une moyenne d’une toutes les 11 minutes ;  83% des émissions contiennent des propos LGBTIphobes ; 79% des émissions comptent des séquences racistes ; et pas moins de 50% des émissions s’amuse des viols et agressions sexuelles, de la pédocriminalité, des infanticides, des féminicides et des violences conjugales.


Pour l’AJL, l’émission reproduit le « schéma d’un harcèlement de cour de récréation. Un système où insultes et discriminations sont constamment encouragées envers des boucs émissaires désignés. Le tout sous prétexte d’humour. » Rappelons que cette étude intervient après celle de 2016 consacrée à Touche pas à mon poste !, celle de 2017 sur les talk shows et celle de 2019 sur le traitement médiatique de la PMA. Le constat est sans appel : de nombreuses émissions de très grande écoute propagent des discours violents et discriminatoires.

Ces médias construisent un univers violent et inégalitaire


Depuis quelques années, les enquêtes de l’AJL soulignent un phénomène de masse qui a des répercussions politiques importantes. En banalisant les propos discriminatoires, les médias construisent un monde où se moquer des « minorités » (1) est normal. L’hégémonie et l’impunité des discours discriminants façonne les consciences de millions d’auditeurs et d’auditrices. Comment alors s’étonner de la banalisation et de l’augmentation des violences contre les minorités dans notre société ?


Les derniers rapports de SOS Homophobie témoignent, par exemple, d’une augmentation des agressions et situations de discrimination. En 2018, SOS homophobie a recueilli 1 905 témoignages, soit une augmentation de 15 % par rapport aux données de 2017. Cette augmentation se double d’une hausse alarmante du nombre d’agressions physiques. Pour les associations féministes et anti-racistes, le constat est identique. Cela est d’autant plus alarmant que le quinquennat Macron est placé sous le signe de l’inaction politique et de la régression généralisée. Face à la politique du numéro vert, il faut des moyens !

Pour une révolution citoyenne dans les médias

Plus que jamais, nous avons besoin de médias au service du peuple. Le scandaleux fait vendre et il a remplacé la première mission des médias : celle d’informer et de diffuser un contenu pluraliste de qualité. Depuis quelques années, nous assistons à une réduction du nombre d’émissions politiques de qualité aux heures de grandes écoutes et à un nivellement par le bas de leur niveau. La multiplication des émissions dont le contenu est régulièrement pointé du doigt comme discriminatoire par le CSA est inquiétante pour notre démocratie.
Comme le rappelle La France insoumise, le débat  public  et  démocratique  se  porte  mal  dans  notre  pays  à  cause  d’un  traitement éditorial favorable à la pensée libérale dominante et à une représentation inéquitable de la diversité des composantes de la société ». Il est urgent de donner accès à un contenu pluraliste et de qualité qui permette un véritable débat démocratique.


La qualité des émissions et programmes dépend aussi du respect de la dignité des personnes. Il faut renforcer les sanctions (suspension, retrait d’autorisation d’émettre) lorsque les médias audiovisuels diffuseront des programmes sexistes, racistes, xénophobes, LGBTIphobes  ou  portant  atteinte  à  la  dignité  des  personnes  en  situation  de handicap. La banalisation des propos discriminatoires dans les médias crée un climat favorisant l’augmentation des violences au sein de notre société. Les discriminations ne sont pas des opinions. Elles sont punies par la loi.


Par Clément Verde.


(1) Notons que certaines de ces minorités sont majoritaires en France (comme les femmes) ou représentent  une large partie de la population (les personnes précaires ou pauvres). Repensons au traitement médiatique dont ont été victimes les Gilets Jaunes. La violence des propos soutenus et les procédés rhétoriques employés à leur égard (comme l’animalisation) soulignent la discrimination de classe dont les Gilets Jaunes sont victimes.